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CHAPITRE 1. LES ELEMENTS DU CHOIX TECHNOLOGIQUE DANS LA PRODUCTION DE FARINE DE MAIS
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1.1. La demande de farine de maïs: Caractéristiques des produits et de la consommation
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VIEW THE DOCUMENT1.1.1. Eléments nutritifs des farines de maïs
VIEW THE DOCUMENT1.1.2. Durée de conservation des farines de maïs
VIEW THE DOCUMENT1.1.3. Préférences des consommateurs, prix de détail et circuits de distribution
VIEW THE DOCUMENT1.2. Approvisionnement en farine de maïs: Techniques de mouture et échelles de production
1.3. Le choix de techniques de mouture et les objectifs de développement
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VIEW THE DOCUMENT1.3.1. Autonomie alimentaire
VIEW THE DOCUMENT1.3.2. Autonomie technologique
VIEW THE DOCUMENT1.3.3. Création d’emplois
VIEW THE DOCUMENT1.3.4. Transport du maïs et de la farine
VIEW THE DOCUMENT1.3.5. Fabrication des machines de mouture
VIEW THE DOCUMENT1.3.6. Economies de devises
VIEW THE DOCUMENT1.3.7. Industrialisation des régions rurales
VIEW THE DOCUMENT1.4. Critères et méthodes d’intervention gouvernementale

Production de Farine de Maïs à Petite Échelle (CTA - ILO - WEP, 1990, 140 p.)

CHAPITRE 1. LES ELEMENTS DU CHOIX TECHNOLOGIQUE DANS LA PRODUCTION DE FARINE DE MAIS

Le choix d’une technologie pour la production de farine de maïs constitue un exemple type de choix technologique en matière de transformation des produits alimentaires. Il fait intervenir une série de critères, dont les critères classiques d’évaluation des options technologiques (salaires, frais d’amortissement, objectifs socio-économiques, etc.) ainsi que d’autres facteurs tels que le choix des produits, les frais de transport, l’approvisionnement en matières premières, etc. Il importe donc de décrire le cadre général du choix technologique pour faciliter l’évaluation des procédés décrits plus loin. Ce chapitre devrait présenter de l’intérêt à la fois pour les services de planification et pour les producteurs, dans la mesure où il prend en compte tant les objectifs socio-économiques que les facteurs qui influent sur la rentabilité privée des entreprises de meunerie.

La section 1.1 analyse la demande de divers types et qualités de farine et contient des suggestions pour orienter cette demande. La section 1.2 étudie la production de farine de maïs du point de vue des appareils de meunerie existants et des échelles de production. Quant à la section 1.3, elle fournit des informations sur les incidences socio-économiques des différentes technologies et donne des indications générales sur les dispositions à prendre pour encourager la consommation de certains produits et promouvoir des techniques de meunerie appropriées.

1.1. La demande de farine de maïs: Caractéristiques des produits et de la consommation

On trouve dans les pays en développement trois principaux types de farine de maïs: la farine complète; la farine partiellement dégermée (dont on a retiré une partie du son et du germe), que l’on désigne aussi sous les noms de farine blutée, farine partiellement tamisée ou farine “cylindrée” (roller meal, Zambie); la farine entièrement dégermée (dont on a retiré la plus grande partie du son et du germe) que l’on appelle aussi farine super fine. Chaque type de farine présente des différences de qualité selon la technique de mouture adoptée, la qualité du grain et l’addition de différentes vitamines.

La meunerie permet d’obtenir divers sous-produits: de petites quantités d’aliments pour la volaille (gros son), du fourrage pour le bétail et de l’huile de maïs par la transformation du germe éliminé du grain.

1.1.1. Eléments nutritifs des farines de maïs

Le maïs est un élément important du régime alimentaire des populations des pays en développement, en particulier en Afrique et en Amérique latine. Dans certains cas (au Malawi, par exemple), il peut représenter de 80 à 90 pour cent de la consommation totale en calories de la population rurale. Cependant, le maïs manque d’un certain nombre d’éléments nutritifs essentiels, et un régime alimentaire exagérément tributaire du maïs peut entraîner de graves maladies telle que la pellagre. Plusieurs pays ont donc été conduits à prendre des mesures pour enrichir les farines de maïs destinées à la consommation humaine (addition de diverses vitamines, de farine de soja ou de farine d’arachide, par exemple).

Etant donné la carence du maïs en divers éléments nutritifs essentiels, il est paradoxal que certains pays en développement aient permis, voire favorisé, l’adoption de procédés de mouture qui réduisent encore la teneur de la farine en ces éléments aussi bien que la quantité totale de farine propre à la consommation humaine par tonne de maïs transformée. Les raisons en seront exposées plus loin, et des suggestions seront faites en vue d’encourager le choix de techniques mieux adaptées aux objectifs socio-économiques à atteindre. Au préalable, il convient d’examiner les incidences des options technologiques en meunerie sur la valeur nutritive de la farine produite.

Le tableau 1 donne les teneurs estimées des principaux éléments nutritifs contenus dans les trois types de farine de maïs consommées dans les pays en développement: la farine complète, la farine partiellement dégermée et la farine dégermée. Alors que la valeur calorique est approximativement la même pour ces trois types, la teneur en éléments nutritifs importants est généralement beaucoup plus élevée dans la farine complète que dans les autres farines. Cela est particulièrement vrai pour le calcium, le fer, la niacine, la riboflavine et les lipides. La production des farines dégermées par les appareils de mouture à cylindres supprime également deux types importants de protéines (les globulines et les glutélines), n’épargnant que la zéine qui est une source plus pauvre de protéides (Stewart, 1977). En outre, les farines dégermées enrichies sont, en général, moins riches du point de vue nutritif que les farines complètes.

Tableau 1
Teneur en éléments nutritifs de différents types de farine de maïs

Eléments

Farine complète

Farine partiellement dégermée

Farine entièrement dégermée

Eau (%)

12-13

12-13

12-13

Calories/100 g

353-356

360

363

Protéides (%)

9,3-9,5

9,3

7,9-8,4

Lipides (%)

3,8-4,5

variable (>2)

1,2-2,0

Glucides (%)

73,4

variable (>74)

78,4

Fibres (%)

1,9-3,0

0,7-1,0

0,6-0,7

Cendres (%)

1,3

n.a.

0,5

Calcium (mg/100 g)

7-17

6

5-6

Fer (mg/100 g)

2,3-4,2

1,8

1,1-1,2

Thiamine (mg/100 g)

0,3-0,45

0,35

0,14-1,18

Niacine (mg/100 g)

1,8-2,0

1,3

0,6-1,0

Riboflavine (mg/100 g)

0,11

0,09

0,08

Note: Les écarts relevés d’une source à l’autre peuvent avoir pour origine des différences dans la nature ou la qualité de la farine.

Sources: Schlage (1968); FAO (1953); FAO (1954); FAO (1968); Uhlig et Bhat (1979)

Le tableau 2 fournit des estimations de la consommation quotidienne minimale de farine complète et de farine dégermée nécessaire pour couvrir les besoins d’un adulte en quatre éléments nutritifs essentiels: le fer, la thiamine, la riboflavine et la niacine. Il ressort du tableau que, si un adulte se nourrissait exclusivement de maïs, il devrait consommer de deux à sept fois plus de farine entièrement dégermée que de farine complète pour que ses besoins soient satisfaits. Il est évident que peu de personnes ont un régime alimentaire composé exclusivement de maïs, et les estimations fournies au tableau 2 ont un caractère purement théorique. Toutefois, comme on le montrera plus loin, la carence de la farine dégermée en un certain nombre d’éléments nutritifs essentiels pourrait affecter gravement le régime alimentaire des groupes de population à faible revenu dans les pays en développement.

Tableau 2
Consommation journalière minimale de farine complète et de farine dégermée

(Quantité de farine, évaluée en grammes, nécessaire pour fournir à un adulte la quantité de fer et de trois vitamines dont il a besoin)

Type de farine

Fer

Thiamine

Riboflavine

Niacine

Farine complète

233

357

1 076

1 066

Farine entièrement dégermée

424

2 500

4 670

2 670

Sources: FAO (1968); Harper (1974).

Les différentes techniques de mouture influent également sur le volume de l’approvisionnement en farine pour la consommation humaine. Le taux d’extraction des farines partiellement ou entièrement dégermées par tonne de maïs transformé est beaucoup plus faible que celui de la farine complète. Le tableau 3 montre que, pour la farine complète, il se situe entre 97 et 99 pour cent, alors qu’il n’est que de 80 à 96 pour cent et de 60 à 75 pour cent, respectivement, pour les autres types de farine. Quant au pourcentage des sous-produits, il peut atteindre jusqu’à 40 pour cent dans le cas de la farine dégermée, alors qu’il n’excède généralement pas 3 pour cent pour la farine complète. Ces sous-produits sont utilisés soit pour l’alimentation animale, soit pour l’extraction d’huile. La production de farine partiellement ou entièrement dégermée peut donc avoir d’importantes répercussions sur la consommation des groupes de population à faible revenu, ainsi qu’on va le voir.

En premier lieu, d’un point de vue purement quantitatif et compte tenu des taux d’extraction que l’on vient de mentionner, une bonne partie du maïs cultivé ne pourrait servir directement à la consommation humaine si, par exemple, on s’en servait pour produire de la farine entièrement dégermée au lieu de farine complète. Dans le cas de la farine partiellement dégermée, la part correspondante serait moins élevée. Les taux d’extraction inférieurs obtenus avec les farines dégermées ne devraient guère avoir de conséquences pour les pays dont la production de maïs est nettement excédentaire (permettant ainsi, par exemple, l’exportation de maïs-grain, l’extraction d’huile ou l’alimentation des animaux). Par contre, les pays qui ne cultivent pas suffisamment de maïs pour satisfaire entièrement les besoins de leur population pourraient être confrontés à une grave pénurie de farine de maïs s’ils produisaient de la farine dégermée plutôt que de la farine complète. S’ils ne compensent pas cette pénurie en important du maïs ou d’autres céréales, les groupes de population à faible revenu devront, en l’absence d’un contrôle des prix, payer le maïs plus cher ou réduire leur consommation. Dans l’un et l’autre cas, ils pâtiraient de la diminution de l’offre de farine de maïs due aux faibles taux d’extraction des moulins qui produisent de la farine dégermée.

Tableau 3
Taux d’extraction pour 100 kg de maïs
(en pour-cent)

Type de farine

Farine destinée à la consommation humaine

Sous-produits pour l’alimentation animale ou l’extraction d’huile

Farine complète

97-99

1-3

Farine partiellement dégermée

80-96

4-20

Farine entièrement dégermée

60-75

25-40

Sources: Stewart (1977); Uhlig et Bhat (1979).

Par ailleurs, l’utilisation de sous-produits (son et germe) pour l’alimentation animale (bétail et volaille, par exemple) ne compense pas entièrement les faibles taux d’extraction de la farine entièrement dégermée. Lorsque ces sous-produits sont destinés à accroître la production de viande, leur valeur nutritive ne dépasse généralement pas 10 pour cent de celle du son et du germe; en d’autres termes la conversion du son et du germe en viande entraînerait une perte de 90 pour cent de la valeur nutritive de ces deux sous-produits. En outre, il est fort peu probable que les groupes de population à faible revenu puissent se permettre d’acheter la viande ainsi produite pour améliorer leur alimentation quotidienne.

Enfin, il convient de relever que les sous-produits de la mouture du maïs sont commercialisés sur place ou exportés pour l’alimentation animale et que peu de pays en développement possèdent des installations pour l’extraction de l’huile. En tout état de cause, l’extraction d’huile à partir de ces sous-produits ne justifie pas la production de farine dégermée. Il faut tenir compte de deux facteurs importants avant de décider d’investir dans une usine d’extraction d’huile de maïs et déterminer:

1) si l’on est assuré de disposer d’une quantité de sous-produits suffisamment importante et régulière pour pouvoir exploiter de manière continue la capacité de production de l’usine et, en conséquence, pratiquer pour l’huile des prix de détail concurrentiels (non subventionnés);

2) s’il ne serait pas préférable de recourir à une autre matière première que le maïs pour produire de l’huile, étant donné l’importance de cette céréale pour la consommation humaine.

Il ressort, de l’analyse faite plus haut de la valeur nutritive des trois types de farine de maïs, qu’il vaut mieux, des points de vue qualitatif et quantitatif et si l’on fait de la satisfaction des besoins essentiels des groupes de population à faible revenu un objectif important du développement, produire de la farine complète plutôt que de la farine dégermée. Toutefois, d’autres facteurs peuvent Intervenir, comme on va le voir.

1.1.2. Durée de conservation des farines de maïs

La durée de conservation est un élément important dont il faut tenir compte dans la commercialisation du maïs. L’une des raisons que l’on invoque en faveur de la production de farine entièrement dégermée (et, dans une moindre mesure, de farine partiellement dégermée) est que sa durée de conservation est sensiblement supérieure à celle de la farine complète. Aussi, lorsque la chaîne de distribution exige une longue durée de conservation du produit (lorsque la farine doit être transportée sur de longues distances ou lorsque les grossistes et les détaillants doivent la stocker longtemps, par exemple), la seule solution consiste à produire de la farine dégermée, étant donné que la farine complète rancit rapidement en raison de sa teneur plus élevée en lipides (3 à 4 pour cent environ, contre 1 à 2 pour cent pour la farine dégermée). Cet argument ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les meuniers et les détaillants de farine de maïs des pays en développement. Nous allons examiner brièvement divers aspects de la question.

Estimation des durées de conservation

La durée de conservation des farines de maïs dépend de leur teneur en lipides, du degré d’humidité du grain, de la présence d’agents contaminants et des conditions de stockage (matériau de conditionnement, température et degré hygrométrique ambiants, notamment). L’influence de ces facteurs sur la durée de conservation de la farine de maïs n’a pas encore fait l’objet d’études systématiques, et l’on ne peut par conséquent imputer totalement les différences relevées dans les durées de conservation à la teneur en lipides. Ces différences peuvent sans doute s’expliquer, dans une certaine mesure, par les conditions présidant à la mouture dans les appareils à cylindres produisant de la farine entièrement dégermée et dans les broyeurs à marteaux ou à meules produisant de la farine complète (teneur en eau du maïs, présence d’agents contaminants, par exemple). Les estimations très divergentes de la durée de conservation que l’on trouve dans différentes publications peuvent s’expliquer par les variations importantes relevées dans les facteurs mentionnés ci-dessus, d’un pays à l’autre ou d’une unité de transformation à l’autre. Voici quelques estimations relatives à la durée de conservation des farines de maïs:

- 4-6 semaines pour la farine complète stockée dans des conditions humides et chaudes, contre deux ans au maximum pour la farine entièrement dégermée stockée dans des conditions soigneusement contrôlées (Uhlig et Bhat, 1979);

- 2-3 jours pour la farine complète, contre une durée de conservation beaucoup plus grande pour les farines dégermées (Stewart, 1977);

- 4-8 semaines pour la farine complète, contre 6 mois pour les farines dégermées. Toutefois, les climats humides ou chauds ne permettent d’entreposer longtemps aucune farine (PECTA, 1981).

L’étude du PECTA (1981) contient également des estimations fournies par des meuniers du Kenya et de la Zambie:

- la farine dégermée peut être conservée jusqu’à 3 mois en atmosphère faiblement humide, alors qu’une farine complète à 5 pour cent de lipides ne se conservera que 3 semaines (un meunier du Kenya);

- les caractéristiques de stockage sont presque les mêmes pour tous les types de farine, les durées de conservation étant réduites à 2 semaines durant la saison des pluies (le directeur d’une grande minoterie de Zambie);

- il existe peu de différence entre les durées d’entreposage de la farine dégermée et de la farine complète (un petit meunier du Kenya).

Il ressort des avis ci-dessus que la question appelle un nouvel examen de la part des spécialistes en technologie alimentaire des pays en développement afin de déterminer l’ampleur et les raisons des différences constatées et de voir s’il est possible, grâce à de meilleures conditions de meunerie (utilisation d’un maïs suffisamment sec, bonnes conditions de stockage, notamment), de réduire l’écart qui sépare les durées de conservation de la farine complète et de la farine dégermée.

Intérêt d’une augmentation de la durée de conservation des farines de maïs

Si l’on est généralement d’accord pour admettre que la farine dégermée se conserve plus longtemps que la farine complète, on ne l’est plus dès qu’il s’agit d’évaluer l’importance et la signification qui s’attachent aux différences constatées dans leurs durées de conservation respectives. D’aucuns avancent que les consommateurs des régions rurales, en particulier dans les régions maïsicoles, font moudre leur maïs au fur et à mesure de leurs besoins et ne conservent généralement pas la farine complète au-delà d’une semaine. On fait par ailleurs remarquer que c’est surtout dans les grandes agglomérations urbaines que la farine doit pouvoir être stockée pendant de longues périodes; il faut en effet constituer des stocks importants pour assurer l’approvisionnement régulier des détaillants. On peut aussi avoir besoin de farine dégermée lorsqu’il faut ravitailler des régions non maïsicoles du pays situées à de grandes distances.

Les arguments invoqués à l’appui de durées de conservation différentes pour la farine dégermée et la farine complète devront peut-être être révisés. En premier lieu, de la farine complète peut fort bien être produite par de petits moulins industriels dans des zones urbaines, pour autant qu’ils soient approvisionnés régulièrement par un office national de commercialisation du maïs, par exemple. Cette farine pourrait, ainsi, être produite et vendue au détail de manière à réduire au minimum sa durée de stockage et à éviter son rancissement. La farine complète serait, dans ce cas, commercialisée comme une denrée alimentaire périssable, tout en ayant une durée de conservation supérieure à celle de la viande ou du lait, par exemple. En second lieu, rien ne s’oppose à l’implantation de moulins artisanaux ou de petits moulins industriels dans les régions du pays qui ne produisent pas de maïs, pour autant que le transport du maïs égrené puisse être assuré de façon régulière. Toutefois, il faut insister sur le fait qu’un stockage prolongé de maïs égrené destiné à être transformé par de petits moulins artisanaux ou industriels requiert un bon séchage (la teneur en eau ne doit pas excéder 12 à 13 pour cent), un stockage convenable et des moyens de transport adéquats.

1.1.3. Préférences des consommateurs, prix de détail et circuits de distribution

Trois facteurs importants déterminent la demande en farine, complète ou dégermée: les goûts des consommateurs, les prix de détail pratiqués pour les différents types de farine et les circuits de distribution. Nous les examinerons brièvement sur la base des indications fournies par quelques pays en développement, plus particulièrement en Afrique.

Préférences des consommateurs

On prétend que si les consommateurs des pays en développement avalent le choix, ils achèteraient de la farine dégermée plutôt que de la farine complète, et ceci pour diverses raisons: meilleur aspect de la farine dégermée (plus blanche et plus fine), utilisation plus facile en cuisine (la farine complète cuit plus lentement et consomme donc plus d’énergie), etc. Les consommateurs ne semblent pas se soucier, probablement par manque d’information, de la valeur nutritive inférieure de la farine dégermée. Toutefois, ces arguments ne sont pas valables dans tous les cas. Dans certains pays (en Somalie, par exemple, selon le rapport PECTA, 1981), la population urbaine préfère la farine complète. Les grands établissements, tels que les hôpitaux, préfèrent, eux aussi, d’ordinaire, la farine complète, plus nutritive. Les données dont on dispose à ce sujet sont cependant limitées, et les pays en développement auraient tout intérêt à étudier les préférences des consommateurs pour les divers types de farine de maïs.

Dans certaines agglomérations urbaines (au Kenya, par exemple), la nette préférence marquée pour la farine dégermée peut s’expliquer par un certain nombre de raisons, aussi bien objectives que subjectives. Parmi les raisons objectives, on peut ranger son aspect plus engageant, ses meilleures propriétés de cuisson ainsi que la possibilité de l’acheter, conditionnée en petites quantités, dans les magasins d’alimentation du quartier. Du fait que la farine dégermée est consommée assez rapidement, sa durée de conservation apparemment plus longue ne semble pas influer sur le choix des consommateurs des villes.

Le principal facteur subjectif de cette préférence est la publicité. Il ressort des indications recueillies dans un certain nombre de pays africains (le Kenya, par exemple) que de grandes minoteries (dont certaines sont étrangères) consacrent un budget important à de vastes campagnes publicitaires dans les zones urbaines. C’est ainsi qu’au Kenya, les coûts de commercialisation peuvent représenter un tiers des coûts de production; on prétend même que le marché de la farine dégermée aurait été créé artificiellement par les grandes minoteries à cylindres (Stewart, 1977).

Prix de détail

Selon les données dont on dispose, le prix de détail de la farine dégermée est en général plus élevé que celui de la farine complète; l’écart varie d’un pays à l’autre et d’un marché à l’autre. Cela ne signifie nullement que le coût réel de production de la farine dégermée est nécessairement supérieur à celui de la farine complète. Les différences relevées dans les prix de détail peuvent s’expliquer comme suit:

- les faibles taux d’extraction des appareils de mouture à cylindres qui produisent la farine dégermée (par tonne de maïs égrené, ils produisent moins de farine dégermée que de farine complète). Ces rendements peu élevés et les volumes plus importants de matières premières qui en résultent ne sont pas compensés par la vente des sous-produits (germes et son), dont le prix unitaire est en général inférieur à celui de la farine complète;

- les coûts d’emballage élevés de la farine dégermée (en sacs de papier de 1 ou 2 kg), alors que la farine complète ne nécessite que peu ou pas d’emballage. Les petits moulins à façon (situés d’ordinaire en zone rurale) n’emballent pas la farine (les clients apportant leur propres récipients), alors que les petits moulins industriels utilisent des emballages peu coûteux;

- les moulins à cylindres écoulent leur production par l’intermédiaire de commerçants qui doivent ajouter leurs coûts d’exploitation et leur marge de bénéfice au prix des produits à la sortie du moulin;

- les coûts élevés de la publicité en faveur de la farine dégermée;

- les coûts de transport liés à la production et à la distribution de la farine dégermée, supérieurs en général à ceux de la farine complète. Le maïs et la farine dégermée doivent être transportés le plus souvent sur de longues distances, alors que les moulins artisanaux qui produisent de la farine complète sont situés à proximité des régions maïsicoles et des consommateurs et ont, de ce fait, des coûts de transport réduits.

Les prix de détail relativement élevés de la farine dégermée en limitent la consommation à la population urbaine à revenu moyen ou élevé. Ce n’est que dans de rares cas que les subventions gouvernementales et le contrôle des prix ont pu mettre le prix de détail de la farine dégermée à la portée des groupes à bas revenu.

En règle générale, une hausse des prix de détail de la farine dégermée n’entraîne pas d’accroissement de la demande en farine complète par les populations à revenu moyen ou élevé. Elle peut, cependant, entraîner une augmentation de la demande de riz glacé ou d’autres farines (la farine de blé, par exemple) de qualité équivalente, lorsqu’il est possible de se procurer ces denrées sur place. Par contre, la hausse des prix de détail de la farine complète entraîne, en général, une augmentation de la demande d’autres farines de qualité égale (mil et sorgho, en particulier) de la part des populations à faible revenu. Bien que l’on ne dispose pas d’indications précises sur ces fluctuations de la demande, il convient d’en tenir compte chaque fois que des mesures gouvernementales peuvent conduire à une hausse du prix de détail de la farine dégermée ou à une réduction de ses possibilités d’approvisionnement.

Répartition géographique de la demande de farine dégermée et de farine complète

Les régions rurales, on l’a vu, consomment presque exclusivement de la farine complète, surtout si elles sont maïsicoles. Cette farine est produite soit dans le carré familial (au moyen d’un pilon et mortier ou d’un moulin à bras), soit par des moulins à façon (contre paiement en nature ou en espèces). Le recours aux moulins à façon ne s’est pas encore généralisé; toutefois, un nombre croissant de femmes des régions rurales souhaitent abandonner le travail fastidieux de la mouture manuelle pour se consacrer à d’autres activités plus rémunératrices.

Dans les régions maïsicoles, il est peu probable que la demande de farine dégermée augmente sensiblement dans un avenir proche. Le prix de détail de la farine dégermée sera toujours plus élevé que celui de la farine complète. Par contre, on trouvera parfois de la farine dégermée dans les régions rurales non maïsicoles, en l’absence en particulier d’autres céréales. Dans certains cas, la farine dégermée est offerte à des prix subventionnés, ce qui permet aux groupes à faible revenu d’en acheter.

La situation est différente dans les zones urbaines qui consomment à la fois de la farine complète et de la farine dégermée. La farine complète est souvent produite par de petits moulins industriels (par des broyeurs à marteaux, par exemple) qui constituent des stocks de matières premières aussi bien que de farine. Ces moulins vendent leur production directement ou par le canal de détaillants. De leur côté, les zones rurales avoisinantes produisent également de la farine complète qui est mise en vente sur les marchés urbains. En général, la farine complète que l’on trouve dans les agglomérations urbaines est consommée par les groupes à faible revenu.

Dans la plupart des cas, la farine dégermée est produite par de grands appareils à cylindres situés en zone urbaine ou, si possible, à proximité des réglons maïsicoles; elle est vendue dans les centres urbains, principalement par des commerçants, et consommée par les groupes de population à revenu moyen ou élevé. Les groupes à faible revenu consomment peu de farine dégermée, car son prix relativement élevé la place dans la catégorie des produits de luxe.

1.2. Approvisionnement en farine de maïs: Techniques de mouture et échelles de production

Les pays en développement pratiquent cinq techniques de mouture:

1) la technique du mortier et du pilon, utilisée dans les ménages. La production horaire varie d’une personne à l’autre mais n’excède que rarement 5 kg/h;

2) les moulins à bras, équipés de disques ou de meules et utilisés par des ménages ou des groupes de familles. Le matériel existant permet d’atteindre une production comprise entre 7 et 30 kg/h. La figure 1 montre un moulin de ce type fabriqué au Kenya;

3) les moulins à meules de pierre actionnés par l’eau, que l’on trouve surtout dans les régions rurales de plusieurs pays africains. Leur production, relativement faible, se situe entre 20 et 30 kg/h selon le débit liquide. Ces moulins fonctionnent en général à la demande;

4) les broyeurs à marteaux et les moulins à meules de pierre entraînés par un moteur diesel ou électrique, exploités à la demande ou de façon industrielle pour la production de farine complète. La capacité nominale de ces machines varie de 100 à 1100 kg/h. Ce rythme de production ne peut toutefois être soutenu sur de longues périodes, la production effective variant d’ordinaire entre 200 et 3000 kg par journée de 8 h;

5) les appareils à cylindres, qui produisent des farines partiellement ou totalement dégermées et qui sont implantés d’ordinaire dans les villes. Leur production va de 1 à 12 t/h selon la taille du moulin, le nombre des postes de travail et le temps consacré à l’entretien et aux réparations. La production effective des appareils à cylindres est en général inférieure dans les pays en développement à ce qu’elle est dans les pays industrialisés, où le seuil de rentabilité se situe entre 250 et 300 t/journée de 3 postes. Comparativement, une production de 120 à 150 t/journée de 3 postes est déjà importante pour un pays en développement.

Un nombre croissant de pays en développement fabriquent des moulins à bras, des moulins à meules de pierre actionnés par l’eau et de petits broyeurs à marteaux (c’est le cas de l’Inde, du Kenya et de la République-Unie de Tanzanie, par exemple). Les appareils à cylindres sont, pour la plupart, fabriqués dans les pays industrialisés, l’Inde étant l’un des rares pays en développement qui produise de petits moulins de ce type.

Les caractéristiques des appareils de mouture à cylindres ne diffèrent pas beaucoup d’un fabricant à l’autre; les principales différences ont trait aux opérations connexes tels que l’alimentation des machines et le conditionnement. Il semblerait, d’après les études de rentabilité effectuées au Kenya par Uhlig et Bhat (1979), que les méthodes manuelles ou semi-automatiques d’alimentation et de conditionnement sont plus indiquées dans les pays en développement que les procédés entièrement automatisés, et cela en raison des salaires relativement bas qui y sont pratiqués.

Pour ce qui est des broyeurs à marteaux, un certain nombre d’études (Uhlig et Bhat (1979), Stewart (1977), PECTA (1981)) ont montré que l’équipement utilisé dans les pays en développement peut être amélioré afin d’accroître la productivité et de réduire les coûts d’entretien. C’est ainsi que ces appareils peuvent être équipés d’aimants permanents pour extraire les fragments de métal qui pourraient se trouver dans le grain et éviter qu’ils n’endommagent la grille. Les marteaux utilisés dans certains broyeurs peuvent également être modifiés pour améliorer la qualité de la farine et le rendement de la machine. Certains broyeurs à marteaux fabriqués dans les pays en développement sont équipés de marteaux fixes qui ne sont pas aussi efficaces que les marteaux mobiles (Kaplinsky, 1980).


Figure 1. Moulin Dunia actionné à la main

Ce petit moulin actionné à la main a été conçu en Afrique pour le broyage du maïs et d’autres céréales vivrières. Il est fait d’éléments d’acier soudés. Le couvercle antérieur peut être retiré à des fins de nettoyage et d’inspection en dévissant trois écrous à oreilles.

Constructeur: Ndume Products Ltd (Kenya)

Source: ITDG (1985)

Le taux d’utilisation des broyeurs à marteaux et des appareils à cylindres varie d’un pays à l’autre. En général, celui des broyeurs à marteaux est élevé, car ils sont d’un emploi assez souple et peuvent être utilisés, sous réserve de quelques réglages, pour la mouture d’un certain nombre d’autres céréales, ce qui permet de les exploiter en dehors de la saison du maïs. Par contre, les appareils à cylindres sont utilisés exclusivement pour la transformation d’une seule céréale (le maïs, par exemple); ils exigent des stocks importants de matières premières pour pouvoir fonctionner de manière continue. L’insuffisance des stocks explique souvent le faible taux d’utilisation des appareils à cylindres; elle a, parfois, suscité l’intervention des pouvoirs publics pour assurer un approvisionnement suffisant. Selon un rapport du PECTA (1981), le gouvernement d’un pays d’Afrique a pris des mesures pour assurer, en priorité, l’approvisionnement en maïs d’un moulin public à cylindres, et cela au détriment des petits broyeurs à marteaux.

Si le taux d’utilisation des broyeurs à marteaux est relativement élevé dans les réglons rurales, il semblerait, par contre (PECTA, 1981), que certaines petites installations urbaines pâtissent de la concurrence des appareils à cylindres dans les régions où la préférence des consommateurs va désormais à la farine dégermée. Les incidences de cette situation sur la rentabilité des petites installations urbaines ne sont toutefois pas connues avec précision.

1.3. Le choix de techniques de mouture et les objectifs de développement

Les deux sections précédentes proposaient une évaluation globale de la demande et de l’offre de différents types de farine de maïs dans les pays en développement. Les caractéristiques actuelles de la demande et de l’offre, on l’a vu, peuvent être améliorées dans l’intérêt des consommateurs comme dans celui des producteurs. En outre, comme n’importe quel autre secteur productif, la production de la farine de maïs peut être organisée de manière à contribuer à la réalisation des objectifs socio-économiques nationaux. Nous tenterons, dans cette perspective, de formuler ici certains principes généraux pour la recherche et l’adoption de techniques répondant aux objectifs de développement visés. Ces principes s’appliquent spécifiquement à la mouture du maïs mais ils sont aussi valables, avec les adaptations nécessaires, pour la transformation d’autres céréales alimentaires.

Les objectifs de développement varient, d’un pays à l’autre, en fonction de la situation socio-économique. Le choix des techniques de mouture du maïs dépend, lui aussi, de cette situation. Les plans actuels de développement et les données dont on dispose permettent néanmoins de penser que les objectifs ci-après - dans la mesure où ils sont liés à la production et à la consommation de farine de maïs - sont partagés par la majorité des pays en développement.

1.3.1. Autonomie alimentaire

L’alimentation figure en bonne place parmi les besoins de la population. Les efforts des pays en développement visent donc tout particulièrement à étendre la production locale de denrées alimentaires, en faveur avant tout des groupes de population à faible revenu. Compte tenu de leur pouvoir d’achat relativement limité, il faudrait produire, en priorité, des aliments bon marché à forte valeur nutritive et prendre en considération les goûts des consommateurs. Si certaines couches de la population (celles qui ont un revenu supérieur à la moyenne et les habitants des villes, notamment) recherchent des produits alimentaires d’un type différent (de la farine dégermée au lieu de farine complète, par exemple), le gouvernement pourra satisfaire leur demande par une production locale limitée ou par des importations. Dans le cas du maïs, il paraît justifié d’encourager la production et la commercialisation de la farine complète plutôt que celles de la farine dégermée, si l’on songe à la valeur nutritive plus élevée et au coût plus bas de la farine complète. La demande de farine dégermée pourra être satisfaite par une production limitée des moulins locaux à cylindres, pour autant que celle-ci ne compromette pas la production de farine complète.

1.3.2. Autonomie technologique

De nombreux pays en développement ont également pour objectif la recherche de leur autonomie technologique, afin de réduire l’importation onéreuse de procédés et de matériels et d’encourager la production sur place de biens de consommation et d’équipement adaptés aux besoins et aux us et coutumes locaux. Dans le cas du maïs, l’accès à l’autonomie technologique passe, pour la plupart des pays en développement, par une utilisation beaucoup plus large des broyeurs à marteaux et des moulins à bras. Les appareils à cylindres doivent en effet être importés dans la majorité des cas, l’Inde étant l’un des rares pays qui maîtrise cette technique.

1.3.3. Création d’emplois

La création d’emplois est l’un des objectifs les plus importants du développement. C’est sur lui que plusieurs pays en développement ont concentré leurs efforts et leurs ressources, en mettant spécialement l’accent sur la promotion de l’emploi rural.

Dans le cas du maïs, on peut considérer, dans l’optique de la création d’emplois, les éléments ci-après:

- le nombre total des emplois directement créés par chaque unité de production;

- le montant de l’investissement pour chaque emploi créé; ce critère revêt une importance primordiale pour les pays qui manquent cruellement de capitaux locaux et de devises;

- les besoins en personnel qualifié par unité de production; ce facteur, lui aussi, est très important, vu que la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée nécessite la mise en oeuvre de programmes de formation prolongés et dispendieux;

- les effets indirects sur l’emploi, tels que ceux liés à la fabrication et à l’entretien du matériel de mouture, au transport du maïs et de la farine, à la production d’emballages, etc.;

- les économies de devises;

- l’industrialisation des régions rurales.

Ces facteurs seront analysés successivement en relation avec les diverses techniques de mouture du maïs.

Nombre total des emplois directement créés par chaque unité de production

Les études dont on dispose ne permettent pas d’aboutir à des estimations fiables sur les incidences des différentes technologies sur l’emploi. Le tableau 4 fournit des indications quant à la production par heure de travail (Stewart (1977); PECTA (1981)).

Tableau 4
Production obtenue par différentes techniques de mouture (tonnes/heure de travail)

Technique

Stewart (1977)

PECTA (1981)

Moulins à actionnés meules de pierre par l’eau

0,018


Broyeurs à marteaux

0,198 - 0,225

0,041 - 0,062

Appareils à cylindres

0,153

0,040 - 0,093

Le tableau 4 montre que la production par heure de travail des broyeurs à marteaux est, selon la source que l’on consulte, supérieure ou inférieure à celle des appareils à cylindres. La divergence entre les chiffres de Stewart et ceux du PECTA s’explique sans doute par les différences dans les échelles de production, les taux d’utilisation des installations ou leur degré d’automatisation.

Le fait que les broyeurs à marteaux ne nécessitent pas beaucoup plus de main-d’oeuvre que les appareils à cylindres n’est pas vraiment surprenant, et cela pour plusieurs raisons. La technologie des appareils à cylindres fait intervenir un certain nombre d’opérations que l’on ne rencontre généralement pas dans les broyeurs à marteaux (nettoyage du grain, dégermage et conditionnement, notamment). En second lieu, les appareils à cylindres d’une certaine importance exigent un personnel d’encadrement et de maintenance beaucoup plus nombreux que les broyeurs à marteaux, surtout lorsque ceux-ci travaillent à la demande. On peut donc conclure, sur la base des informations dont on dispose, que le critère de l’emploi direct ne joue pas en faveur d’une technologie particulière de mouture, si ce n’est en faveur des moulins à meules de pierre actionnés par l’eau dont la production horaire est particulièrement faible (0,018 t/heure de travail). Toutefois, comme on le verra plus loin, le critère de l’emploi Indirect joue en faveur de l’utilisation de broyeurs à marteaux.

Montant de l’investissement pour chaque emploi créé

Comme on peut s’y attendre, ce critère est largement favorable aux broyeurs à marteaux. Le tableau 5 fournit des estimations de l’investissement par travailleur requis pour un broyeur à marteaux et pour un appareil à cylindres.

Tableau 5
Investissement par travailleur

Technique

Stewart (1977)
(shillings d’Afrique orientale)

PECTA (1981)
(shillings tanzaniens)

Broyeurs à marteaux

8 350 - 12 830a

30 800 - 38 350b

Appareils à cylindres

41 380a

131 740 - 214 425c

a Avec une équipe
b Avec deux équipes
c Avec trois équipes

Il ressort de ce tableau que le montant de l’investissement par travailleur est, selon la source, que l’on consulte, trois à sept fois plus important pour les appareils à cylindres que pour les broyeurs à marteaux. En outre, les estimations du tableau ne tiennent pas compte du fonds de roulement, bien plus élevé dans le cas des appareils à cylindres.

On peut donc affirmer que la promotion des broyeurs à marteaux serait bénéfique pour les pays en développement qui manquent de capitaux mais souhaitent encourager l’emploi.

Besoins en personnel qualifié

La marche des broyeurs à marteaux exige beaucoup moins de personnel qualifié que celle des appareils à cylindres. Deux à trois semaines de formation sur le tas suffisent d’ordinaire pour assimiler le fonctionnement des broyeurs, la main-d’oeuvre qualifiée étant essentiellement requise pour leur maintenance. Par contre, 30 à 50 pour cent des travailleurs affectés aux appareils à cylindres sont des travailleurs qualifiés (voir par exemple PECTA, 1981). Avec les broyeurs à marteaux, il ne devrait pas être nécessaire de faire appel à du personnel étranger, forcément dispendieux.

1.3.4. Transport du maïs et de la farine

Lorsque la production se fait dans de grands appareils à cylindres, le maïs et la farine produite doivent en général être transportés sur de longues distances. En effet, ces appareils sont souvent situés dans des agglomérations urbaines où les ressources nécessaires (l’énergie, par exemple) sont relativement abondantes et où la main-d’oeuvre qualifiée est suffisamment importante. Le maïs provient d’ordinaire des régions maïsicoles éloignées. Par ailleurs, étant donné que la farine produite est commercialisée dans les principales agglomérations du pays, elle doit, elle aussi, être transportée sur de grandes distances. Par contre, la farine complète de maïs est souvent produite à proximité des régions productrices, ce qui réduit les trajets. Ainsi, le maïs transformé dans les moulins artisanaux est souvent transporté sur de courtes distances par des personnes à pied ou par des charrettes tirées par des animaux. Ce n’est que lorsque les broyeurs à marteaux sont situés dans des régions qui ne produisent pas de maïs, ou encore dans des centres urbains où ils sont exploités de manière industrielle, que de longs transports de grain s’imposent.

On pourrait être amené à conclure que les emplois créés dans le secteur du transport seront sensiblement plus nombreux lorsque la mouture du maïs s’effectue dans de grands appareils à cylindres plutôt que dans de petits broyeurs à marteaux. Toutefois, si l’on tient compte du prix élevé des carburants et du matériel de transport (que la plupart des pays en développement devraient importer au détriment d’autres biens essentiels), on conclura qu’il n’est pas forcément justifié de penser que les transports de maïs et de farine sont le meilleur moyen de créer des emplois.

1.3.5. Fabrication des machines de mouture

La grande majorité des pays en développement ne fabriquent pas d’appareils à cylindres; les pays de petite ou moyenne importance n’en fabriqueront sans doute jamais puisque la demande est insuffisante pour justifier la création d’une unité de production. Par contre, un nombre croissant de pays en développement fabriquent aujourd’hui des broyeurs à marteaux de divers types, et aucune raison technique ou économique ne s’oppose, a priori, à la production de ces machines par la plupart des pays. La production de broyeurs à marteaux devrait entraîner la création de nombreux emplois indirects liés à la production des pièces entrant dans leur construction. On ne peut en dire autant des appareils à cylindres. Il convient cependant de rappeler que les broyeurs à marteaux sont entraînés le plus souvent par des moteurs diesels ou électriques que la plupart des pays en développement sont encore contraints d’importer.

On ne dispose pas, en général, d’estimations relatives aux emplois créés par la fabrication locale de broyeurs à marteaux ou de moulins à meules de pierre. Selon une étude du PECTA (1981), 10 ouvriers peuvent produire par an jusqu’à 100 machines de ces types (fonctionnant avec des moteurs importés); un ouvrier à plein temps peut entretenir et réparer 30 broyeurs à marteaux. Etant donné que l’on compte, en moyenne, un broyeur à marteaux ou un moulin à meules de pierre pour 1 000 habitants et que 10 pour cent des machines doivent être remplacées chaque année, leur fabrication, leur maintenance et leur réparation pourraient être une source d’emplois importante.

Des effets en amont ou en aval peuvent également être générateurs d’emplois indirects (production d’emballages, commercialisation, etc.). Leurs effets sont toutefois d’importance mineure et ne devraient pas affecter véritablement le choix technologique.

1.3.6. Economies de devises

L’utilisation de broyeurs à marteaux ou de moulins à meules de pierre, en lieu et place d’appareils à cylindres, devrait permettre de réaliser d’importantes économies de devises et présenter, de ce fait, un intérêt particulier pour les pays qui connaissent des problèmes de balance des paiements. Le tableau 12 (Chapitre 6) Indique les prix d’un grand nombre de moulins à meules de pierre ou à meules métalliques et de broyeurs à marteaux ainsi que de quelques appareils à cylindres. Si les prix f.a.b. des machines à meules et à marteaux oscillent entre 200 et 10 000 livres (prix de 1980), selon leur capacité de production, ceux des appareils à cylindres vont de 250 000 et 700 000 livres environ.

L’exemple ci-après illustre l’économie de devises que l’on peut réaliser. Supposons qu’on ait le choix entre un appareil à cylindres d’une capacité de 120 t/jour (avec 3 équipes) et huit broyeurs à marteaux d’une capacité individuelle de 15 t/jour (avec 2 équipes). Si l’on se réfère aux chiffres du tableau 12 (postes 31 et 34), on voit que le prix f.a.b. de l’appareil à cylindres importé du Royaume-Uni est de 400 000 livres, alors que celui de huit broyeurs à marteaux importés du Brésil n’est que de 6 000 livres. Si l’on produisait les broyeurs à marteaux sur place, avec de l’acier et des moteurs importés, le coût en devises pourrait être ramené à 3 000 livres environ.

D’autres calculs du même genre montreraient qu’il est possible de réaliser d’importantes économies de devises en choisissant des moulins à meules de pierre ou des broyeurs à marteaux plutôt que des appareils à cylindres.

1.3.7. Industrialisation des régions rurales

Bon nombre de pays en développement ont mis en oeuvre des programmes d’industrialisation des régions rurales afin d’améliorer l’emploi et le revenu des populations de ces régions et de ralentir leur exode. La transformation des denrées alimentaires et, en particulier, la mouture des céréales, sont une activité rurale essentielle qu’il Importe de préserver; il faut donc éviter de prendre des mesures susceptibles de la défavoriser par rapport aux industries urbaines similaires. Ainsi, le subventionnement des grands moulins à cylindres ou l’application par un gouvernement de mesures pouvant restreindre l’approvisionnement en maïs des petites unités rurales (par exemple, l’affectation en priorité, par décret, des quantités limitées de maïs disponibles aux appareils à cylindres) pourrait, à long terme, entraîner l’arrêt des broyeurs à marteaux dans les régions rurales. Dans quelques pays (République-Unie de Tanzanie et Kenya, entre autres), de petites unités de mouture ont déjà cessé de fonctionner ou marchent au ralenti par suite, notamment, de la multiplication des appareils à cylindres.

1.4. Critères et méthodes d’intervention gouvernementale

Il ressort de la section précédente que, d’un point de vue socio-économique, la production de farine complète par de petites unités pourrait être plus indiquée que celle de farine dégermée par de grandes installations. Toutefois, comme on l’a déjà relevé, le choix de la technique de mouture peut varier d’un pays à l’autre en fonction du degré de développement, des goûts des consommateurs, de la répartition de la population entre les régions rurales et les villes, etc. L’encouragement de telle ou telle technique devrait donc être fondé sur une évaluation précise de l’offre et de la demande de farine de maïs, compte tenu des objectifs de développement du pays. Une étude d’ensemble du secteur qui nous intéresse pourra comporter les éléments suivants:

- une étude de la demande des divers types de farine, y compris la détermination des raisons objectives et subjectives qui peuvent expliquer la demande de certains types de farine (disponibilité, goûts des consommateurs, publicité, prix, conditionnement, durée de conservation, etc.);

- une étude de la production de farine de maïs par les ménages, les moulins artisanaux, les petits moulins industriels et les appareils à cylindres: situation géographique des unités de production, technique de mouture, échelle de production, qualité des produits, circuits de commercialisation, prix de gros et de détail, etc.;

- une analyse socio-économique des options techniques pour la mouture du maïs fondée sur les résultats des enquêtes citées ci-dessus, compte tenu des objectifs nationaux de développement. L’analyse devrait porter sur les techniques utilisées dans le pays comme sur les techniques améliorées mises au point ailleurs.

Les conclusions d’une telle étude pourront déboucher sur l’adoption de mesures concrètes visant à promouvoir des techniques de mouture appropriées. Parmi les dispositions qu’un gouvernement pourra prendre, on peut citer:

- l’élaboration et l’application de mesures visant à encourager la consommation de certains types de farine de maïs;

- la diffusion d’informations relatives à de meilleures techniques de mouture;

- la promotion de la recherche pour l’amélioration de la qualité et de la durée de conservation de la farine complète, avec la mise au point de modes de conditionnement répondant aux exigences du marché;

- l’élaboration et l’application de mesures destinées à maintenir l’équilibre souhaitable entre les différentes techniques en usage (types de moulins et échelles de production), compte tenu de la structure de la consommation que le gouvernement souhaite encourager.

Les informations techniques que l’on trouvera dans les chapitres suivants devraient faciliter la réalisation de l’étude d’ensemble préconisée et l’élaboration de mesures propres à promouvoir des procédés de mouture appropriés. Elles s’adressent aussi, bien sûr, aux exploitants de petites unités de mouture qui souhaitent améliorer leurs installations et aux personnes qui envisagent de créer de nouvelles unités de production.

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