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P. truncatus est un ravageur introduit, qui a visiblement trouvé au Togo de bonnes conditions de développement et n'y est limité par aucun antagoniste. Dans un cas comme celui-ci, la méthode de lutte biologique classique consiste à importer a posteriori un antagoniste de la région d'origine du ravageur (HAINES, 1984; KRIEG & FRANZ, 1989). Notons que HAINES (1984) qualifie cette méthode de relativement insignifiante, dans la mesure où les insectes utiles sont en général introduits en même temps que les ravageurs.
Dans le cas de P. truncatus, on a recouru malgré cela à la méthode classique, d'autant plus qu'aucun indice ne permettait de conclure à l'introduction simultanée d'un antagoniste. Les recherches menées dans la région d'origine du ravageur afin de trouver un antagoniste à la fois spécifique et efficace se sont orientées vers le prédateur T. nigrescens (BÖYE, 1988). L'effet de "cairomomes" permet à l'insecte utile de détecter le ravageur dans tous les types d'environnement (BÖYE, 1988; REES et al., 1990). Au niveau de sa capacité prédatrice, T. nigrescens s'est révélé un antagoniste efficace, capable de réduire très fortement les populations de P. truncatus (REES, 1985, 1987; BÖYE, 1988; LELIVELDT & LABORIUS, 1990).
Avant le lâcher au Togo, l'évolution démographique et l'efficacité de T. nigrescens ont fait l'objet d'examens effectués en quarantaine et dans des conditions proches de la réalité. Des essais d'efficacité sur divers milieux nutritifs et impliquant différents rapports proie-prédateur ont été par ailleurs réalisés en conteneurs expérimentaux.
Dynamique de population de T. nigrescens
Les conditions climatiques rencontrées dans le sud du Togo n'avaient visiblement aucune influence négative sur l'évolution démographique de T. nigrescens. Dans les conditions proches de la réalité, sous la cage de toile métallique, on a observé une croissance continue de la population du prédateur. Dans les conteneurs expérimentaux, qui avaient été eux aussi placés dans la cage de toile métallique, on a constaté une forte multiplication et un développement rapide de l'insecte utile.
Aussi bien dans la cage de toile métallique que lors de l'essai en conteneurs, les descendants adultes de T. nigrescens étaient très nombreux, ce qui indique là encore l'existence de conditions de développement favorables. Dans le cadre des recherches de BÖYE (1988), la multiplication de T. nigrescens a été beaucoup plus faible. Dans nos recherches, cette multiplication positive a été atteinte alors que les deux essais ont été effectués avec un rapport numérique proie-prédateur extrêmement étroit, ce qui freine la multiplication de T. nigrescens et peut même entraîner un phénomène de cannibalisme (LELIVELDT & LABORIUS, 1990).
REES (1985, 1987) et LELIVELDT (1990) ont observé chez T. nigrescens une multiplication comparativement plus restreinte. REES (1985, 1987) a accompli ses recherches à 27 °C et 70 % d'hum. rel., LELIVELDT (1990) ayant choisi ici 30 °C et 70 % d'hum. rel. LELIVELDT (1990) a noté une meilleure multiplication du prédateur que REES (1985, 1987), et les résultats obtenus au cours de la présente étude sont à leur tour supérieurs à ceux de LELIVELDT (1990). Ceci laisse supposer qu'un climat chaud et humide offre à T. nigrescens des conditions de développement optimales. Cette constatation tend à nous rapprocher des indications de HINTON (1945), qui rapportait que nombre d'Histéridés peuvent uniquement se reproduire à partir d'une humidité relative de 90 à 95 %. Les résultats permettent dans l'ensemble de conclure que T. nigrescens a trouvé dans le sud du Topo des conditions de développement tout à fait favorables.
Efficacité de T. nigrescens
L'abondance de T. nigrescens dans les greniers à maïs de l'essai réalisé dans des conditions proches de la réalité n'a cessé de se confirmer pendant toute la durée de l'essai. Un coléoptère consomme quotidiennement environ 1,1 à 5 larves, ou encore 6 oeufs du grand capucin du maïs, une larve du prédateur environ 3,5 larves du ravageur (REES, 1985; BOYE, 1988; LELIVELDT & LABORIUS, 1990). La capacité prédatrice élevée de chaque individu, associée à l'abondance de T. nigrescens a ainsi abouti à un fort potentiel de suppression au service de la lutte contre P. truncatus.
La croissance démographique du ravageur dans les greniers à maïs a été d'autant plus minime. 2 mois déjà après la mise en oeuvre de l: nigrescens dans les greniers, on constatait une réduction du nombre d'adultes de P. truncatus par rapport au témoin. Au cours de la période qui a suivi, la population du grand capucin du maïs n'a pu se multiplier que faiblement en présence de T. nigrescens, atteignant au bout de 9 mois d'essai 760 coléoptères. Dans les greniers où l'antagoniste était absent, on a assisté au contraire à une augmentation graduelle de la population du ravageur, qui a atteint une densité maximale de 4 086 P. truncatus. A la fin de la période d'observation, la population du ravageur avait été réduite de 80 % à la suite de l'intervention du prédateur.
En l'absence de résultats d'essais effectués dans des conditions comparables, il a fallu recourir à des essais en conteneurs de plus courte durée. Plusieurs essais effectués sur des populations pures de P. truncatus en présence du prédateur ont abouti après 14 et 16 semaines à une réduction de l'ordre de 74 à 89,5 % de la population du ravageur (REES, 1987; BÖYE, 1988; LELIVELDT, 1990)
Dans l'essai qui nous occupe, le prédateur a fait preuve d'une efficacité relativement bonne, et cela malgré le fait que la population de P. truncatus avait pu se développer sans être dérangée durant une période assez longue (cf. chapitre 4.1.1). Une mise en oeuvre tardive du prédateur peut conduire à une baisse d'efficacité. REES (1987) a constaté une réduction moindre du nombre de ravageurs à la suite d'une intervention tardive de l'insecte utile (73,8 au lieu de 89,5 %). Chez LELIVELDT (1990), ces effets se sont manifestés dans certaines préparations, maïs pas dans d'autres. On peut en conclure que si ce facteur exerce une certaine influence, il ne revient cependant pas régulièrement. Eu égard à l'excellente faculté d'adaptation de T. nigrescens à diverses densités de proies (LELIVELDT, 1990), le moment de sa mise en oeuvre ne devrait en principe revêtir de l'importance que lors des essais de courte durée. A la suite d'une reproduction extrêmement active en présence d'une nourriture abondante, le prédateur a atteint en peu de temps un haut degré d'efficacité.
L'efficacité de T. nigrescens pourrait également s'expliquer par le rapport numérique proie-prédateur relativement étroit rencontré dans les greniers. Selon l'estimation de ce rapport à laquelle on a procédé au vu des échantillons, il était de 3,6 contre 1 un mois après le début de l'essai, se réduisant au cours de la période de stockage et revenant alors à 1 contre 1,2. Par rapport aux recensements effectués dans les champs au Costa Rica, où l'on a établi en moyenne un rapport de 7,5 contre 1 (BÖYE, 1988), il s'agit là d'un rapport très étroit. Si l'on compare maintenant la densité des ravageurs au Togo et au Costa Rica, on constate qu'il existe une certaine relation avec le rapport proie-prédateur. Au Costa Rica, on a observé une densité maximale de 16 à 17 P. truncatus par épi, alors que le maximum se chiffrait dans la cage à 11 coléoptères.
Etant donné qu'un rapport proie-prédateur étroit s'est traduit par une diminution de la multiplication de T. nigrescens, et cela aussi bien dans le cadre de nos propres essais en conteneurs (cf. HELBIG, 1993) que de ceux d'autre expérimentateurs (REES, 1985; LELIVELDT, 1990), la multiplication abondante intervenue dans la cage de toile métallique pourrait être due à l'utilisation d'hôtes de substitution. T. nigrescens peut en principe étendre ses activités prédatrices à d'autres proies (LELIVELDT, 1990; REES, 1991, 1992; PÖSCHKO et al., 1992 A). S'agissant des hôtes possibles, les données sont toutefois contradictoires. En ce qui concerne l'essai dont nous parlons, on n'a pas constaté d'influence de T. nigrescens sur l'évolution démographique de S. zeamais, ce qui concorde avec les résultats d'autres essais (LELIVELDT, 1990; PÖSCHKO et al., 1992 A). Pour ce qui est de Carpophilus spp., C. quadricollis et O. surinamensis, on n'a pas découvert non plus de différences entre les deux variantes au niveau de l'évolution démographique. Dans le cas de T. castaneum Cryptolestes spp. et P. subdepressus, la présence de T. nigrescens a eu pour effet de réduire l'abondance de ces ravageurs.
Il est difficile d'évaluer ce phénomème en raison des résultats d'essais contradictoires fournis par les ouvrages de référence (cf. LELIVELDT, 1990; PÖSCHKO et al., 1992 A; REES, 1992). Chez les ravageurs secondaires, il peut également y avoir au sein d'une population mixte une influence indirecte sur l'évolution démographique. En cas de régression du nombre d'individus du grand capucin du maïs, la production de farine de forage diminue, d'où une dégradation de l'environnement pour les ravageurs secondaires.
La réduction sensible par T. nigrescens de la croissance démographique du grand capucin du maïs s'est également répercutée sur la genèse des paramètres de pertes. Par rapport au témoin, les dommages ont diminué de 41,6 % à l'issue d'une période d'essai de 9 mois, les pertes baissant quant à elles de 46,5 %. Les effets sur la production de farine de forage ont été encore plus accentués. Alors que les dommages et les pertes sont également à mettre au compte des nombreuses autres espèces qui composent l'éventail des ravageurs trouvés dans les greniers en compagnie de P. truncatus, la farine de forage est en grande partie l'oeuvre de ce dernier. Ceci explique que la différence entre les variantes était déjà perceptible un peu plus tôt et qu'elle était également plus accentuée à la fin de la période d'observation (58,2 %).
La comparaison entre ces chiffres de pertes et les recensements effectués par BÖYE (1988) en milieu réel n'est que partiellement possible. Au Costa Rica, on a assisté à une évolution tout à fait diverse de l'infestation et des pertes dans les divers greniers. La situation consécutive à l'infestation par P. truncatus n'était comparable que sur l'exploitation expérimentale B. C'est en l'occurrence au cours de la première période de stockage que les chiffres concordaient le mieux. Dans ce grenier BÖYE (1988) a recensé au bout de 7 mois 31,8 % de dommages et 13,6 % de pertes. Ces valeurs sont presque identiques à celles obtenues après 7 mois d'essai dans la cage de toile métallique. Comme nous l'avons signalé plus haut, BÖYE (1988) a observé de son côté une plus forte abondance de P. truncatus dans les greniers. En ce qui nous concerne, il convient cependant de prendre en considération la densité beaucoup plus élevée de S. zeamais dans la cage, de même que les 4 mois de stockage ayant précédé le début de l'essai.
Les résultats obtenus au Togo permettent dans l'ensemble de conclure que l'on est parvenu, dans des conditions d'essai proches de la réalité, à établir chez T. nigrescens un degré d'efficacité dans la suppression de P. truncatus comparable aux données provenant du Costa Rica BÖYE 1988). Les résultats des essais en conteneurs, qui avaient été spécialement entrepris pour procéder à une comparaison entre le Togo et le Costa Rica, confirment ceux de l'essai réalisé dans des conditions proches de la réalité. Ils concordent en outre avec les résultats obtenus par d'autres expérimentateurs (cf. REES, 1985; LELIVELDT, 1990).
S'agissant de la mise en oeuvre du prédateur T. nigrescens dans la lutte biologique contre le grand capucin du mais, le grenier à mais n'est pas le seul environnement à prendre en considération. Les recherches de HELBIG (1993) ont permis d'établir qu'il était de toute évidence possible d'inhiber efficacement la croissance démographique de P. truncatus, et cela aussi bien sur les cossettes de manioc que sur le bois de M. esculenta. Il est par conséquent permis d'espérer que si P. truncatus se rabat sur d'autres sources de nourriture, le prédateur le suivra. Un endiguement des populations vivant dans la nature, en dehors des greniers à mais, réduirait déjà considérablement le potentiel d'infestation du ravageur.
La lutte contre P. truncatus à l'aide du prédateur T. nigrescens revêt à peu près la même signification pour le stockage des cossettes de manioc que pour celui du mais. Au Togo ce sont quelque 120 000 à 150 000 t de manioc qui sont transformées chaque année pour en faire des cossettes (ADAM, 1988). Eu égard au potentiel élevé de pertes que P. truncatus est capable d'infliger à ce type de denrées stockées (cf. chapitre 3.5), les paysans peuvent subir des pertes considérables. Dans la mesure où les insecticides sont d'un emploi rare (LAMBONI, non daté; AYEVA, non daté), la lutte biologique peut fournir une contribution essentielle à la réduction des pertes en cas d'infestation par P. truncatus.
Risques présentés par un lâcher de T. nigrescens
L'introduction d'un insecte exotique dans une faune qui lui est étrangère, dans le but de lutter contre un ravageur d'importation comporte toujours certains risques. Nous avons affaire ici à deux types de risques. D'une part, l'efficacité de l'insecte utile n'est pas garantie. Les ressources mises en oeuvre dans la phase préliminaire ainsi que dans la phase initiale de l'intervention de l'insecte utile sur le terrain, jusqu'au moment du constat d'inefficacité, représenteraient dans ce cas la perte maximale.
Le second risque, qui serait beaucoup plus grave que le premier, consiste dans d'éventuels effets secondaires indésirables de la part de l'insecte utile dans son nouvel habitat. L'insecte utile pourrait se transformer lui-même en ravageur des plantes et produits végétaux, ou encore attaquer d'autres espèces animales que l'organisme cible. Pour ce qui est des animaux susceptibles de lui servir d'hôtes, il s'agit d'insectes élevés à des fins économiques, comme l'abeille commune ou le bombyx du mûrier.
En outre, le risque d'action parasitique aux dépens d'autres insectes appartenant à la faune autochtone, qui pourrait conduire à un déséquilibre écologique, doit être également considéré comme indésirable.
Le risque que T. nigrescens s'avère inefficace peut être considéré comme minime. Dans les conditions climatiques qui régnaient dans la cage de toile métallique, la population du prédateur a connu un développement très positif. Dans la mesure où les conditions climatiques rencontrées dans les régions centrales et septentrionales du Togo ne diffèrent pas fondamentalement de celles que l'on trouve dans la région d'origine de l'insecte utile, le climat ne devrait pas constituer un facteur limitatif notable. Cette hypothèse est confirmée par les premiers résultats d'essai obtenus au Togo dans les champs (RICHTER et al., 1992).
T. nigrescens est capable de survivre pendant très longtemps en l'absence de sa proie spécifique (PÖSCHKO et al., 1992 A; REES, 1992). Cette haute capacité de survie est rendue possible par l'exploitation limitée de matériaux végétaux et par la faculté de se nourrir d'autres organismes hôtes (LELIVELDT, 1990; REES, 1991, 1992; PÖSCHKO et al., 1992 A et B). Outre la capacité de survie prolongée, l'oligophagie, chez les insectes utiles, présente l'avantage de leur permettre de se rabattre sur d'autres proies en cas de pénurie de leur proie spécifique (KRIEG & FRANZ, 1989). Le prédateur peut ainsi maintenir une densité de population suffisante et réagir rapidement aux changements qui surviennent au niveau de l'abondance de l'organisme cible.
Lors des essais en conteneurs, T. nigrescens a adapté son taux de reproduction à la densité de population de sa proie (cf. également REES, 1985; LELIVELDT, 1990). Cette adaptation garantit une haute efficacité, même quand le prédateur est peu abondant, ce qui peut se produire en cas de migration massive de la population. D'un autre côté, ce mécanisme permet à la population des proies d'atteindre tout de même une certaine densité, ce qui est important pour que la population du prédateur puisse se maintenir.
Autre facteur intéressant pour l'efficacité: la détection des proies. Grâce à l'effet de "cairomones" BÖYE et al., 1992), le prédateur dispose d'un mécanisme particulièrement efficace, qui lui permet de trouver sa proie dans n'importe quel type d'habitat. L'effet de "cairomones" confère en outre au prédateur une haute spécificité, laquelle est aussi bénéfique pour l'efficacité. T. nigrescens apparaît dans l'ensemble comme un prédateur robuste et performant, dont on peut par conséquent estimer qu'il ne présente que très peu de risques d'inefficacité.
Les présentes recherches englobent certains aspects des examens visant à établir les risques d'effets secondaires indésirables. C'est ainsi que nous nous sommes penchés sur le comportement de T. nigrescens vis-à-vis de denrées stockées d'origine végétale, de même que sur les dommages éventuels causés à ces marchandises.
Selon HINTON (1945), les larves et les imagos des Histéridés sont carnivores. On peut en déduire que les substrats végétaux n'offrent pas à T. nigrescens un milieu nutritif adéquat, ce qui a été confirmé par nos propres recherches sur le comportement de T. nigrescens face à diverses marchandises stockées. Aucune de ces marchandises n'exerçait une attirance notable sur le prédateur. La durée de séjour des animaux adultes installés sur les marchandises stockées était en général si brève que l'on n'a pas davantage constaté au cours de cet essai d'intérêt quelconque envers ces mêmes marchandises.
Au cours des essais sous contrainte en conteneurs fermés, T. nigrescens a consommé une toute petite partie des denrées stockées proposées. Cette consommation est toutefois demeurée minime et n'avait probablement pour but que d'assurer la survie. Le prédateur ne s'est reproduit dans aucune des préparations mises en oeuvre. Les recherches de PÖSCHKO et al., (1992 B) et de REES (1992) ont abouti au même résultat. Dans l'état actuel des connaissances, on peut par conséquent partir du principe que T. nigrescens ne se transformera pas en ravageur des matériaux végétaux.
Les examens consacrés au comportement de T. nigrescens vis-à-vis de certains insectes utiles on porté sur des espèces importantes du point de vue économique. Il s'agit de Apis mellifera L. et de Bombyx mari L., ainsi que des insectes A. calandrae Heterospilus prosopidus VIERECK et des coccinellidés. Les essais n'ont révélé aucun indice de l'existence, chez T. nigrescens, d'un rapport de prédation aux espèces cités (LABORIUS, 1992; LABORIUS & MAUTZ, 1992; MURPHY & CROSS, 1992).
Des essais sur la spécificité d'hôte de T. nigrescens ont été par ailleurs entrepris par divers expérimentateurs. Nos propres recherches ont mis en évidence une multiplication du prédateur, en même temps qu'une réduction sensible de la croissance démographique de l'hôte, observées dans une préparation impliquant D. bifoveolatus. On a constaté en outre sur Sitophilus oryzae, R. dominica et Dinoderus minutes que le prédateur assurait sa reproduction tout en exerçant des effets réducteurs sur les populations de proies (LELIVELDT, 1990; PÖSCHKO et al., 1992 A; REES, 1992). En ce qui concerne T. castaneum, les rapports n'ont pas encore pu être clairement établis. Si REES (1987) a constaté une reproduction de T. nigrescens sur cet hôte, LELIVELDT (1990) et PÖSCHKO et al., A), quant à eux, n'ont pas observé ce phénomène.
Dans les préparations mettant en oeuvre Lasioderma serricorne, Acanthoscelides obtectus, S. zeamais, Tenebroides mauritanicus, Trogoderma granarium, O. surinamensis, C. dimidiatus, S. granarius et C. ferrugineus (LELIVELDT, 1990; PÖSCHKO et al., 1992 A; REES, 1992) comme hôtes, T. nigrescens n'a pas été en mesure de se reproduire. Les résultats de ces recherches ne permettent ni d'affirmer l'existence d'une influence quelconque sur l'évolution démographique des espèces testées, ni d'exclure une telle influence. S'agissant des teignes Plodia interpunctella, Ephestia kuehniella et E. elutella, on a constaté au cours d'essais sous contrainte une faible activité alimentaire sur des oeufs de ces espèces PÖSCHKO et al., 1992 A). Néanmoins, comme le faisait déjà remarquer WAAGE (1990), les essais de ce type ont toujours un caractère conservateur du fait que l'on y crée des situations artificielles qui ne se rencontrent pratiquement jamais dans la nature. Les résultats des essais en conteneurs fermés, sans nourriture de substitution, représentent un potentiel dont on ignore encore à l'heure actuelle la signification dans le contexte réel.
Les essais en populations mixtes ont été limités jusqu'ici à S. zeamais et à T. castaneum. Comme l'ont montré les essais, la présence de ces autres espèces n'a pas eu d'influence sur l'efficacité de T. nigrescens contre P. truncatus (REES, 1987; LELIVELDT, 1990), ce qui constitue un indice quant à la spécificité de l'insecte utile. Dans la préparation mixte, l'évolution démographique de T. castaneum a été influencée par la présence de T. nigrescens (REES, 1987; LELIVELDT, 1990). Comme il en a été discuté dans ce qui précède, on ignore cependant s'il s'agit, dans le cas des ravageurs secondaires, d'effets directs ou indirects. REES (1987) n'a pas observé d'inhibition de l'évolution démographique de S. zeamais du fait du prédateur, alors que LELIVELDT (1990) a constaté une réduction de la descendance de S. zeamais. Du fait que ce résultat est en contradiction avec les effets observés sur une population pure, elle émet l'hypothèse selon laquelle les oeufs et les larves de S. zeamais ont été rendus accessibles à T. nigrescens par les activités de forage de P. truncatus. Cette supposition est toutefois infirmée par l'observation de HAUBRUGE (1987), qui a constaté que P. truncatus renonçait à infester les grains déjà occupés par S. zeamais.
Dans le cadre du projet de lâcher de T. nigrescens au Togo, on s'est livré à de nombreux essais destinés à mettre en lumière d'éventuels effets secondaires chez le prédateur. Ces examens n'ont révélé aucun indice permettant de conclure à des effets négatifs émanant de cet insecte utile. Dans l'état actuel des connaissances, on peut donc partir du principe que le lâcher de T. nigrescens ne comporte pas de risques pour l'homme, l'environnement ou l'agriculture. Les lâchers d'Histéridés dans des faunes étrangères qui ont eu lieu jusqu'à présent ne permettent pas davantage de conclure à de quelconques effets négatifs. Il existe à ce jour dans le monde 17 espèces ayant été transférées dans d'autres pays dans le cadre de 81 programmes, sans que l'on ait signalé de conséquences indésirables (WAAGE, 1990). L'introduction de T. nigrescens au Togo était donc parfaitement justifiable.