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56. Le sucre

Table des matières - Précédente - Suivante

1. Présentation du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Culture, récolte, stockage et nettoyage des matières premières
2.2 Broyage des matières premières et extraction du jus
2.3. Epuration du jus
2.4 Evaporation, cristallisation et séchage du sucre
2.5 Fabrication de produits secondaires
2.6 Alimentation en énergie
2.7 Alimentation en eau et évacuation des eaux usées

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement

3.1 Exigences relatives à la limitation des émissions
3.2 Réduction et surveillance des émissions
3.3 Seuils limites définis pour la protection de la santé

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
6. Bibliographie

1. Présentation du domaine d'intervention

Le sucre est la seule denrée alimentaire qui soit tirée de deux plantes distinctes, la betterave sucrière (beta vulgaris) et la canne à sucre (saccharum officinarum), cultivées dans des régions différentes. Ces deux plantes d'importance économique mondiale n'entrent en concurrence l'une avec l'autre que dans de petites zones intermédiaires, où elles restent toutes deux nettement en-dessous de leur optimum physiologique. Ces zones sont pour la plupart situées entre le 25e et le 38e degré de latitude nord. La culture de la betterave sucrière se concentre essentiellement dans les régions à climat tempéré d'Europe et d'Amérique du nord où on enregistre des températures moyennes de 16° C à 25° C en plein été et des précipitations annuelles d'au moins 600 mm. Dans les régions subtropicales, la betterave est cultivée pendant les mois d'hiver. L'irrigation est nécessaire si les précipitations sont inférieures à 500 mm. Le sol le plus favorable à la culture de la betterave est un sol limoneux profond, neutre à faiblement alcalin. En tant que culture intensive, elle exige une fumure minérale assez importante. Etant donné que, pour des raisons phytosanitaires (le nématode de la betterave est notamment la cause la plus fréquente de la chétivité des betteraves), la betterave ne peut être cultivée sur une même parcelle que tous les 4 ans, le rayon d'action d'une sucrerie est très étendu. La période végétative est en règle générale de 5 à 6 mois. Le rendement est de l'ordre de 40 à 60 t/ha dans les zones tempérées et de 30 à 40 t/ha en moyenne dans les régions subtropicales. La teneur en sucre oscille entre 16 et 18%. La canne à sucre est une plante des régions tropicales de basse altitude. Les zones de culture se situent pratiquement toutes entre le 30e degré de latitude sud et le 30e degré de latitude nord ; on observe la plus forte concentration entre les isothermes nord et sud de 20° C. La canne à sucre a besoin d'un fort ensoleillement et de précipitations annuelles d'au moins 1 650 mm ou sinon d'une irrigation additionnelle. La préférence va aux sols lourds, riches en éléments fertilisants et à forte capacité de rétention d'eau ; des sols légèrement acides à neutres sont favorables. Comme il s'agit d'une production de masse, la canne à sucre nécessite des apports importants d'éléments nutritifs. La sélection de variétés résistantes et la mise en oeuvre de mesures sanitaires ont permis de réduire considérablement les maladies et les dégâts causés par les ennemis de la canne à sucre. La lutte biologique contre ses ennemis ne cesse de gagner en importance. La canne à sucre est tolérante envers elle-même et sa principale forme de culture est la monoculture. La canne vierge est en règle générale récoltée à 14 - 18 mois et les repousses (ratoon) à 12 - 14 mois. Le rendement oscille entre 60 et 120 t/ha ; la teneur en sucre est en moyenne de l'ordre de 12,5%. La récolte et la teneur en sucre diminuent avec l'âge du peuplement, de sorte que l'on ne va habituellement pas au-delà d'une durée totale d'exploitation de 4 à 5 coupes.

Les sucreries sont des centres agro-industriels qui organisent ou assument eux-mêmes la culture de la matière première, elles ont leur propre alimentation en énergie et en eau ainsi que de grands ateliers différenciés. L'équipement technique est conçu pour le traitement d'une seule matière première naturelle. Si la sucrerie sert à la transformation directe des plantes sucrières, la durée d'exploitation coïncide avec la partie de l'année où les plantes sont récoltées et peuvent se conserver (campagne). La capacité journalière (24 h) va de 5 000 à 20 000 t dans les installations de construction récente ; à signaler toutefois qu'une sucrerie ne peut travailler efficacement au-delà d'une capacité de 10 000 t/jour que si l'infrastructure nécessaire est en place. L'usine doit dans la mesure du possible être située au coeur de la zone de culture de la matière première, au bord d'un cours d'eau et être rattachée au réseau ferré et routier public. Les sous-produits de la fabrication du sucre - mélasse, pulpes et bagasse - sont soit utilisés ou transformés dans l'usine même, soit employées comme matières premières par d'autres entreprises industrielles.

· Récolte, stockage et nettoyage de la matière première

La récolte de la betterave sucrière est presque exclusivement mécanique tandis que celle de la canne à sucre est encore essentiellement manuelle (coupe des tiges). L'acheminement vers l'usine se fait par voie ferrée ou par route, et exceptionnellement par voie d'eau dans le cas de la canne à sucre. Selon la température et la méthode de stockage, les betteraves sucrières peuvent être stockées pendant 1 à 3 jours. La canne à sucre en revanche interdit tout stockage. Elle doit être transformée au plus tard dans les 12 heures qui suivent la coupe ; une déperdition de sucre pouvant atteindre 2%/24 h est possible. Les betteraves sucrières sont toujours lavées avant leur transformation, la canne à sucre ne l'est en règle générale que si elle a été récoltée à la machine.

· Broyage et épuration du jus

La betterave sucrière est découpée en cossettes dans des coupe-racines. Pour extraire le sucre de ces cossettes, celles-ci sont exposées à un courant d'eau chaude (60 - 70° C) envoyé à contre-courant de leur progression. Les cossettes épuisées (pulpes) sont ensuite débarrassées de l'eau qu'elles renferment par procédé mécanique et sont, la plupart du temps, mélangées à jusqu'à 30% de mélasse avant d'être séchées ; après quoi, elles sont généralement agglomérées sous presse et servent à l'alimentation du bétail. Les cossettes débarrassées de leur eau par procédé mécanique peuvent, étant donné leur teneur résiduelle en sucre (env. 0,8%), être ensilées (conservation par fermentation) et données au bétail dans les exploitations agricoles.

La canne à sucre est débitée dans des coupe-cannes, puis fragmentée dans des broyeurs et/ou shredders, pour être ensuite pressée dans un train de 4 à 7 moulins ou traitée comme la betterave sucrière dans un diffuseur pour en exprimer le jus. On obtient 25 à 30 kg de résidus ligneux renfermant un faible pourcentage de saccharose (bagasse) pour 100 kg de canne broyée. La teneur en fibres de la bagasse est d'env. 50%.

· Epuration du jus

Le processus de transformation est pratiquement le même pour la betterave et pour la canne à sucre passé le stade de l'extraction du jus trouble. L'épuration du jus trouble se fait par voie mécanique et chimique. Les fragments de fibres et de cellules végétales sont éliminés par procédé mécanique. L'épuration chimique du jus se fait par précipitation d'une partie des substances non sucrées dissoutes et en dispersion dans le jus, suivie d'une séparation du précipité. Dans l'industrie sucrière de la betterave, le traitement à la chaux et au gaz carbonique, opération d'épuration du jus au cours de laquelle on y ajoute simultanément de la chaux et du dioxyde de carbone, a fait ses preuves. On parvient à améliorer l'agglomération des particules et à réduire le temps de sédimentation dans le décanteur de 40 - 60 minutes normalement à 15 - 20 minutes en ajoutant des floculants synthétiques, essentiellement des polyélectrolytes. Dans l'industrie sucrière de la canne, on a habituellement recours au chaulage simple (défécation), moins souvent à un traitement à la chaux et à l'anhydride sulfureux (sulfichaulage) ou plus rarement à un traitement à la chaux et au dioxyde de carbone pour l'épuration du jus. Le décantat est ensuite filtré dans des filtres fins et amené directement au poste d'évaporation. Le sédiment ou la boue concentrée (env. 25 à 30 kg/100 kg de matière brute) est divisé, généralement dans des filtres rotatifs sous vide, en ses différents composants: jus filtré et écumes de filtration (env. 3 à 6 kg/100 kg de matière brute). Le jus filtré est ramené au processus et les écumes éliminées comme déchet.

· Evaporation et cristallisation

La concentration du jus clair (env. 12 à 15% de MS) s'effectue dans un poste d'évaporation à effet multiple jusqu'à obtenir une teneur en matière sèche de 60 à 70%. Le jus traverse les différents appareils, chacun d'entre eux étant chauffé par la vapeur (air saturé de vapeur d'eau qui s'échappe tandis que le jus clair est concentré par évaporation) de l'appareil précédent. Au poste de cristallisation, le jus concentré (sirop) est essoré dans des chaudières à cuire où règne une dépression d'env. 80%. Comme la pression à l'intérieur des chaudières est basse, la cuisson peut se faire à température réduite, ce qui permet d'éviter une coloration par caramélisation. Lorsque la part de sucre dans l'eau atteint une proportion donnée (degré de sursaturation), il y a formation de cristaux. En continuant d'ajouter du sirop tandis que l'évaporation de l'eau se poursuit, on favorise et on contrôle le grossissement des cristaux jusqu'à ce que l'on ait la quantité souhaitée de cristaux de taille voulue. Le processus de cuisson est alors terminé. La masse pâteuse est désormais appelée masse cuite. Elle est évacuée des chaudières à cuire dans des bacs d'empli où elle est continuellement refroidie. Ce refroidissement de la masse modifie la sursaturation, et les cristaux de sucre continuent de grossir. Des bacs d'empli, la masse cuite va dans les centrifugeuses où les cristaux sont séparés du sirop (turbinage). Le produit obtenu est le sucre brut d'un brun jaunâtre. Le sirop chassé est concentré à nouveau pour donner une nouvelle masse cuite ; les cristaux ainsi obtenus sont centrifugés. Le sirop qui s'écoule est la mélasse. Si les cristaux sont débarrassés du sirop qui y adhère encore au moyen d'un jet d'eau et/ou de vapeur (clairçage) pendant le turbinage, on obtient directement, en une seule opération, du sucre blanc à partir de la betterave ou de la canne à sucre (affinage). Durant le raffinage (recristallisation), technologie qui exige un équipement important, le sucre brut et le sucre blanc de qualité inférieure sont dissous et décolorés par addition de charbon actif ou de charbon animal ou dans des échangeurs d'ions et filtrés. La cristallisation qui suit donne du sucre raffiné, qui répond aux plus hautes exigences de l'industrie de transformation du sucre. La quantité de mélasse obtenue est de 3 à 6% de la matière première utilisée, selon la qualité technologique de cette matière première et du produit final. La teneur en sucre de la mélasse finale est de l'ordre de 50%.

· Stockage

Le sucre obtenu est refroidi et séché avant d'être stocké ou conditionné. Il est stocké en vrac, par paquets (1 kg) ou en sacs (50 ou 100 kg). Il est important pour le stockage que l'air ait une humidité relative d'env. 65% dans l'entrepôt. C'est là approximativement la valeur à laquelle les cristaux de sucre absorbent et cèdent la même quantité d'humidité à l'air.

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

L'impact sur l'environnement de projets d'implantation de sucreries se caractérise de la façon suivante:

- Eaux usées provenant du lavage des betteraves et de la canne à sucre, de la chaufferie (eau de purge des chaudières) et de l'épuration du jus aux postes d'évaporation et de cuisson (excédent d'eau de condensation et eaux de nettoyage), du raffinage (eau de régénération des échangeurs d'ions), de la fabrication d'alcool, de levure, de papier ou de panneaux agglomérés (si la bagasse et la mélasse sont transformées dans l'entreprise même), nettoyage de la cour et eaux pluviales.
- Rejets dans l'atmosphère provenant du bâtiment des chaudières (gaz résiduaires résultant de la combustion de combustibles solides, liquides ou gazeux), matières en suspension (suie et cendres volantes), de la préparation des matières premières, de l'extraction, de l'épuration et de la concentration du jus (ammoniac) ainsi que des réactions biochimiques des composants organiques des eaux usées dans les lagunes étagées (ammoniac et hydrogène sulfuré).
- Déchets solides résultant de la préparation des matières premières (terre, restes de plantes), du générateur de vapeur (cendres) et de l'épuration du jus (écumes de filtration).

2.1 Culture, récolte, stockage et nettoyage des matières premières

Le sol subit une importante dégradation (voir p. 1) résultant des exportations d'éléments nutritifs, aggravée notamment par la monoculture pratiquée sur des années (canne à sucre). Les principaux dommages sont les suivants:

- apports d'engrais et de produits phytosanitaires,
- perturbation du cycle biologique par compaction et salinification des sols, drainage, décimation des microorganismes.

Mesures de prévention dans le secteur agricole:

- exclusion des terres marginales de la culture ;
- analyse des propriétés physico-chimiques des sols, de la capacité de rétention en eau, des propriétés de drainage et de l'aptitude du sol à la culture (important pour les cultures irriguées) ;
- adaptation de la fréquence des apports d'engrais et du dosage aux besoins des plantes ;
- choix raisonné des produits phytosanitaires en fonction des organismes nuisibles à combattre et dosage approprié ;
- mise en place de puits d'observation pour un contrôle permanent de la nappe phréatique et de ses variations éventuelles.

L'impact sur l'environnement lors de la récolte et du transport des matières premières se limite essentiellement à la pollution de l'air résultant du brûlage de la canne à sucre (cendres volantes) et du salissement des voies d'accès. Pour la détermination polarimétrique de la teneur en sucre des jus de betterave et de canne à sucre, on ne devrait plus utiliser de clarifiants plombifères (solution aqueuse d'acétate de plomb), mais seulement du chlorure ou du sulfate d'aluminium, réactifs non polluants.

Le stockage des betteraves est rarement source d'odeurs gênantes, lesquelles sont plus fréquentes dans le cas de la canne à sucre, surtout si elle est stockée pendant plus d'une journée. De 10 à 20% de terre humide adhèrent normalement aux betteraves sucrières à la livraison. En période sèche, cette valeur peut redescendre à moins de 5%, mais elle peut également atteindre plus de 60% après de fortes pluies continuelles. La quantité de matières décantables issues de l'opération de dépierrage et de lavage peut de ce fait passer de tout juste 7 kg à 80 kg par m3 d'eau si on compte 750% d'eau pour une betterave. La pollution de l'eau est de l'ordre de 200 à 300 mg DBO5/l si elle n'est utilisée qu'une seule fois. Cette valeur peut atteindre plus de 1 000 mg/l si des quantités importantes de sucre et d'autres composants des betteraves sont cédées à l'eau de lavage. Les eaux de lavage circulent de nos jours en circuit fermé, elles sont épurées en continu dans des décanteurs à raclage mécanique des boues et débarrassées des particules végétales qu'elles renferment dans des tamis à mailles serrées. Le recyclage d'une grande partie de l'eau de dépierrage et de lavage permet de réduire le volume des eaux usées d'env. 30% à 50% par rapport aux betteraves. Sans cette réduction, le traitement des eaux usées serait pratiquement impossible. La boue concentrée contenant le moins d'eau possible est utilisée pour le remblaiement de dépressions ou de bas-fonds, qui peuvent ensuite être cultivées. Afin d'éviter les odeurs gênantes dues à l'activité microbienne de l'eau de lavage, celle-ci est amenée à un pH d'env. 11 avec la chaux résiduaire des fours à chaux.

Le brûlage de la canne à sucre avant la récolte est encore très répandu. Son seul avantage est de faciliter le travail en cas de récolte manuelle car le brûlage élimine toutes les parties sèches des plantes et réduit ainsi considérablement le volume de la récolte. Le rendement et de ce fait le salaire des ouvriers est donc supérieur car le salaire à la tâche est calculé sur la base non pas du poids de canne récoltée, mais par unités de longueur/rangées. Cette méthode a néanmoins des inconvénients: baisse de qualité de la canne à sucre du fait des lésions du tissu cellulaire et par voie de conséquence risque accru d'infection au niveau des plaies ; destruction de substance organique ; dégradation de la structure du sol en raison du dessèchement accru ; aggravation de l'érosion, tout particulièrement sur les terrains accidentés ; pollution de l'air par émission de fumée et de cendres volantes. On s'aperçoit qu'il est donc préférable, pour des raisons biologiques et écologiques, de renoncer au brûlage des cannes à sucre.

Le pourcentage d'impuretés de la récolte dépend directement de la technique employée, de l'état du sol et des conditions atmosphériques. La canne coupée à la main peut renfermer de 7 à 20% d'impuretés contre 3 à 5% à la machine.

Si la canne est lavée, il faut prévoir de 3 à 10 m3 d'eau de lavage/t de canne à sucre (eau fraîche, excédent d'eau de condensation, eau de précipitation et eau de lavage recyclée).

Si l'excédent d'eau de condensation refroidie et l'eau de précipitation ne sont pas recyclés, ils peuvent être utilisés intégralement au lieu d'eau fraîche pour le lavage.

Cela permet de réduire à la fois la consommation d'eau de la sucrerie et la pollution des eaux usées. La DBO5 oscille entre 200 et 900 mg/l selon le système de lavage. Une séparation pneumatique par voie sèche aurait pour effet d'éliminer dans une large mesure les impuretés, ce qui rendrait un lavage de la canne superflu. Le traitement des boues et écumes et les méthodes de prévention des odeurs gênantes sont les mêmes que pour la betterave sucrière.

2.2 Broyage des matières premières et extraction du jus

Les dispositifs de broyage à rotation rapide (betterave à sucre), ainsi que les trains de moulins d'extraction (canne à sucre) sont particulièrement bruyants. Le port de protections auditives individuelles est nécessaire. Le dégagement de poussières est particulièrement intense à la réception et durant l'acheminement de la canne à sucre vers le train de moulins. Ces processus étant automatisés, ils ne constituent pas une gêne directe pour les personnes.

Les produits intermédiaires de l'industrie sucrière fournissent un terrain idéal à un grand nombre de micro-organismes. Ceux-ci trouvent en outre un milieu propice à leur développement, des étapes de préparation des matières premières à celle de la cristallisation. Les risques de contamination microbienne sont particulièrement grands lors de l'extraction du jus. Même les mesures les plus sévères d'hygiène dans l'entreprise ainsi qu'une conduite optimale des processus ne peuvent rendre superflue l'utilisation de désinfectants. Une désinfection répétée par jet à haute pression aux emplacements les plus menacés du train de moulins (maillons de chaînes et éléments de liaison) n'a qu'une efficacité limitée, de l'ordre de 60% seulement de celle des biocides. Un traitement chimique peut par ailleurs avoir lieu durant le fonctionnement du moulin, tandis qu'un traitement à la vapeur n'est efficace qu'à l'arrêt. Une désinfection poussée risque d'entraîner une déperdition considérable de sucre et n'est donc pas défendable du point de vue de la rentabilité. La formaline (solution aqueuse titrant env. 35% de formaldéhyde) reste le produit le plus utilisé pour la désinfection des installations d'extraction. Elle est utilisée par intermittence à une concentration d'env. 0,02 à 0,04% de la quantité de matière première traitée. Durant les phases de traitement suivantes, la concentration de formaldéhyde dans le jus diminue de plus en plus. On a des valeurs de moins de 1 mg/kg dans le jus clair ; dans le jus concentré, on n'observe plus que des traces de formaldéhyde. Dans le sucre blanc, on enregistre des taux de l'ordre de 0,10 mg/kg. Il est en tout cas certain qu'avec ce type de traitement, le formaldéhyde est suffisamment éliminé du sucre pour que les résidus inévitables du point de vue technique soient inactifs et inoffensifs. On trouve également des traces de formaldéhyde dans les eaux de condensation qui proviennent de l'évaporation et sont ramenées au cycle d'eau de la sucrerie. La formaline, à laquelle on attribue une action cancérigène, est certes controversée, mais on continue néanmoins de l'utiliser en priorité comme désinfectant dans l'extraction. Des produits de substitution, comme p. ex. les thiocarbamates, les composés ammonium quaternaires, les dérivés du crésol, le peroxyde d'hydrogène, etc., ont été testés durant les dernières années. Leur pouvoir désinfectant est comparable à celui de la formaline si on les utilise dans des installations d'extraction. Les thiocarbamates, le crésol et le peroxyde d'hydrogène sont également éliminés, comme la formaline, dans l'eau d'extraction durant le processus. On ne trouve donc plus que des traces de ces substances dans les pulpes. Les composés ammonium quaternaires en revanche sont adsorbés de manière irréversible ou précipités avec d'autres substances organiques durant l'épuration du jus.

2.3. Epuration du jus

La boue de filtration des sucreries a une teneur en matière sèche de 50% à 60%. Selon le procédé d'épuration du jus, jusqu'aux trois quarts de cette matière sèche peuvent être constitués de carbonate de calcium, le reste étant composé en majeure partie de substances organiques. Dans les sucreries betteravières, cette boue est généralement ramenée par pression à une teneur en matière sèche d'au moins 70%. Etant donné sa richesse en phosphate et en azote, elle sert essentiellement d'engrais et pour la désacidification des sols au lieu de chaux. Dans les sucreries de canne, la boue est soit enlevée par les planteurs, soit répandue directement sur les champs de l'usine. La forte teneur en protéines des écumes de filtration déshydratées de la canne à sucre (14 à 18%) permet de les utiliser comme aliment d'appoint dans l'élevage du bétail. La séparation des matières solides se fait presque exclusivement par passage dans des filtres rotatifs fonctionnant en continu et par passage consécutif dans des filtres à couches. Le volume d'eau de lavage obtenu est tellement faible qu'il peut être évacué avec le filtrat.

La substance la plus utilisée dans l'épuration du jus est la chaux (CaO). Selon le procédé d'épuration, la consommation de chaux est d'env. 0,75 kg (défécation) à 20 kg par tonne de matière brute (carbonatation double). La chaux et le dioxyde de carbone sont obtenus par cuisson de calcaire dans les fours verticaux chauffés au coke des sucreries betteravières. Etant donné les faibles besoins en chaux vive des sucreries de canne, sa production dans l'usine n'est pas rentable. Le gaz riche en CO2 résultant de la fabrication de la chaux est composé pour env. 35 à 40% de CO2 et sinon de N2. Si l'apport d'oxygène est insuffisant, il peut y avoir formation de monoxyde de carbone (CO). Etant donné que la température de cuisson est inférieure à 1200°C, il n'y a pas formation d'oxydes azotiques (NOx). L'eau de lavage résultant de l'épuration des gaz (8 à 10 kg/kg de calcaire) ne renferme pas de substances organiques. Le concassage de la chaux dégage des quantités importantes de poussières ; des séparateurs de poussière sont donc nécessaires. Pour les travaux effectués à proximité directe du four à chaux, et notamment pour les travaux de nettoyage, le port de respirateurs est indispensable.

2.4 Evaporation, cristallisation et séchage du sucre

Pour condenser les vapeurs s'échappant du dernier évaporateur et des cristalliseurs par évaporation, il faut prévoir, selon le type de condensation (individuelle ou centrale) env. 4 - 6 m3 d'eau de refroidissement/t de matière première. Dans le circuit d'eau de refroidissement, le condensat mixte (eau de précipitation), qui s'échappe des condenseurs (condensation de vapeur) à une température de 40 - 50° C, doit être refroidi à 20° C max. dans des tours de refroidissement, des installations de graduation ou des bassins d'aération (nébulisation). La charge polluante de l'eau de condensation dépend des conditions techniques qui règnent au poste d'évaporation et de cristallisation ainsi que dans l'installation de condensation. En installant des séparateurs de jus de taille suffisante, il est possible de réduire à un minimum la charge organique et la déperdition de sucre dans le condensat mixte. Elle est de l'ordre de 30 à 150 mg/l DBO5 dans les sucreries de sucre brut (transformation de la canne à sucre). Dans l'industrie sucrière de la betterave, on obtient de nos jours des valeurs de 5 à 15 mg/l. L'élimination des incrustations dans les tuyaux des évaporateurs et les autres surfaces de chauffe se fait par introduction d'une lessive de carbonate de soude à 5% et ensuite d'une solution d'acide chlorhydrique à 2 à 5%. Les acides et lessives utilisés pour le nettoyage peuvent être neutralisés et captés dans le circuit d'eau.

La poussière de sucre provenant des séchoirs à sucre ou des installations de dépoussiérage défectueuses peut entraîner une forte pollution de l'air. La poussière de sucre est non seulement nuisible à la santé, mais également hautement explosible à partir d'une granulométrie < 0,03 mm si le mélange de poussière et d'air atteint une concentration située à l'intérieur des limites d'explosibilité (env. 20 à 300 g/m3). 2 g/kg de sucre sont considérés comme un faible dégagement de poussière. La séparation de la poussière se fait au moyen d'un électrofiltre sec ou d'un séparateur par voie humide (laveur). Si la sucrerie n'a pas de séparateur de poussière (anciennes fabriques de sucre de canne blanc), le port de respirateurs est de rigueur. Afin de limiter les risques d'explosion, on devra réduire la concentration en prévoyant une ventilation suffisante et prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher l'ignition (interdiction de fumer, pas de réparations pouvant provoquer des étincelles ou dégager de la chaleur par friction, mise en place de matériel électrique pour atmosphère explosible).

2.5 Fabrication de produits secondaires

Pulpes sèches: L'eau éliminée par essorage mécanique des cossettes est ramenée dans le circuit d'extraction. Les pulpes sont généralement séchées dans des séchoirs rotatifs (700 à 900° C) où leur teneur en matière sèche passe de 25 à 90%. Comme gaz de séchage, on utilise un mélange des gaz de combustion (gaz naturel ou pétrole) et des gaz résiduaires provenant de la génération de vapeur. Selon l'installation de séchage utilisée, il faut s'attendre à une émission de gaz de 1,5 à 4,5 m3/kg de pulpes. La teneur en poussière des gaz évacués du séchoir dépend entre autres de la quantité de mélasse ajoutée et de la conduite du processus (température, durée de séjour). La concentration de poussière dans le gaz brut est de 2 à 4 g/m3. Des concentrations de poussière de cet ordre de grandeur sont également possibles en aval du tambour de refroidissement, du poste d'agglomération, de l'installation d'ensachage et des dispositifs pneumatiques de manutention. Selon la conduite du processus, la concentration totale en carbone peut aller de 300 à 1200 mg/m3. La concentration de SO2 après l'installation de séchage des pulpes dépend entre autres du combustible utilisé, du procédé de séchage et de la composition des pulpes. On a déjà observé des concentrations de jusqu'à 1 000 mg/m3 de SO2 dans le gaz.

Extraction du sucre de la mélasse: Moyennant des frais d'exploitation supplémentaires et un équipement adéquat, il est possible d'extraire le sucre encore contenu dans la mélasse. L'eau de régénération et de lavage résultant de cette opération est très polluée et doit être évacuée séparément si la concentration en chlorure de la totalité des effluents est supérieure à 2 000 mg/l.

Transformation biotechnique de la mélasse: La transformation biotechnique de la mélasse de betterave a presque toujours lieu dans des installations extérieures à la sucrerie. Dans le cas de la canne à sucre, elle est en revanche fréquemment partie intégrante de la sucrerie et donne des effluents fortement chargés. Par fermentation, il est possible, à partir de la mélasse de fabriquer de la levure, de l'éthanol, de l'acide citrique, etc. La charge polluante après la fabrication de la levure de boulangerie est de l'ordre de 156 kg DCO/t de mélasse ou de 187 kg/t de levure de boulangerie. La distillation laisse un résidu appelé vinasse. La vinasse, qui contient une forte proportion d'eau (jusqu'à 96%), peut servir pour l'alimentation du bétail (env. 501 l/jour et bête). Etant donné que l'élimination de ces substances difficilement dégradables par les méthodes d'épuration classiques entraînerait des frais disproportionnés, les effluents de la fabrication de la levure doivent dans une large mesure être épurés biologiquement et ensuite autant que possible être utilisés dans l'agriculture. Ces effluents ne doivent en aucun cas être déversés dans le milieu récepteur, même après une épuration biologique. Etant donné que les conditions climatiques régnant dans les pays où la canne à sucre est cultivée favorisent l'eutrophisation des cours d'eau, l'épuration des eaux usées devrait répondre à des critères rigoureux.

2.6 Alimentation en énergie

Pour la transformation de 1 t de betteraves en sucre blanc, on a besoin d'env. 300 à 400 kg de vapeur et de 35 à 40 kWh d'énergie électrique. Chaque sucrerie doit être équipée d'installations de génération de vapeur et d'énergie électrique (production combinée de chaleur et d'électricité). Les sources d'énergie primaire utilisées sont le pétrole, le gaz et le charbon. Une épuration des émissions gazeuses s'impose si elles dépassent les seuils prescrits.

Pour la transformation de la canne à sucre (entraînement du moulin à cylindres par des turbines à vapeur), les besoins en vapeur et en énergie électrique sont de l'ordre de 550 kg de vapeur/t de canne à sucre (fabrication de sucre brut) ou de 625 kg de vapeur/t de canne à sucre (fabrication de sucre blanc) et de 35 à 40 kWh d'énergie électrique/t de canne à sucre. Le pouvoir calorifique moyen de la bagasse (env. 50% d'humidité) est de l'ordre de 8 400 kJ/kg (pouvoir calorifique moyen du pétrole env. 42 000 kJ/kg). La bagasse résultant de la fabrication du sucre suffit à couvrir les besoins en énergie de la sucrerie. La combustion incomplète de la bagasse (teneur en eau > 50%) se traduit par une augmentation des émissions de cendres volantes et de particules de carbone.

Pour la mise en route de la sucrerie en début de campagne, il faut recourir à d'autres sources d'énergie. Si la sucrerie est équipée d'une raffinerie, il peut également s'avérer nécessaire de compléter la bagasse par d'autres combustibles. Une chauffe d'appoint est également nécessaire si l'installation reste arrêtée pendant des périodes prolongées. Là où la bagasse est utilisée comme matière première pour la fabrication de papier ou de panneaux agglomérés, on devra renoncer complètement à utiliser la bagasse et opter pour d'autres combustibles.


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