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Chapitre 1 - But et origine de ce manuel


Les pièges à éviter dans l'identification des problèmes
Application du présent manuel
Origine de la méthodologie
Un effort interinstitutionnel


Chaque année on dépense des sommes considérables pour des projets de développement partout dans le monde qui ne produisent pas les résultats attendus. Cette situation existe, au moins en partie, parce qu'il y a des défauts dans le procédé d'analyse des problèmes.

Dans toute tentative de résoudre des problèmes, il y a trois étapes fondamentales:

1. Identification et description du problème,
2. Identification et formulation de la solution, et
3. Exécution de la solution.

Ce manuel se concentre sur les deux premières étapes. Dans le développement, les deux sont interdépendantes; on ne saurait trouver des solutions efficaces sans comprendre clairement les problèmes.

Impact sur le développement

Tandis que de nombreux textes et stages de formation se concentrent sur l'identification, la formulation, l'évaluation et le contrôle des projets, l'on dispose de relativement peu d'informations sur l'analyse des problèmes, surtout pour ce qui concerne les filières agro-alimentaires.

Au cours de leur formation universitaire, les étudiants apprennent à identifier les problèmes en utilisant une approche compréhensive et interdisciplinaire. Cependant, en devenant des professionnels, ils se trouvent le plus souvent dans des positions plutôt étroites à l'intérieur des institutions des secteurs public ou privé. Là-dedans, ils ont tendance à s'occuper de problèmes très spécifiques et à faire des décisions basées sur les informations limitées qui sont à leur disposition. Même au sein de bon nombre d'organisations de développement il y a d'habitude un manque de communication interdisciplinaire, ce qui aboutit souvent à des projets qui se révèlent être des solutions partielles ou ne pas être des solutions du tout.

Bien des personnes impliquées dans l'identification et la formulation des projets n'ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour l'organisation et l'exécution d'un diagnostic suffisamment approfondi des problèmes; c'est un procédé qui peut facilement prendre plusieurs mois. Par conséquent, l'identification des problèmes et des projets peut dépendre trop de la littérature et des données secondaires, qui peuvent ne pas être assez détaillées, ou basée sur l'expérience de quelques experts au niveaux local ou international.

Les pièges à éviter dans l'identification des problèmes

Au cours de l'identification des problèmes et des projets, il existe des pièges dont les professionnels accablés de contraintes dans le domaine du temps et des ressources financières ne sont pas toujours conscients.

Le premier piège à éviter est la tendance à se fier trop à la littérature facilement disponible, c'est-à-dire la littérature qu'on trouve dans les bibliothèques des ambassades, des banques de développement, des organisations internationales, et dans d'autres centres d'information. Bon nombre des études approfondies contenant des idées utiles se trouvent uniquement aux universités nationales et internationales et dans les centres de recherches, et les consultants à court terme ne peuvent pas toujours y accéder facilement. Parfois il y a peu d'exemplaires de certains documents importants, et ils sont "cachés" dans des bibliothèques privées ou enfermés dans les tiroirs des fonctionnaires du secteur public. Croyant fermement au concept que l'information, c'est le pouvoir, ces individus utilisent les documents comme leur propre base de ressources. Au niveau local, le personnel est souvent conscient de l'existence de ces documents, tandis que d'habitude quelqu'un du dehors ne l'est pas.

De plus, une grande partie de la littérature a été rédigée par des consultants à court terme qui se sont basés à leur tour sur le travail d'autres consultants au préalable. C'est pour cette raison que des statistiques, des problèmes, des faiblesses, des caractéristiques, des techniques culturales, et d'autres constatations se répètent si souvent dans la littérature qu'on a tendance à les accepter comme des vérités établies, loden que parfois elles n'ont aucune base substantive. A titre d'exemple, on entend répéter souvent que les pertes post-récolte des cultures périssables sont de l'ordre de 20% à 40%. Plus on veut s'assurer du financement d'un projet post-récolte, plus le pourcentage de pertes cité a tendance à monter. Puisqu'il n'existe pas de données quantitatives pour prouver le contraire, on est libre de faire des constations pareilles impunément. On cite souvent le document Postharvest Food Losses in the Developing Countries, National Academy of Sciences (Pertes post-récolte d'alimentation dans les pays en voie de développement, Académie Nationale des Sciences), qui est basé à son tour sur une révision de la littérature secondaire et les opinions des experts. Tandis que ce document constitue peut-être la meilleure estimation des pertes de produits périssables à l'échelle globale, certaines citations tirés du document risquent d'induire en erreur lorsqu'elles sont appliquées sous des conditions spécifiques.

En fait, la gamme des pertes post-récolte s'étend depuis pratiquement zéro jusqu'à cent pour cent, selon des conditions locales telles que le climat, la politique, les techniques culturelles des agriculteurs et des intermédiaires, la demande sur le marché, les politiques de commercialisation du gouvernement, les conditions routières, et le niveau de connaissances. Sans une compréhension approfondie de ces conditions, loden des écrivains introduisent des mauvaises opinions en élaborant les documents de planification nationale.

Un deuxième piège à éviter est la tendance à trop dépendre au niveau national de trop peu de techniciens d'une expérience assez limitée. Comme les cadres professionnels partout dans le monde, les techniciens ont tendance à se spécialiser dans un domaine très particulier qui comporte ses propres préjugés. Il n'est pas rare non plus de trouver au niveau national des "spécialistes" dans le secteur agricole, souvent chargés de prendre des décisions, qui n'ont bénéficié depuis longtemps ni d'expérience sur le terrain ni de contact direct avec le secteur rural. De plus, étant donné la pénurie de cadres formés dans bon nombre de pays en voie de développement, il se peut que des spécialistes formés dans la technologie occupent des positions purement administratives sans contact quelconque avec leurs domaines d'expertise.

Un troisième piège, semblable au précèdent, est la tendance d'impliquer trop peu de disciplines dans l'identification des problèmes. Des professionnels ou des consultants au niveau national, contraints par leurs termes de référence, peuvent se trouver dans des circonstances où ils travaillent avec une seule institution. Puisque la plupart des institutions ont tendance à se spécialiser en un seul ou très peu de domaines différents, par exemple, les ressources en eau, l'agronomie, la commercialisation, ou le traitement des aliments, les consultants risquent de se familiariser avec un système qui n'est, en fait, qu'une partie d'un système. Si le projet s'occupe de l'irrigation ou de la production, ce sont la commercialisation ou le traitement qui sont susceptibles d'être négligés. S'il s'occupe de la commercialisation, c'est peut-être la production ou les éléments post-récolte qu'on néglige ou qui ne sont pas l'objet de suffisament d'attention. Faute d'une approche multidisciplinaire, souvent les projets ne produisent pas les résultats voulus.

Un quatrième piège est associé à l'ordre d'exécution des éléments d'un projet. Par exemple, les systèmes d'informatique, y compris les investissements en matériel, logiciel et personnel, sont mis en places souvent avant qu'il n'y ait une compréhension claire de qui va se servir des informations, de quelles décisions seront prises et à quels intervalles, et de quelle est la façon la moins coûteuse et la plus pratique d'institutionnaliser le procédé. Les systèmes d'information sont certes nécessaires, mais ils doivent évoluer de manière à pouvoir subvenir aux besoins sans se présenter sous la forme d'une panacée.

Un autre exemple du mauvais ordre d'activités qui s'établit souvent dans les pays en voie de développement se voit dans la construction des installations frigorifiques. Bien que la technologie soit déjà disponible et que l'inauguration de nouvelles infrastructures soit une bonne chose du point de vue de la politique, la réduction de la température à un moment donné dans la filière d'un produit périssable sans la capacité de maintenir cette température réduite à travers toute la filière pourrait bien augmenter plutôt que réduire les pertes post-récolte.

Dans un projet où l'ordre des activités nia pas été bien établi dès le début, de bonnes idées peuvent entraîner des erreurs coûteuses. De plus, les projets coûteux sans grande utilité sont susceptibles de donner naissance à des sentiments négatifs parmi ceux qui font les décisions, ce qui rend encore plus difficile la tâche de faire accepter des projets dont on a vraiment besoin. Choisir le mauvais moment pour exécuter un projet est souvent le reflet de décisions basées sur trop peu d'information.

Un cinquième piège est associé aux préjugés des spécialistes. Quand on identifie un problème, il y a tendance à vouloir identifier ses causes. Or, chaque expert va identifier les causes qu'il connaît le mieux. En essayant de résoudre un problème de pertes post-récolte élevées, le technologiste peut signaler le manque de matériel ou d'installations pour le stockage; l'économiste peut identifier les faiblesses dans le système de distribution; l'agronome aura tendance à blâmer des facteurs pré-récolte; le sociolologue aura tendance à signaler la contradiction des coutumes locales par les politiques gouvernementales; et ainsi de suite. Même ceux qui ont une approche holistique vont, de nature, accorder plus d'attention à certains éléments d'une filière agro-alimentaire qu'à d'autres, ce qui signale l'importance d'une approche interdisciplinaire.

En utilisant pas à pas la méthodologie d'évaluation des filières agro-alimentaires et les instruments présentés dans le présent manuel, les professionnels sauront éviter les pièges qu'on vient de décrire. A force de travailler ensemble en tant qu'une équipe interdisciplinaire, ils pourront combiner leurs connaissances pour créer une vue d'ensemble d'une filière agro-alimentaire donnée. Cela dégagera les informations nécessaires pour l'identification efficace des problèmes et des projets, améliorant ainsi les chances de réussite des projets de développement. De cette manière, les spécialistes au niveau national vont jouer un rôle plus direct dans la détermination des projets prioritaires qui seront soumis aux organismes de financement.

L'une des hypothèses à la base de ce manuel, c'est qu'on peut trouver des professionnels dans les pays en voie de développement qui, lorsqu'ils disposeront de bonnes informations de base sur une filière agro-alimentaire, sauront identifier des projets et établir des priorités réalistes. Plus l'information de base sera précise et complète, plus il est vraisemblable que les décisions prises seront celles qui conviendront pour résoudre les problèmes identifiés.

Basé sur ce qu'on vient de dire ci-dessus

LA CLEF DE LA SOLUTION DES PROBLEMES EST LA BONNE IDENTIFICATION DU PROBLEME.

Application du présent manuel

Ce manuel sera d'une grande utilité aux consultants à court terme ainsi qu'à ceux qui sont chargés de prendre des décisions et qui s'intéressent à des évaluations rapides et au développement d'une vue d'ensemble sur les filières agro-économiques. Toujours est-il qu'on l'a préparé en songeant avant tout aux techniciens au niveau national des pays en vole de développement.

L'application de la méthodologie dans ce manuel exige une approche interdisciplinaire ou en équipe. Il n'est pas vraisemblable qu'une seule personne dispose de toutes les connaissances requises pour identifier les problèmes associés à la pré-production, la production, la récolte, la post-récolte, et la commercialisation qui composent toute filière agro-alimentaire.

Ce manuel peut être utilisé au cours des ateliers consacrés à la formation des professionnels dans l'évaluation des filières, tant du point de vue théorique que sous la forme d'un stage de formation appliquée basé sur des études de cas (produits spécifiques). Dans le premier cas, les stageaires peuvent être des mêmes disciplines ou de disciplines différentes. Lorsqu'il s'agit des études de cas, le groupe de stageaires doit comprendre des experts dans les domaines de l'économique, l'agronomie, les sciences sociales, la technologie alimentaire, la post-récolte, et la commercialisation.

Ce manuel sera également d'une grande utilité aux ministères d'agriculture, aux conseils de commercialisation, aux sociétés, aux instituts de recherche, et à d'autres institutions nationales qui s'intéressent à l'amélioration systématique de la production, de la manutention post-récolte et de la commercialisation dans le contexte des filières existantes. Aux niveaux régional ou national, la méthodologie sera utile pour l'identification des projets de développement agricole. Il sera d'un intérêt tout particulier dans l'exécution des exercices d'évaluation rapide utilisant des équipes interdisciplinaires d'experts au niveau national.

L'application systématique et interdisciplinaire de cette méthodologie permettra l'évaluation rapide (2 à 4 semaines) d'une filière. Elle rendra plus facile l'identification de problèmes prioritaires et d'idées pour des projets alternatifs, et elle rendra possible l'intégration des solutions prioritaires dans une stratégie de développement et un calendrier logiques.

Enfin, pour l'étudiant, ce manuel permettra d'aboutir à une meilleure compréhension des filières agro-alimentaires et des rapports qui existent entre les différentes composantes et les divers participants. En tant que document de référence, il sera d'une grande utilité aux écoles techniques et aux universités qui ont des cours sur l'économie rurale, la technologie alimentaire, la manutention post-récolte, l'agronomie, la sociologie, et d'autres disciplines liées au développement agricole.

Origine de la méthodologie

Une caractéristique importante de cette méthodologie, c'est qu'elle rend possible l'analyse de tous les éléments d'une filière agro-alimentaire, facilitant ainsi l'identification et la prioritisation de problèmes à travers tout le système, ce qui permet le développement de solutions réalistes des problèmes. La méthodologie rassemble bien des concepts, des instruments et des techniques en un seul document et les présente sous la forme d'un tout intégré.

La méthodologie présentée dans le présent manuel se base sur le travail de bon nombre de spécialistes, et elle s'est développée au cours de plusieurs années. L'idée à l'origine de la méthodologie trouve ses racines dans une étude menée à bien en Haïti qui décrivait la production et la commercialisation des haricots au moyen d'études de cas anthropologiques (Murray et Alvarez, 1973). Cette étude de cas au sujet de la commercialisation du haricot visait surtout les divers participants dans une filière particulière et leur façon de prendre des décisions. Elle a servi de modèle pour une série d'études de commercialisation effectuée en Haïti et en République Dominicaine par l'Institut Inter-Américain de Coopération dans l'Agriculture (IICA).

En 1975, un technologiste alimentaire de l'IICA a développé une approche technologique à l'évaluation d'une filière alimentaire en intégrant le concept de l'organigramme industriel à une méthode basée sur l'étude de cas par étapes (Amezquita et La Gra, 1979). Des études de cas incorporant cet élément technologique ont été menées en République Dominicaine sur les pommes de terre blanches, les tomates et le manioc (Secretaria de Estado de Agricultura, 1976 & 1977).

Au cours de la période 1975 à 1979, le Ministère d'Agriculture de la République Dominicaine et l'IICA ont exécuté un Projet de Commercialisation Intégrée afin de développer des systèmes de commercialisation pour des groupements d'agriculteurs. Un diagnostic du système de commercialisation agricole en République Dominicaine a été publié (Secretaria de Estado de Agricultura, 1977), traitant les filières de commercialisation d'une grande variété de produits alimentaires en se servant de l'approche analytique utilisée souvent par les économistes ruraux.

En analysant les différentes approches adoptées par les anthropologues, les technologistes alimentaires et les économistes ruraux, on a constaté qu'aucune des trois approches ne décrivait suffisamment bien une filière entière. Cependant, la combinaison des trois approches fait naître une vue d'ensemble compréhensive qui facilite l'identification des problèmes et des projets.

Au cours des années 70, la réduction des pertes post-récolte est devenue un des principaux objectifs des organisations de développement, tout comme la sécurité alimentaire le deviendrait pendant les années 80. Chacun de ces concepts a engendré de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments pour l'évaluation des filières alimentaires (SEA-IICA, 1977; Rodriguez et al, 1985; La Gra et al, 1985).

Au cours de ces deux décennies (1970-1980), les planificateurs dans le domaine du développement ont contribué des outils d'une grande utilité pour l'identification et la création des projets. La méthode d'analyse qui s'appelle le cadre logique (Rosenberg et Posner, 1979) a été adoptée par beaucoup d'institutions impliquées dans le développement pour leurs propres systèmes de planification. L'analyse des problèmes et des objectifs, basée sur les rapports de cause et d'effet, constitue encore un outil dont se servent les professionnels du monde de développement (Deutsche GTZ, 1987). En même temps, les banques de développement sont en train d'exécuter des programmes intensifs de formation destinés aux spécialistes du tiers monde et visant l'identification, la formulation et l'évaluation (Gittinger, 1972) et, plus récemment, le contrôle des projets.

Au milieu des années 80, une situation paradoxale semblait exister. Tandis que:

· des instruments méthodologiques étaient disponibles pour l'étude et l'évaluation des filières alimentaires;

· le plus souvent, des techniques et des méthodes pour l'identification et la formulation des projets étaient connues et disponibles au niveau national, et

· des professionnels compétents étaient disponibles tant au niveau technique qu'administratif dans les pays en vole de développement, de nombreux projets de développement agricole continuaient à donner des mauvais résultats.

Des analyses au niveau du pays indiquent que l'une des raisons pour cette situation serait un manque d'intégration et de coordination parmi les diverses institutions impliquées dans le procédé de développement, ainsi que parmi les spécialistes de planification et d'exécution des programmes de travail.

Il en résulte que beaucoup de spécialistes et leurs institutions semblent "ne pas voir la forêt à cause des arbres", en donnant la plus haute priorité à certains projets favorisés sans compréhension claire ni évaluation entière de l'impact éventuel sur le système global. La révision des expériences dans les pays en voie de développement indiquerait une allocation mauvaise et malsaine des ressources. Beaucoup de projets de recherches, de formation, d'infrastructure, d'information et encore d'autres ont pris fin sans produire les résultats voulus. Dans bien des cas, des situations difficiles sont devenues encore pires. A titre d'exemples:

· La construction de silos verticaux dans un pays au début des années 70, tandis que le riz se stockait le plus souvent en sacs. Pendant des années les silos n'ont pas été utilisés, malgré des coûts élevés d'entretien et le fait que le pays n'avait pas assez d'entrepôts.

· L'introduction à grande échelle d'installations frigorifiques gérées par l'état avant que la production n'ait été développée et organisée convenablement. Il en a résulté des coûts élevés d'entretien et d'opération attribuables aux volumes faibles et au mauvais emplacement de l'infrastructure.

· L'établissement de systèmes d'informatique sophistiqués dans bon nombre de pays en voie de développement sans définition claire des besoins d'information des utilisateurs. Souvent, les données brutes ne sont pas utilisées et fréquemment on abandonne les systèmes lorsque le financement du projet se termine.

· L'établissement de réseaux d'information aux niveaux régional et international avant que les systèmes nationaux n'aient la capacité de générer ou de recevoir des informations fiables.

· L'exécution de projets visant l'augmentation de la production ou la productivité avant l'identification des marchés. Il en résulte des coûts élevés de production au producteur, et des revenus diminués quand la production augmentée occasionne des surplus sur le marché et des baisses de prix qui y correspondent.

· L'exécution de programmes de recherche conçus aux universités et aux centres de recherche sans claire compréhension des principaux problèmes et besoins des agriculteurs. Souvent, le résultat en est l'allocation de ressources peu abondantes à des problèmes d'un haut intérêt scientifique, mais d'une basse priorité pour l'agriculteur.

Afin d'éviter ce genre de mauvaise allocation de ressources peu abondantes, il est nécessaire d'avoir une compréhension approfondie des filières agro-alimentaires, de leur structure, et comment elles fonctionnent.

Un effort interinstitutionnel

Unis en 1983 par leurs intérêts communs, l'Institut pour l'Étude des Pertes Post-Récolte des Cultures Périssables (PIP) a sollicité l'aide de l'institut Inter-Américain de Coopération dans l'Agriculture (IICA) afin de développer une méthodologie de quantification des pertes post-récolte. La première activité qu'ils ont entreprise ensemble, sous l'égide du Centre Asiatique de Recherches et de Développement (AVRDC), a été l'application aux tomates de taule et au chou chinois à Taiwan (La Gra et al, 1983) d'une version modifiée de la méthodologie utilisée dans une étude de cas de l'IICA (Amezquita et La Gra, 1979).

La conclusion qu'on a tirée de cette expérience a été que l'évaluation des pertes devrait commencer par la prise d'une vue d'ensemble de toute la filière. De plus, on a conclu que, vu les coûts élevés en temps et en ressources nécessaires pour quantifier les pertes de façon précise, de tels exercices ne devraient se poursuivre qu'à la suite d'une évaluation initiale d'une filière, ou lorsque des données quantitatives étaient nécessaires pour évaluer la rentabilité d'introduire des modifications. A partir de ce moment-là, l'IICA et le PIP se sont mis d'accord de concentrer leurs efforts sur le développement d'une approche à l'évaluation des filières en utilisant des instruments et des méthodes qui existaient déjà.

En 1985, le Bureau ASEAN pour la Manutention des Produits Alimentaires (AFHB) a invité l'IICA à participer à un atelier au sujet de l'évaluation des pertes post-récolte à Manila, aux Philippines. L'IICA a présenté une approche compréhensive pour l'étude des filières et l'identification des points dans la filière où les pertes alimentaires sont les plus élevées (ASEAN Food Handling Bureau, 1985).

En 1986, l'IICA et la Banque de Développement de la Caraïbe (CDB) a initié une étude des contraintes posées à la production et à la commercialisation dans les filières de fruits des îles du Vent de la Mer Caraïbe. Cette étude compréhensive (La Gra et Marte, 1987) a été menée pendant une période de 18 mois en utilisant une méthode d'évaluation des filières appliquée à sept fruits spécifiques en quatre pays différents.

En essayant de développer une méthodologie compréhensive pour l'analyse des filières alimentaires du point de vue de la post-récolte, le PIP, l'AFHB et l'IICA ont formé une équipe interdisciplinaire en 1986 pour visiter des pays desservis par l'ASEAN et identifier les problèmes et besoins ressentis également par les secteurs publics et privés à l'égard de la période post-récolte. Le résultat de nombreuses consultations avec les professionnels de cinq pays différents a été la première version du présent manuel (La Gra et al, 1987).

En 1987, l'Université de Californie à Davis et le PIP de l'Université d'Idaho, avec l'appui de l'USAID, de la FAO des Nations-Unies et de l'IICA, ont uni leurs forces afin d'organiser un stage de formation pour 20 techniciens de l'Est de la Caraïbe. Ce stage de formation, basé sur l'analyse des filières alimentaires, visait des méthodes pour la réduction des pertes post-récolte des cultures périssables. On a divisé les participants en quatre équipes interdisciplinaires. Chaque équipe s'est servi de l'analyse des filières pour la prioritisation des problèmes et l'identification des solutions, le fout ultime étant l'identification de techniques pour améliorer la production et la commercialisation de certaines cultures alimentaires dans des îles spécifiques de la Caraïbe (PIP/UCDAVIS, 1987).

En 1988, les chefs d'état de l'Organisation des États de l'Est de la Caraïbe (OECS) ont demandé à l'institut Caraïbe de Recherches et de Développement dans l'Agriculture (CARDI), à la CDB et à l'IICA de préparer un "Programme de Diversification de l'OECS" pour l'exportation des cultures non-traditionnelles. Ce Programme a été élaboré en 1988, en utilisant l'analyse des filières (CDB/IICA/CARDI, 1988).

Basé sur les expériences citées ci-dessus, la première ébauche du présent manuel a été rédigé en 1988. Au cours de la période entre le treize et le vingt-cinq juin 1988, il a été testé sur le terrain en Malaisie à l'institut Malaisien de Recherche et de Développement dans l'Agriculture (MARDI) appuyé conjointement par le MARDI, l'AFHB, le PIP et l'IICA. Au cours d'un stage de perfectionnement qui a duré deux semaines, 24 professionnels du MARDI, représentant 12 disciplines, ont appliqué la méthodologie pas à pas, telle qu'elle est présentée au Chapitre 4 de ce manuel. Le résultat du stage a été une étude de cas (MARDI, 1988) du fruit désigné partout dans ce manuel par le terme carambole; elle comporte la description de la filière, l'analyse des problèmes, l'identification de solutions possibles, et la présentation de quatre idées pour l'élaboration de projets sous forme de profils de projets.

En avril 1989, le PIP a appliqué la méthodologie au cas du gingembre au Népal. Des modifications de l'atelier ont été initiées tenant compte de la formation au préalable des participants et de leurs connaissances dans le domaine particulier d'étude. L'atelier a été raccourci d'une semaine et une étude de cas a été menée à bien (McCullough et Haggerty, 1989) sur la manutention et la commercialisation du gingembre, comportant la description de la filière, l'analyse des problèmes, et l'identification de solutions possibles.

Comme on peut voir grâce à ce bref historique, la méthodologie qui est l'objet du présent manuel a été développée à travers de longues années de recherches et d'évaluations par des douzaines de professionnels dans de nombreux pays du monde. C'est pour cette raison que nous la présentons au lecteur, persuadés qu'il saura l'appliquer et la développer davantage.

Que la Méthodologie d'Évaluation des Filières Agro-Alimentaires soit utilisée pour une évaluation rapide ou une étude de cas approfondie, l'utilisateur bénéficiera des produits suivants:

· Une description de la filière agro-alimentaire qui identifie les principales composantes du système, ainsi que les principaux participants et les rôles qu'ils y jouent;

· L'identification des problèmes prioritaires dans chaque composante de la filière et leurs rapports de cause et d'effet;

· L'identification de solutions possibles des problèmes et leur ordre de priorité; et

· Une base de données adéquate pour l'identification d'idées pour l'élaboration de projets ainsi que la préparation des profils de projet.


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