5. Aspects économiques de la protection des stocks
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5.1 Définition de la notion de procédé de
protection des stocks
5.2
Fondements méthodiques
5.3 Evaluation économique des procédés de
protection des stocks
Les aspects économiques de la protection des stocks n'ont pas encore fait l'objet d'études scientifiques exhaustives. Si les études de PANTENIUS (1987), GOLOB (1981), ADAMS et HARMAN (1977), BOXALL et al. (1977), LIPTON et al. (1974), traitent certains aspects économiques partiels de la protection des stocks, elles laissent en revanche plus ou moins de côté les processus méthodiques et font abstraction d'un examen économique exhaustif.
D'un point de vue général, l'analyse économique a pour but de permettre une prise de décisions rationnelle, de manière à ce que l'on puisse mettre en oeuvre de manière optimale, par rapport à des objectifs rationnels, des ressources qui sont limitées. Ceci implique au niveau de la protection des stocks que l'on détermine les procédés de protection optimaux, ce qui suppose à son tour que l'on tienne compte en l'occurrence des prévisions globales de pertes. Il est essentiel ici de procéder au préalable à une définition et à une limitation précises des différents procédés de protection des stocks. Comme critères de distinction, on peut prendre les paramètres techniques des diverses composantes de chacun des procédés de protection des stocks. En s'appuyant sur certaines grandeurs économiques, on peut alors, dans le cadre du modèle correspondant, analyser les effets des différents procédés et en déterminer la rentabilité.
Nous allons tout d'abord présenter dans la suite les composantes d'un procédé de protection des stocks et discuter un certain nombre de fondements méthodiques. Nous dégagerons et commenterons à partir de là différentes approches d'évaluation économique des procédés de protection des stocks, et présenterons ensuite les données disponibles. Nous proposerons enfin sur cette base un modèle permettant de comparer et d'évaluer du point de vue économique un certain nombre de procédés de substitution (alternatifs).
5.1 Définition de la notion de procédé de protection des stocks
Par stocks, on entend des marchandises destinées à différents types d'utilisation et qui, à la suite de leur production, sont mises en réserve durant une certaine période, de manière à combler le décalage temporel existant entre la production et la consommation. Il peut advenir que la marchandise subisse des pertes au cours de cette période de stockage, pertes que les mesures de protection des stocks ont pour but d'empêcher ou de minimiser. On connaît en l'occurrence divers procédés. Les procédés de protection des stocks recouvrent donc un certain nombre de procédés permettant de protéger les marchandises entreposées contre les pertes.
La mise en oeuvre de mesures de protection des stocks nécessite des conditions préliminaires déterminées, imposées la plupart du temps par la procédé choisi, au niveau de l'aménagement de l'entrepôt et de la marchandise stockée. On ne peut par exemple procéder à une fumigation que dans un entrepôt étanche au gaz. On ne peut pas davantage mélanger de l'insecticide à du maïs stocké sous forme de farine. De telles constatations nous amènent à considérer le stockage et la (les) mesure(s) de protection comme une entité, que l'on définira comme procédé de protection des stocks.
Les différents protection des stocks sont caractérisés par le type de stockage et la (les) mesure(s) de protection mise(s) en oeuvre. C'est le procédé de stockage qui détermine la méthode de stockage, c'est-à-dire où et comment on va stocker le produit, ainsi que la forme sous laquelle la marchandise sera stockée. On peut qualifier de procédé de protection des stocks toute combinaison de ces deux composantes pouvant être considérée comme adéquate du point de vue pratique.
Pour ce qui est de la délimitation des divers procédés de protection des stocks, c'est la structure des coûts qui peut ici servir de critère de différenciation.. Un procédé de protection des stocks, c'est donc la forme de stockage concrète d'un produit, décrite à travers la (les) mesure(s) de protection mise(s) en oeuvre et la nature et le nombre des facteurs de production en jeu.
5.2.1 Détermination du rendement d'un procédé
de protection des stocks
5.2.2 Détermination des coûts d'un procédé
de protection des stocks
5.2.3 Approches méthodiques des questions
économiques
Un procédé de protection des stocks est essentiellement caractérisé par deux paramètres économiques: d'une part les coûts afférent à cet procédé, et d'autre part le rendement que l'on peut lui attribuer. Le rendement peut être considéré comme le chiffrage en argent des réductions de pertes.
5.2.1 Détermination du rendement d'un procédé de protection des stocks
On peut établir le rendement d'un procédé de protection des stocks en fonction de deux objectifs différents.. Si l'on s'attaque aux causes de pertes afin de parer aux risques mêmes de pertes, le rendement principal du procédé sera établi en fonction de la réduction effective, quantitative et qualitative, des pertes. Du point de vue méthodique, il s'agit en l'occurrence d'une comparaison entre "avec. et "sans" mesures de protection des stocks. Lorsqu'il s'agit en revanche de substituer un procédé de protection des stocks existant à un autre procédé, plus avantageux du point de vue des coûts, mais présentant la même efficacité au niveau de la réduction des pertes, le rendement principal réside dans les économies réalisées par rapport au procédé antérieur.
Dans les considérations qui suivent, le rendement d'un procédé de protection des stocks sera exclusivement limité à la prévention, chiffrée en argent, des pertes quantitatives causées par les insectes nuisibles au cours de la période de stockage. Nous exposerons dans les chapitres à venir la manière de déterminer les pertes quantitatives et de les chiffrer.
5.2.1.1 Détermination des pertes quantitatives de stockage
Un chiffre de pertes de 10 %, établi à la fin de la période de stockage, correspondra uniquement aux pertes effectives si la marchandise était exempte de pertes au moment de sa mise en magasin d'une part, et à condition que l'on n'ait par ailleurs pas prélevé de marchandise dans l'entrepôt au cours de la période de stockage.
Dans la pratique, il est toutefois d'usage que les cultivateurs prélèvent à intervalles réguliers (ou irréguliers) certaines quantités de marchandise stockée pour leur consommation personnelle, ou encore pour la vente ou à d'autres fins. Toute quantité de marchandise prélevée dans l'entrepôt à un moment quelconque a été par conséquent exposée plus ou moins longtemps aux facteurs de dommages existants. Le pourcentage de pertes relatives déterminé à ce moment-là se rapporte donc uniquement à la quantité effectivement prélevée.
Ce point de vue met clairement en évidence le fait que si l'établissement des pertes relatives pendant la période de stockage est une condition nécessaire à la détermination des pertes de stockage effectives, cette opération n'est cependant pas suffisante en soi. Pour pouvoir déterminer la perte de poids absolue intervenant au cours de la totalité de la période de stockage, il est nécessaire d'intégrer les paramètres suivants:
- Pertes relatives durant la période de stockage
- Quantité emmagasinée
- Quantités prélevées durant la période de stockage
- Durée de stockage des diverses quantités considérées
La connexité logique des paramètres requis permet d'établir les pertes quantitatives effectives survenues durant la période de stockage, que nous désignerons, pour reprendre les termes de ADAMS (1976, p. 10), par pertes quantitatives cumulées. Pour établir ces pertes quantitatives de stockage cumulées, on peut utiliser deux approches différentes, qui sont désignées dans la suite par approche I et approche II. La méthodologie de ces deux approches est exposée sous une forme générale au tableau 5.1 et illustrée par un exemple au tableau 5.2.
On postule pour les deux approches que la quantité emmagasinée au départ et les quantités prélevées entre-temps sont connues. Il faut également que l'on dispose pour chaque date J (i) d'une valeur de pertes relative P (i). Pour des raisons de simplification, on admet que les quantités prélevées entre deux dates sont regroupées en une quantité de prélèvement Pl (j) et que ce prélèvement intervient à la fin de l'unité de temps définie.
Comme base de calcul pour l'unité de temps, on peut prendre les jours, les semaines ou les mois, et comme unité quantitative des unités de poids, par exemple les kilogrammes ou les mesures de capacité. Si l'on utilise des unités de poids, il faut veiller à déterminer les pertes réelles, et non les pertes apparentes (cf. chapitre 3.1.4).
Dans l'approche 1, on multiplie la quantité prélevée Pl (j) par la valeur de pertes relative P(i), ce qui donne la perte de poids absolue PQ (j) de la quantité prélevée Pl (j). La somme des pertes de poids absolues, qui est la somme des PQ 0, représente les pertes quantitatives de stockage cumulées, à condition toutefois qu'il n'y ait pas eu de pertes au moment de la mise en stocks. Dans le cas contraire, il faut soustraire de la somme des valeurs de pertes les pertes enregistrées au moment de l'emmagasinage. Pour déterminer les pertes à l'emmagasinage, on multiplie la quantité emmagasinée Q (0) par la valeur de pertes relative P (O) au jour de l'emmagasinage J (0).
Tabl. 5.1: Approche méthodique pour l'établissement des pertes quantitatives de stockage cumulées et des pertes financières
Durée de stockage (Unité de temps) | Quantité stockée (Unité de quantité) | Prélève- ments (Unité de quantité) | Pertes (%) | Augment. des pertes (%) | Pertes (Unité de quantité) | Augmentat. des pertes (Unité de quantité) | Prix (Unité financière/
- de quantité) |
|
(1) | (2) | (3) | (4) | (5) | (6) | (7) | (8) | |
JO | Q0 | P0 | Pr0 | |||||
J1 | Q1 | Pl1 | P1 | AP1 | PQ1 | APQ1 | Pr1 | |
J2 | Q2 | Pl2 | P2 | AP2 | PQ2 | APQ2 | Pr2 | |
J3 | Q3 | PI3 | P3 | AP3 | PQ3 | APQ3 | Pr3 | |
.. | .. | .. | .. | .. | .. | .. | .. | |
J (i) | Q (i) | PI (j) | P (i) | AP (j) | PQ (j) | APQ (j) | Pr (i) | |
.. | .. | .. | .. | .. | .. | .. | .. | |
J (n-1) | Q (n-1) | Pl (n-1) | P (n-1) | AP (n-1) | PQ (n-1) | APQ (n-1) | Pr (n-1) | |
J (n) | Q (n) | Pl (n) | P (n) | AP (n) | PQ (n) | APQ (n) | Pr (n) | |
Somme de j = 1 -->n | Pl (j) | AP (j) | PQ (j) | APQ (j) |
Explications:
J 0 = Jour de mise en stocks
Q 0 = Quantité emmagasinée
V 0 = Pertes au moment de la mise en stocks
pour toutes les colonnes i = 0-- > n; j = 1-- > n
Q (n) = 0
Somme Pl (j) = Q 0
Q (i-1) = Q (i) + Pl (j) pour i,j = 1--> n
AP (j) = P (i) - P (i-1) pour i,j = 1--> n
Colonne (6) = colonne (3) · colonne (4)/100
Colonne (7) = [colonne (2) + colonne (3)] · colonne (5)/100
Pertes quantitatives de stockage cumulées:
Approche I: somme PQ (j) - (Q 0 · P 0)/100
Approche II: somme APQ (j)
Pertes financières de stockage:
Approche I: [somme PQ (j) - (Q 0 · P 0)/100] · Pr (n)
Approche II: [somme APQ (j)] · Pr (n)
Tabl. 5.2: Exemple pratique d'approche méthodique pour l'établissement des pertes quantitatives de stockage cumulées et des pertes financières
Durée de stockage | Quantité stockée | Prélèvements | Pertes | Augment. des pertes | Pertes | Augment. des pertes | Prix |
(Mois) | (kg) | (kg) | (%) | (%) | (kg) | (kg) | (FCFA/kg) |
(1) | (2) | (3) | (4) | (5) | (6) | (7) | (8) |
0 | 1000 | 2 | 56 | ||||
1 | 900 | 100 | 3 | 1 | 3 | 10 | 46 |
2 | 500 | 400 | 5 | 2 | 20 | 18 | 46 |
3 | 400 | 100 | 8 | 3 | 8 | 15 | 47 |
4 | 200 | 200 | 10 | 2 | 20 | 8 | 50 |
5 | 0 | 200 | 15 | 5 | 30 | 10 | 94 |
1000 | 13 | 81 | 61 |
Pertes quantitatives de stockage cumulées:
Selon approche l: 81 -1000 · 2/100 = 61 kg
Selon approche II :61 kg
61 kg = 6,1 % de la quantité emmagasinée
Pertes financières de stockage:
61 kg · 94 FCFA/kg = 5 734 FCFA
Dans l'exemple proposé au tableau 5.2, le total cumulé des pertes de poids absolues s'élève à 81 kg. Compte tenu des pertes de 20 kg enregistrées au moment de la mise en stocks, les pertes de stockage quantitatives cumulées sont de 61 kg, ce qui correspond à une perte de 6,1 % de la quantité emmagasinée.
Dans l'approche II, l'augmentation de poids relative AP 0 est définie comme P (i) - P (i-1) intervenant entre deux dates J (i) et J (i-1), multipliée par la quantité restante stockée Q (i) au jour J (i). A partir de là, on calcule l'augmentation de pertes absolue APQ (j) de la quantité stockée qui se trouve dans l'entrepôt. La somme des augmentations de pertes absolues, c'est-à-dire la somme APQ (1), indique les pertes quantitatives de stockage cumulées.
Dans l'exemple indiqué au tableau 5.2, la somme des augmentations de pertes absolues est de 61 kg, ce qui correspond à une perte de 6,1 % de la quantité emmagasinée. Même s'il y avait déjà des pertes au moment de l'emmagasinage, les pertes de stockage effectives peuvent être calculées en une seule somme. Les deux approches conduisent au même résultat, à savoir les pertes quantitatives de stockage cumulées. Aussi bien les exigences au niveau des données que les conditions d'application sont les mêmes.
5.2.1.2 Détermination des pertes financières de stockage
Pour déterminer les pertes financières de stockage, on exprime en unités monétaires les pertes quantitatives de stockage cumulées, et cela en prenant un ordre de prix et en appliquant diverses règles d'évaluation. La question se pose donc de savoir quels sont l'approche et le prix adéquats. Pour pouvoir établir les pertes financières de stockage, il faut avoir connaissance des pertes quantitatives de stockage cumulées, de la destination et de la structure d'utilisation de la marchandise stockée, ainsi que de l'évolution des prix de cette marchandise et de celle de ses substituts.
D'un point de vue général, on peut appliquer comme approche d'évaluation les échelles de valeurs et règles d'évaluation indiquées par REISCH et ZEDDIES (1983, p. 58 et suiv.). Les auteurs distinguent au niveau des échelles de valeur d'une part les valeurs propres et les valeurs de substitution, et d'autre part les valeurs d'exploitation et les valeurs sur le marché (tableau 5.3).
L'évaluation de la marchandise stockée porte en règle générale sur la constatation de sa valeur propre, soit en fonction de sa valeur sur le marché, soit en fonction de la contribution fournie (profit) pour atteindre un certain but (valeur d'exploitation). Les marchandises stockées non négociables ne peuvent être évaluées qu'indirectement. Pour la prise de décision, on a ici recours à des valeurs de substitution, soit que l'on se réfère à des marchandises similaires négociables et à leur valeur sur le marché (valeur relative d'achat complémentaire ou valeur de vente), soit en établissant les coûts d'un remplacement physique (frais de remplacement). La sélection de la valeur déterminante sera opérée en fonction des règles de base et critères de décision indiqués au tableau 5.4.
Pour établir le prix de la marchandise, il faut pouvoir indiquer avec précision le lieu et la date. Pour les marchandises négociables, c'est le prix sur le marché qui est déterminant. En ce qui concerne les marchandises non négociables, on prendra comme lieu d'origine la ferme, autrement dit ce sont ici les prix pratiqués à la ferme qui sont déterminants. L'établissement de la date de référence dépend de la période de stockage. La date déterminante est celle à laquelle on vide l'entrepôt, c'est à dire en général l'approche J (n). Ce choix est justifié par le fait que l'on disposerait encore, à la fin de la période de stockage, d'une quantité de marchandise stockée correspondant aux pertes ou aux réductions de pertes. En cas d'utilisation sur l'exploitation (consommation, par ex.), il ne serait pas nécessaire d'effectuer des achats d'appoint, ou bien encore on obtiendrait un meilleur prix à la vente.
Tabl. 5.3: Echelles de valeurs des produits stockés
Valeurs sur le marché | Valeurs d'exploitation | |
Valeurs propres | Valeur de réalisation | Valeur de rendement |
Valeur d'achat complémentaire | ||
Valeurs de substitution | Valeur relative de réalisation | Valeur d'achat de complémentaire |
Valeur relative d'achat de remplacement |
Source: REISCH et ZEDDIES (1983, p.58)
Tabl. 5.4: Règles d'évaluation pour le choix de l'échelle de valeurs adéquate
Règles d'évaluation | |
Règle fondamentale 1 | De manière fondamentale, la valeur à choisir est toujours celle qui permet le meilleur profit possible en cas d'utilisation de la marchandise stockée sur l'exploitation même et, en cas de nonutilisation, celle qui limite au maximum la réduction de profit. |
Règle fondamentale 2 | Lorsque le produit stocké peut être vendu à un prix supérieur à la valeur propre ou à la valeur de substitution déterminante selon la règle fondamentale 1, c'est cette valeur de réalisation qui détermine la valeur de la marchandise stockée. |
Règle de décision 1 | La valeur propre la plus élevée est déterminante. |
Règle de décision 2 | La valeur de substitution la plus faible est déterminante. |
Règle de décision 3 | Des deux valeurs ainsi établies, la valeur déterminante est la moins élevée. |
Source: REISCH et ZEDDIES (1983, p. 58 et suiv.), modifié.
Les pertes quantitatives de stockage cumulées, de même que la perte financière, peuvent varier en importance, et cela indépendamment du procédé de stockage employé et des mesures de protection prises. En d'autres termes, pour un procédé donné de protection des stocks (pertes relatives en cours de stockage), les pertes quantitatives de stockage cumulées dépendent de divers paramètres, à savoir la quantité emmagasinée, la durée du stockage et le mode de prélèvement (intervalles, quantités). L'importance de la perte financière, quant à elle, est fonction d'autres paramètres: la destination de la marchandise, sa structure d'utilisation, ainsi que le niveau de prix que l'on a fixé au départ. De manière fondamentale, on peut dire que la perte financière est d'autant plus élevée selon que la quantité stockée est plus importante, que la période de stockage se prolonge, que les quantités prélevées durant le stockage sont moindres et que le niveau de prix fixé au départ est plus élevé.