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Liste des abreviations

Table des matières - Suivante

Stockage villageois traditionnel Afrique de l'ouest

CARDER - Centre d'action régional pour le développement rural (Bénin)

CEAO - Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest

CER - Centre d'expansion rurale (Sénégal)

CIDT - Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (Côte d'Ivoire)

CILSS - Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel

CMDT - Compagnie malienne pour le développement des textiles (Mali)

CRAT - Centre régional africain de technologie

DMA - Division du machinisme agricole (Mali)

EMPA - Entreprise publique d'approvisionnement (Cap-Vert)

FAP - Fomento Agro Pecuario (Cap-Vert:)

FED - Fonds européen de développement

GRDR - Groupement de recherche pour le développement rural

GRET - Groupe pour la recherche et les études technologiques (France)

IER - Institut d'économie rurale (Mali)

IITA - Institut: international d'agriculture tropicale

MDR - Ministère du développement rural (Cap-Vert:, Côte d'Ivoire)

OCDE - Organisation de coopération et de développement économique

ONC - Office national des céréales (Bénin)

ONG - Organisation non gouvernementale

ORD - Organisme régional de développement (Burkina Faso)

PRTT - Programme de recherche sur les techniques traditionnelles


1. Introduction

1.1 Historique du projet

Depuis de longues années, l'augmentation et l'évolution des circuits et des échanges des produits vivriers, notamment du fait de la croissance urbaine et de la monétarisation, ont fait prendre conscience de l'importance du stockage des produits vivriers dans l'économie agro-alimentaire.

A son tour, la sécheresse persistante au sud du Sahara a attiré l'attention sur le milieu agricole et sur la place des greniers familiaux dans l'économie villageoise. On s'est alors interrogé sur l'efficacité du stockage dit traditionnel, tout en découvrant qu'il n'était qu'un maillon, bien sûr capital, de la longue chaîne du système post-récolte.

La CEAO, comme le CILSS, fait partie des institutions qui se préoccupèrent de bonne heure de ce problème. C'est: ainsi qu'elle fut à l'origine d'un colloque sur le stockage paysan et le commerce traditionnel des céréales tenu à Bamako en 1977, suivi d'un séminaire-atelier sur la conservation des récoltes organisé en 1978.

Bien que l'estimation des pertes en stockage villageois ait fait l'objet de divergences, il est apparu nécessaire d'améliorer les techniques du système post-récolte paysan. Maintes initiatives ont été prises en ce sens, tant de la part des pouvoirs publics que du secteur privé et des ONG, aboutissant au lancement par la FAO d'un grand programme de prévention des pertes après récolte.

L'étendue et la diversité des recherches et des expériences méritant que l'on en fasse le bilan pour en tirer les leçons et des lignes d'action, la CEAO a requis l'assistance de l'UNSO pour l'aider à mener à bien le projet identifié en page de titre.

 

1.2 Dispositions officielles

Le document du projet, signé les 12, 18 et 19 octobre 1983, respectivement par la CEAO, l'UNSO, le CILSS et la FAO, fixait à dix mois et demi la durée des activités à compter du mois d'octobre 1983.

La FAO etait désignée comme organisme chargé de l'exécution, l'UNSO et la CEAO, organismes de supervision, et le CILSS, organisme de coopération.

Sous le titre de Mission de formulation d'un projet d'études et d'amélioration des greniers et stocks villageois, ce projet régional portait le N° UNSO/RAF/83/X03, devenu par la suite UNO/RAF/003/NSO, avec la référence CEAO/Convention N° -/83/SG/DDR.

Les contributions étaient respectivement de 63 000 dollars EU pour l'UNSO, 11 347 800 FCFA pour la CEAO dont 6 500 000 versés à l'UNSO au titre du budget du document, le reste étant géré par la CEAO, 900 000 FCFA pour le CILSS directement gérés par lui-même, soit un coût total de 94 405 dollars EU dont 79 660 concernant le document 1/.

 

1.3 Objectifs du projet

1.3.1 Objectifs de développement

Cette étude, en apportant une contribution substantielle à la connaissance des technologies villageoises de stockage vivrier, notamment céréalier, et: à son amélioration technique, avait l'ambition:

1.3.2 Objectifs immédiats

A court terme, le projet devait:


2. Resultats des travaux realises et conclusions

Les techniques traditionnelles de stockage et de commercialisation des produits vivriers font partie intégrante d'un système plus large, qui recouvre les activités agro-alimentaires, allant de la récolte à la consommation. Elles sont- le fruit d'un long processus d'expérimentations et d'adaptations qui, au long des générations et des siècles, ont abouti à un certain degré de perfection. Cela s'explique par la nécessité constante de trouver des solutions appropriées à partir des seules ressources de l'environnement.

Ces techniques s'inscrivaient évidemment dans une économie essentiellement orientée vers la subsistance et l'autoconsommation. La famille patriarcale y jouait un rôle prépondérant:, avec des fonctions et des tâches définies suivant- le sexe, l'âge ou le rang social. Les échanges étaient peu monétarisés et- l'urbanisation peu développée. Enfin les phénomènes de désertification et d'émigration massive, consécutifs à la sécheresse, n'avaient pas l'ampleur qu'on leur connaît aujourd'hui. Tout:es ces mutations ont contribué à modifier, plus ou moins profondément, l'équilibre des divers systèmes post-récolte.

Par son étendue, la sous-région étudiée ici présente de grandes différences d'ordre écologique et socio-culture1 qui expliquent la diversité des systèmes de stockage et- des techniques de conservation, rendant très difficile un examen détaillé de tous les systèmes concernés. C'est la raison pour laquelle il a fallu adopter une méthodologie de sélection et d'investigation (cf. annexe 1).

Le présent chapitre reprend les grandes lignes des résultats et conclusions qui ressortent des observations faites pays par pays et dont les détails figurent en annexe 2.

 

2.1 Recolte et sechage

2.1.1 Mil et sorgho

La majeure partie du séchage du mil et du sorgho a lieu au champ, sur pied, après la maturation des grains. Ce séchage, qui précède et prépare la récolte, dure une à quatre semaines suivant les zones de production. Celles-ci étant sensiblement identiques du point de vue agro-climatique, la différence relevée entre les durées de séchage s'explique principalement par la réserve de main-d'oeuvre disponible, laquelle est soumise aux contraintes suivantes:

Cette opération de séchage ayant lieu en début de saison sèche (novembredécembre), il faut dire qu'une à deux semaines après la maturation des grains, ceux-ci sont déjà tombés à un taux d'humidité très faible (inférieur à 10%), donc bien en dessous du seuil critique pour la conservation (environ 13%).

Aussi, dès après la récolte est-il possible de mettre les épis en bottes et de les transporter au village pour le stockage. Cependant, ils sont souvent rassemblés en grands tas à même le sol (c'est le cas du mil) ou déposés sur claie dans les champs, simplement protégés par des branches d'épineux (c'est le cas du sorgho). Il s'agit en fait d'un préstockage au champ, qui dure couramment une semaine à un mois, en attendant que les conditions permett-ant le transport de la récolte soient réunies (disponibilité d'une charrette, par exemple).

Ces divers délais, tant avant qu'après l'opération de récolte, occasionnent des pertes qui peuvent être importantes selon l'incidence et la conjonction de plusieurs causes possibles: attaques d'oiseaux, de singes, de troupeaux d'élevage, vols et feux de brousse.

Les paysans interrogés par le projet estiment que, pendant le séchage sur pied, les pertes peuvent atteindre jusqu'à 5% et sont dues principalement aux oiseaux (les mange-mil). D'autre part, selon l'étude du projet PFL réalisée au Burkina Faso, les pertes lors du préstockage au champ s'élèvent en moyenne à 3,5% au bout de dix jours (cf. tableau 1).

2.1.2 Maïs

Le mais est essentiellement produit dans les zones de la sous-région à climat plus humide (pluviométrie de 800 mm et plus). Il est récolté en pleine saison des pluies, bien avant toutes les autres céréales.

Tableau 1: PERTES AU COURS DU PRESTOCKAGE AU CHAMP

Années Durée

(jours)

Pertes

(%)

1981 11,8 4,0
1982 8,3 3,6
1983 8,3 3,6
Moyenne 9,5 3,0

Selon qu'il s'agit de culture de soudure, dans la zone soudano-sahélienne où les productions sont limitées à la périphérie des habitations (cultures de case), ou de culture principale, dans les zones plus humides (soudanoguinéennes), les techniques post-récolte du mais diffèrent sensiblement. On ne parlera ici que des zones où le mais constitue une production importante.

On peut distinguer trois méthodes de séchage. L'une consiste à couper les tiges et à les dresser en meules pour les exposer au soleil pendant une dizaine de jours. C'est la pratique utilisée, par exemple, par les Peulh et les Mandingue de la Haute Casamance.

Une autre consiste à couper les épis et à les déspather pour les transporter au village où le séchage se fait sur claie au-dessus d'un feu de bois, auprès de l'habitation. Ce feu est activé surtout le soir afin d'éviter les reprises d'humidité pendant la nuit.

La troisième méthode est celle des zones de grande production, notamment au Bénin (régions du Mono et du Borgou). Le séchage a lieu essentiellement sur pied et dure des trois à six semaines.

Qu'elles aient lieu avant ou après la récolte, les opérations de séchage sont en général immédiatement suivies du déspathage des épis et de leur transport au village. Ce n'est que dans le Mono (Bénin) qu'on a pu observer un préstockage de trois au quatre jours avant le transport des épis non déspathés, en vue du stockage. Dans ce dernier cas, les paysans constatent des pertes dues aux oiseaux et aux rongeurs, qu'ils évaluent entre 1 et 2%, sans compter les attaques de Sitophilus spp qui débutent lors du séchage sur pied.

2.1.3 Riz

Dans la sous-région, la production du riz est concentrée dans les basfonds et vallées, les avals de barrages et les zones aménagées pour la culture irriguée. Mais il convient de distinguer les pratiques post-récolte, d'une part pour le riz pluvial cultivé traditionnellement, et d'autre part pour le riz irrigué, d'introduction plus récente.

Dans le premier cas, ce sont généralement les femmes qui récoltent le riz par épi, le mettent en bottes et le transportent aussitôt à la concession pour le stockage. Cette pratique est traditionnelle chez les Mandingue de la Casamance et de la Guinée-Bissau.

Dans le second cas, comme le riz arrive à maturité au début de la saison des pluies, il faut procéder le plus rapidement possible au séchage. C'est pour cette raison que les hommes font la moisson et transportent les gerbes au village pour procéder aussitôt au battage. Les grains de paddy sont alors étalés en minces couches sur une aire proprement balayée en vue du séchage.

2.1.4 Haricot ou niébé

Le niébé est généralement produit en association avec la céréale principale, mil ou sorgho. Au bout de deux semaines environ de séchage sur pied, il est récolté gousse par gousse, jusque en même temps que la céréale associée. Dans les zones les plus humides où l'infestation d'insectes sur le champ est plus à craindre, la récolte est faite au fur et à mesure que les gousses viennent à maturité. Ce n'est que par la suite que les gousses seront séchées au village, à même le sol.

Il faut noter que les principales pertes subies par le niébé après la récolte sont dues à des infestations de Callosobruchus maculatus qui ont débuté dès le séchage sur pied. Même si, à ce stade, les dégâts causés par ce ravageur sont négligeables, ils pourront avoir un effet déterminant sur l'importance des pertes en cours de stockage.

2.1.5 Conclusions

Pour le mil et le sorgho, le séchage ne pose pas de problèmes majeurs car, au bout d'une semaine d'attente sur pied après maturité, les grains sont suffisamment secs pour être récoltés et stockés.

Les dégâts et les pertes qui peuvent se produire ont plutôt pour cause les délais et retards observés tant avant qu'après l'opération de récolte.

Pour le mals et le niébé, le problème majeur est celui de l'infestation par les charançons et les bruches respectivement, qui débute dès le séchage au champ et se développe normalement en cours de stockage.

Cela montre bien l'intérêt qu'il y aurait à réaliser dans les meilleurs délais les opérations de séchage et de récolte pour réduire les risques de

 

2.2 Stockage

2.2.1 Techniques de construction des greniers

(cf. figures 1 à 8)

Les moyens traditionnels de stockage utilises dans les villages sont très diversifiés selon les ethnies et les zones agro-climatiques. Suivant le type de matériaux employés pour leur construction, on peut distinguer:

 

2.2.1.1 Greniers en matières d'origine végétale

Les greniers en matières végétales sont les structures de stockage typiques des zones guinéennes et soudano-guinéennes. Cependant, on les rencontre aussi dans des zones climatiques beaucoup plus sèches telles que les zones soudano-sahéliennes. Ils sont utilisés pour le stockage du mil, du sorgho et du mais par un grand nombre d'ethnies vivant dans ces différentes zones (voir figures 1 à 4).

Communément appelés greniers en paille, ils sont généralement constitués de trois parties distinctes: la plate-forme, le contenant ou le corps du grenier et la toiture.

  1. La plate-forme

Les greniers en matières végétales sont toujours érigés sur une plateforme ou assise qui les isole bien du sol. La hauteur de cette plate-forme augmente habituellement au fur et à mesure où l'on descend du nord du Sahel vers les zones plus humides du sud. Ainsi cette hauteur peut varier de 25 à 30 cm seulement, chez les Gourmantché, les Mossi et les Wolof par exemple, à 1 m et plus dans le sud du Bénin.

Normalement, la plate-forme est entièrement faite de pièces de bois (branches d'arbre). Elle est alors soutenue par des poteaux en forme de fourche, ancrés à 30-50 cm de profondeur dans le sol. Des poutres, au nombre de trois ou quatre en général, sont simplement posées sur les poteaux. Des poutrelles, espacées de 10 à 20 cm environ, sont attachées à l'aide de lianes ou de cordes, perpendiculairement aux poutres, formant ainsi une assise horizontale qui portera le corps du grenier.

Les paysans utilisent de préférence des bois durs et réputés résistants aux termites. Parmi les bois les plus recherchés pour les poteaux, poutres et poutrelles, on peut citer Prosopis africana (bois de fer), Burkea africana, Anogeissus leiocarpus, Khaya senegalensis, etc. Toutes ces espèces végétales, autrefois disponibles à proximité des villages, deviennent de plus en plus difficiles, sinon impossibles, à trouver. C'est là un aspect inquiétant du phénomène de désertification qui s'est étendu et aggravé depuis quelques années.

Face à cette raréfaction, ou même disparition des meilleurs matériaux traditionnellement employés, les villageois ont recours à des espèces d'arbres moins résistantes pour les poutres et poutrelles et à de grosses pierres pour remplacer les poteaux. Evidemment, cette modification dans l'usage des matériaux affectera beaucoup la longévité des greniers.

  1. Le contenant ou corps du grenier

Pour fabriquer le corps du grenier, les paysans utilisent les matériaux les plus aisément disponibles qu'ils tressent en longues nattes. Les tiges les plus couramment employées sont Andropogon guyanus, Guiera senegalensis, le bambou coupé en lamelles et les nervures de feuilles de palmier.

C'est en assemblant une ou plusieurs de ces nattes qu'on constitue le corps même du grenier, en lui donnant généralement une forme cylindrique.

Chez les Djerma du Niger et les Bariba du Bénin, le corps et- la toiture du grenier qui ne font qu'un (cf. figure 4) ont une forme conique. Malheureusement-, dans les zones soudano-sahéliennes, victimes de la désertification, les tiges servant à la confection des nattes sont, elles aussi, de plus en plus difficiles à trouver. Cela conduit à des modifications frappantes dans la fabrication des greniers, pour laquelle il est de plus en plus fait appel à l'argile pour remplacer les végétaux. C'est ce qu'on observe, par exemple, dans des villages Djerma aux environs de Niamey.

  1. La toiture

Sur tous les greniers construits avec des matières végétales, le toit typique en paille est de forme conique. Il s'agit habituellement de plusieurs couches superposées d'herbes graminées (surtout Imperata cylindrica), recouvrant une armature en tiges de bois ou de bambou. L'armature est fixée à l'aide de lianes ou de fibres végétales aux supports verticaux du corps du grenier. Des cordes ou autres fibres retiennent solidairement les différentes couches de paille.

Avec Imperata cylindrica utilisée comme matériau de couverture, la toiture peut durer jusqu'à dix ans lorsqu'elle est- fixe ou semi-permanente, c'est-à-dire quand on ne l'enlève qu'au moment de l'engrangement de la récolte. En effet, la plupart des greniers végétaux n'ayant pas d'ouverture latérale pour permettre l'accès à l'intérieur, il faut nécessairement soulever le toit. Dans le cas des greniers où les prélèvements de provisions sont fréquents, cela a pour effet de réduire sensiblement la longévité de la toiture. Mais il existe aussi quelques types de greniers végétaux dont le toit est fixe et permanent, et qui sont pourvus alors d'une ouverture latérale, aménagée dans le corps du grenier (cf. figures 3 et 4).

Il faut noter encore que les pailles les plus recherchées sont, elles aussi, de plus en plus difficiles à trouver, en raison notamment des feux de brousse et du surpâturage des troupeaux. Ce phénomène peut être observé à l'époque des récoltes de mil et sorgho, c'est-à-dire en novembre-décembre, où il arrive que les paysans suspendent les activités proprement agricoles (récolte, transport, engrangement) pour se consacrer à la collecte des matériaux nécessaires à la confection ou à la restauration des greniers. De nos jours, les matériaux utilisés sont souvent des substituts végétaux de moindre qualité (moins durables et plus perméables à l'eau), qu'il faut renouveler plus fréquemment (tous les deux ans en moyenne).

 

2.2.1.2 Les greniers en terre argileuse

Les greniers en terre argileuse sont typiques des zones climatiques plus sèches (sahéliennes et soudano-sahéliennes). Ils sont généralement localisés à l'intérieur ou à l'extérieur des habitations, suivant la fonction de stockage qui leur est assignée. Selon les ethnies, il se présentent sous des formes très variées: cylindrique, trapézoïdale, ovale, sphérique, etc. (cf. figures 5 à 8). Communément appelés greniers en banco, il sont eux aussi composés de trois parties distinctes.

  1. La plate-forme

Elle est toujours constituée d'une assise de grosses pierres, soutenant des poutres et poutrelles en bois. Lorsqu'il s'agit d'un grenier à section horizontale carrée, la plate-forme est faite de six grosses pierres, soutenant trois poutres maîtresses, sur lesquelles repose un plancher fait de poutrelles en rangs serrés (cf. figure 9).

Quand la section est circulaire, la plate-forme est alors constituée de grosses pierres disposées en forme de cercle et d'une plus grosse pierre au centre. Des poutres très courtes, reliant les pierres les unes aux autres, soutiennent un plancher de poutrelles disposées en rangs serrés comme les rayons d'une roue (cf. figure 10). Il existe une variante de cette structure (cf. figure 11), qui consiste tout simplement en un lit circulaire de grosses pierres, sans poutres ni poutrelles. Cette dernière formule semble être le résultat d'une adaptation à la rareté croissante des matériaux végétaux. Ces trois derniers types de plate-forme, montrés aux figures 9 à 11, sont toujours utilisés pour les greniers de taille imposante (8 à 12 m3 en général, et jusqu'à 60 m3 chez les Haoussa).

Pour les greniers de petite taille (0,5 à 2 m3), notamment chez les Gourmantché, la plate-forme est faite d'une assise de trois, cinq ou neuf grosses pierres, disposées en forme de cercle, suivant la capacité du grenier (cf. figure 12).

Pour tous les types de plate-forme décrits ci-dessus, la hauteur par rapport au sol ne dépasse jamais 30 cm.

  1. Le contenant ou corps du grenier

Parmi les greniers en argile, ceux dont les parois sont en mottes de banco sont les plus répandus. Souvent l'argile nécessaire au mortier est judicieusement choisie. Normalement, il s'agit d'argile lourde que l'on trouve en bordure des rivières ou des marigots, ou bien d'argile de termitière. Dans la plupart- des cas, l'argile est mélangée à de la paille de graminées, finement hachée. Lorsqu'elle est disponible, la paille de fonio est préférée parce qu'elle constitue un meilleur stabilisant pour le mortier. Les Sénoufo du nord de la Côte d' Ivoire utilisent un banco fait d'argile et de rachis d'épis de riz. Une certaine huile d'origine végétale (Parkia filicoidae) ou même l'huile de karité (Butyrospermum parkii) sont aussi parfois utilisées comme stabilisants.

D'une façon générale, le plancher en banco (5 à 7 cm d'épaisseur) et la première couche des murs sont montés en une seule fois, sans mélanger de paille au banco. Pendant le temps de séchage de cette première assise (environ trois jours), le pétrissage du mortier d'argile et de paille peut débuter. Le plus souvent on laisse fermenter le mortier pendant deux ou trois jours, en le conservant humide. Pour compléter la construction du corps du grenier, les parois sont élevées progressivement par couches successives dont l'épaisseur varie entre 7 et 10 cm. Normalement, on doit attendre qu'une dernière couche ait séché avant de poser la suivante. Ces attentes, parfois prolongées, font que la construction d'un grenier en mottes de banco dure souvent plusieurs semaines. Une telle durée, s'ajoutant à la difficulté croissante de trouver de bons maçons spécialistes dans les villages, explique qu'il y ait une tendance à abandonner les greniers en mottes en faveur des greniers en briques de banco. Ces derniers ont l'avantage de pouvoir être édifiés en une seule journée, si les briques et autres matériaux sont disponibles, mais ils ont aussi l'inconvénient d'être beaucoup moins résistants.

Pour les greniers à section carrée atteignant des hauteurs relativement importantes (2,5 à 3 m), des pièces de bois sont toujours placées au travers du contenant, à hauteur de poitrine. Elles servent d'entretoises donnant plus de rigidité à la structure. Elles sont aussi utilisées comme points d'appui pour accéder à l'intérieur du grenier, ou bien comme points d'attache pour la fixation du toit.

Lorsque la toiture est fixe, une ouverture de 50 x 50 cm en moyenne est toujours prévue à la partie supérieure des murs, du côté le moins exposé aux pluies. L'ouverture est placée à mi-hauteur pour les greniers portant un toit de paille amovible.

Chez certaines ethnies, notamment les Lobi, les Gourmantché, les Dogon et les Somba, le contenant est divisé en deux, trois ou quatre compartiments permettant la séparation de produits différents.

  1. La toiture

Le toit en paille à large bordure au-dessus des murs est le type de couverture le plus répandu dans la sous-région. Les matériaux utilisés pour sa confection sont les mêmes que ceux qu'on emploie pour les greniers construits en matières végétales.

La principale fonction du toit est de protéger les grains stockés, mais aussi les murs du grenier contre la pluie et le rayonnement solaire excessif. La paille adéquate permettant au toit de remplir ses fonctions devient de plus en plus rare, pour les mêmes raisons que celles énoncées précédemment. Ainsi, dans certaines zones (par exemple aux alentours de Tillabéry au Niger, et de Sélibaby en Mauritanie), on note l'apparition de magasins à la place des greniers traditionnels (cf. figure 13).

2.2.2 Préparation des greniers

Chaque année, au moment des récoltes, débute la réfection ou la confection des greniers. Pour les greniers en paille, il s'agit de resserrer les arceaux de renfort des murs et de remplacer, tous les deux à cinq ans, suivant la qualité de la paille disponible, le chaume de la toiture.

L'entretien du grenier en mottes de banco est moins fréquent. Il consiste à refaire le crépissage des murs extérieurs, surtout des parties les plus exposoes aux pluies, tous les quatre ou cinq ans. Selon la qualité de la paille qui compose le toit, celui-ci est changé tous les deux à cinq ans.

En revanche, le grenier en briques de banco exige plus d'entretien. Le crépissage extérieur doit être refait pratiquement chaque année afin de colmater les fissures et de réparer les murs endommagés par les pluies.

Certaines précautions sont également prises avant le stockage de la nouvelle récolte. Il s'agit d'abord de l'enlèvement complet de tout stock restant. C'est seulement après cette opération qu'on procède généralement au nettoyage, parfois sommaire, de l'intérieur du contenant. Chez les Djerma, les paysans ont l'habitude de taper sur la surface intérieure des murs du grenier afin de faire tomber les termites et autres insectes des stocks, avant le balayage. Les Peulh de la Casamance crépissent le plancher du grenier en bambou à l'aide d'un mélange de bouse de vache et de feuilles de Boummé (Hyptis spicigera) pilées.

En plus du balayage, l'intérieur des greniers en banco est souvent recrépi afin de colmater les fissures susceptibles d'abriter des insectes. Parfois, le mortier de banco utilisé pour le recrépissage est mélangé à des poudres à base de plantes locales ou de produit chimique. Chez les Lobi et les Dagari du Burkina Faso, des fumigations par la combustion de tiges de mil ou de rachis d'épis de maïs, à l'intérieur des greniers, sont couramment utilisées comme méthode de lutte antiparasitaire avant l'entreposage de la nouvelle récolte.


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