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Les plantes à racines et tubercules constituent, les céréales, le deuxième groupe de cultures vivrières par ordre d'importance. Ceci est vrai notammlent pour l'Afrique au sud du Sahara, où les plantes à racines et tubercules représentent 31 % de la production globale de denrées alimentaires, contre 53 % pour les céréales (PAULINO et YEUNG, 1981). Dans les pays d'Afrique occidentale (Côte d'Ivoire, Ghana, Nigeria...), l'apport en calories est fréquemment assuré à plus de 50 % par la culture des plantes à racines et tubercules (OKIGBO, 1987).
Les plantes à racines et tubercules africaines les plus importantes du point de vue quantitatif sont le manioc et l'igname, dont la production annuelle atteint respectivement 51 et 24,4 millions de tonnes, ce qui représente environ 40 et 96 % de la production mondiale.
Tableau 1: Surface de production (en milliers d'ha - 1984) de diverses plantes à racinen fonction es régions de cultures et tubercules tropicales, réparties en function des région de culture
Région | Manioc | Igname | Patate douce | Taro |
Afrique (glob.) | 7 480 | 2 395 | 841 | 93 |
Afrique de | 2 500 | 1 550 | 139 | 50 |
l'Ouest | ||||
Asie | 4 170 | 16 | 6 390 | 18 |
Amérique du Nord/ | ||||
centrale | 170 | 49 | 217 | - |
Amérique du Sud | 2 310 | 40 | 162 | - |
Océanie | 20 | 18 | 116 | 5 |
Monde | 14 150 | 2518 | 7 738 | 115 |
Source: FAO, 1985 (modifié)
En Afrique, les plantes à racines et tubercules presque uniquement cultivées par les petits paysans dans le but d'assurer leur propre subsistance. Seuls 20 % environ de la production sont commercialisés (FAO, 1986). Le taux de commercialisation, qui présente des différences spécifiques en fonction des régions considérées, est beaucoup plus faible dans les zones rurales qu'à la périphérie des agglomérations urbaines. Ceci tient, au moins pour une part, à des coûts de transport très élevés par rapport à ceux des céréales, ce qui favorise une production géographiquement proche du consommateur (LYNAM, 1991).
Tableau 2: Production (en millions de tonnes - 1984) de diverses plantes à racines et tubercules tropicales, réparties en fonction des régions de culture
Région | Manioc | Igname | Patate douce | Taro |
Afrique (glob.) | 51,0 | 24,4 | 5,1 | 3,4 |
Afrique de | 17,8 | 18,5 | 0,8 | 2,6 |
l'Ouest | ||||
Asie | 50,0 | 0,2 | 108,6 | 2,0 |
Amérique du Nord/ | ||||
centrale | 0,9 | 0,3 | 1,5 | |
Amérique du Sud | 26,9 | 0,3 | 1,4 | |
Océanie | 0,2 | 0,3 | 0,6 | 0,3 |
Monde | 129,0 | 25,5 | 117,3 | 5,7 |
Source: FAO, 1985 (modifié)
En ce qui concerne l'igname, on a enregistré en Afrique depuis plus d'une décade un recul constant de la production, de plus de 1 % par an en moyenne. Bien que la production de manioc ait augmenté au cours de la même période de 1,7 % par an, elle est néanmoins demeurée nettement en deçà de l'accroissement démographique de l'Afrique (OKIGBO, 1987).
La production de plantes à racines et tubercules s'inscrit, notamment en Afrique, dans un contexte où les forces agissent de manière diverse. Les plantes à racines et tubercules offrent un potentiel de production indubitable, lequel peut contribuer à améliorer les conditions nutritionnelles sur le continent africain. La productivité par unité de superficie des plantes à racines et tubercules est la plupart du temps supérieure à celle de céréales cultivées dans des conditions climatiques similaires. Le manioc, en particulier, permet d'obtenir des rendements acceptables, même des sols acides et très pauvres en substances nutritives, comme le sont fréquemment les soIs de l'Afrique tropicale. Les plantes à racines et tubercules résistent en outre à des périodes de sécheresse prolongées et sont beaucoup moins sensibles aux attaques des ravageurs de masse (sauterelles, oiseaux nuisibles et simil.). Ceci explique que la culture du manioc, en particulier, s'est largement répandue dans les petites exploitations agricoles africaines depuis le début du 20ème siècle. (LYNAM, 1991).
Tableau 3: Rendements moyens (en tonnes par ha - 1984) dediverses plantes à racines et tubercules tropicales, réparties en fonction des régions de culture
Type de cultures | Afrique | Asie | Amérique du Sud | Océanie |
Manioc | 6,82 | 11,99 | 11,62 | 10,69 |
Igname | 10,20 | 10,21 | 8,42 | 13,7 |
Patate douce | 6,11 | 16,99 | 8,86 | 4,83 |
Taro | 3,67 | 11,32 | 11,11 | 6,89 |
Source: FAO, 1985 (modifié)
Du fait de leur taux d'humidité élevé, le prix à l'unité de quantité des plantes à racines et tubercules est faible, ce qui restreint la rentabilité du transport des plantes à racines et tubercules fraîches (HAHN, 1989). D'un autre côté, ce taux d'humidité élevé rend le stockage difficile, ce qui se traduit en général par des pertes importantes. La conjugaison de ces deux facteurs constitue une entrave à une généralisation de la production des plantes à racines et tubercules.
Les plantes à racines et tubercules n'exigent souvent qu'un faible rendement de travail, surtout lorsque l'on tient compte dans les calculs de la transformation nécessaire pour obtenir des produits mieux conservables. Dans les zones rurales à fort pourcentage d'émigration, ce faible rendement de travail représente un handicap sérieux pour la production.
Il est par ailleurs fréquent que la production de plantes à racines et tubercules soit pénalisée par la politique agricole des Etats concernés. De nombreux pays subventionnent en effet la consommation de céréales d'importation, ce qui a des incidences négatives sur la demande en produits alimentaires traditionnels (VEELBEEIR, 1991). Dans les villes, la substitution aux plantes à racines et tubercules d'autres aliments de base contenant également de l'amidon n'est pas seulement une question de prix: elle est dictée en outre par des considérations de rentabilité du travail. C'est ainsi que les coûts d'utilité du travail de la femme dans les villes sont beaucoup plus élevés qu'à la campagne, ce qui renforce la demande en produits alimentaires n'exigeant qu'une préparation limitée (LYNAM, 1991).
Bien que les instituts de recherche agronomique nationaux et internationaux aient commencé entre-temps à se pencher sur le complexe des plantes à racines et tubercules, les efforts de recherche sont extrêmement minimes au regard de l'importance que revêtent ces cultures pour l'alimentation humaine (LEIHNER, 1991). Les recherches effectuées jusqu'ici sont essentiellement axées sur le manioc, qui est la seule parmi les plantes tropicales `à racines et tubercules à jouer un certain rôle dans le commerce mondial. Les recherches avaient principalement pour objet d'examiner les aspects liés à la culture, à la phytopathologie et à l'accroissement des rendements.
Tableau 4: Dépenses des pays en développement pour la recherche consacrée à diverses cultures vivrières contenant de l'amidon (en dollars US -1975)
Type de culture | Valeur produite(millions de $US) | Dépenses de recherche | |
Total (millions de$US) | Part de la valeur produite (%) | ||
Sorgho | 1 500 | 12 | 0,77 |
Mais | 3 000 - 4 000 | 29 | 0,75 |
Blé | 5 000 - 6 000 | 35 | 0,65 |
Canne à sucre | 5 000 - 6 000 | 12 | 0,50 |
Riz | plus de 13 000 | 34 | 0,26 |
Patate douce | 3 000 - 4 000 | 3 | 0,09 |
Manioc | 5 000 - 6000 | 4 | 0,07 |
Source: cit. d'après COCK, 1985 (les chiffres sont ceux de 1975)
Les questions de stockage et de protection des récoltes n'ont été que rarement traitées jusqu'à présent. Cette réserve s'applique notamment au stockage chez les petits paysans, et cela malgré le fait qu'en Afrique, principalement, c'est précisément cette catégorie de producteurs qui fournit et stocke la plus grande partie des plantes à racines et tubercules. Selon LANCASTER et COURSEY (1984), il faut considérer que les pertes de post-récolte en plantes à racines et tubercules représentent environ 30 % du volume de production. Une réduction, même modeste, des pertes de stockage contribuerait à:
- augmenter l'offre en produits alimentaires et compenser les fluctuations saisonnières,
- ménager les ressources naturelles, puisque cette augmentation de l'offre en produits alimentaires par le biais d'une meilleure conservation ne nécessiterait ni surfaces, ni moyens de production supplémentaires visant à augmenter le rendement,
- améliorer l'auto-approvisionnement national en denrées alimentaires et contribuer ainsi à l'équilibre du compte devises, améliorer les conditions de vie rurales grâce à un meilleur approvisionnement en denrées de base et à une augmentation connexe de la part commercialisée, ce qui permettrait de limiter l'exode rural.
Les connaissances relatives aux techniques de stockage traditionnelles et à leurs fondements socio-économiques et culturels sont jusqu'à présent fort limitées. C'est sur cette toile de fond, et eu égard à l'importance que revêt l'amélioration des conditions de stockage, aussi bien du point de vue micro-économique que macro-économique, que la présente étude s'est fixée pour objectif de:
- systématiser les connaissances existantes en matière de techniques de stockage traditionnelles des plantes à racines et tubercules,
- mettre les lacunes en évidence et
- proposer une première ébauche de mesures d'optimisation possibles.
Considérant l'impossibilité de traiter dans cette étude la totalité des plantes à racines et tubercules tropicales, nous nous limiterons au manioc et à l'igname, qui sont en Afrique les deux principaux représentants de ce groupe de cultures vivrières.