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4. Commentaires

Table des matières - Précédente - Suivante


4.1 Identité et spécificité des hôtes
4.2 Pathogenicité
4.3 Application pratique


Au cours de la présente étude, deux espèces de protozoaires ont été détectées sur le ravageur P. truncatus dans Sa principale zone de distribution togolaise. Ces agents pathogènes sont d'une part une espèce Mattesia, et d'autre part une espèce Nosema. Les deux protozoaires avaient une distribution géographique différente. Alors que Mattesia sp. a été découvert sur des coléoptères des régions méridionale et centrale du Togo, l'espèce Nosema a été uniquement décelée dans le sud du pays. Non seulement la néogrégarine était plus répandue que l'espèce Nosema mais elle se manifestait aussi plus fréquemment. Ces observations permettent de conclure que Mattesia sp. s'est visiblement mieux implantée que la microsporidie sur les populations naturelles de ravageurs du Togo.

D'autres études attestent la découverte antérieure d'une espèce Mattesia, au Togo. LIPA et WOHLGEMUTH (1986) décrivent une néogrégarine trouvée sur des P. truncatus originaires du Topo. Lors d'une enquête menée dans le sud du pays, LELIVELDT et al. (1988) ont également mis en évidence sur le ravageur un agent pathogène de ce type. S'il s'agit dans les cas cites de la même espèce, on peut en conclure, à partir des agents pathogènes découverts dans notre propre enquête, que la présence de Mattesia sp. n'est pas limitée au sud du pays, mais que l'agent pathogène est également répandu sur P. truncatus dans la "Région des Plateaux" et dans la "Région Centrale" du Topo.

Le littérature spécialisée ne fait en revanche aucune mention d'une détection de Nosema au Togo. C'est par conséquent le première fois que l'on découvre une Nosema sur P. truncatus dans ce pays d'Afrique occidentale. La distribution, à proportion plus restreinte, de cet agent pathogène dans les régions d'enquête togolaises incite à penser que la microsporidie s'est peut-être établie plus tard que Mattesia sp. sur les populations locales de ravageurs. Toutefois, il serait également concevable que l'origine de l'opposition géographique constatée entre les deux agents pathogènes soit a rechercher dans la différence de virulence.

4.1 Identité et spécificité des hôtes

Les espèces de protozoaires mises en évidence sur P. truncatus ont été identifiées. S'agissant de Mattesia sp., on a constaté que la morphologie et la dimension des spores concordaient bien avec les descriptions de néogrégarines fournies par LIPA & WOHLGEMUTH (1986), et LELIVELDT (1990), d'où l'on peut conclure que le protozoaire examiné est vraisemblablement identique à l'espèce Mattesia décrite à l'époque sur des P. truncatus d'origine togolaise. Cette hypothèse a été renforcée par l'observation, aux cours de nos propres recherches, des stades intermédiaires de l'agent pathogène, qui se sont révélés tout à fait analogues a ceux observés par LELIVELDT (1990).

Des espèces Mattesia ont été également découvertes dans d'autres pays où l'anobie est présente. C'est ainsi que PURRINI (cite par BURDE, 1988) a décrit une néogrégarine trouvée au Costa Rica sur des coléoptères de P. truncatus tandis qu'une espèce Mattesia Etait également détectée en Tanzanie (PURRINI, communication interne). Ces deux protozoaires n'ayant toutefois pas fait l'objet d'examens plus approfondis, il n'a pas été possible d'établir une comparaison des caractéristiques présentées par les spores. On peut néanmoins supposer que les agents pathogènes détectés au Costa Rica et en Tanzanie appartiennent à la même espèce que celui qui a été découvert au Togo.

C'est la première fois que la microsporidie était décelée sur P. truncatus au Togo. Afin de fournir une description plus précise de ce protozoaire, on en a mesure les spores, étudié le cycle évolutif et examiné l'histopathologie sur l'hôte. Une comparaison entre ces caractéristiques et celles d'autres espèces Nosema décrites dans la littérature spécialisée devait permettre d'établir si la microsporidie découverte était identique à une espèce déjà connue ou s'il s'agissait d'une espèce nouvelle. Les espèces N. whitei N. weiseri et N. oryzaephili ont été intégrées au processus de comparaison, de même que trois microsporidies isolées sur P. truncatus en Tanzanie. Ces trois microsporidies, qui ont été insuffisamment décrites par PURRINI (communication interne), ne constituent cependant pas de véritables espèces.

La comparaison a permis pour l'essentiel d'établir des différences au niveau du cycle évolutif des espèces Nosema. Alors que l'on a observé au cours de certains examens une division des sporontes en deux sporoblastes, MILNER (1972d) indique n'avoir pas enregistre chez N. whitei de division des sporontes. Chaque sporonte donnait ici immédiatement naissance à un sporoblaste, à partir duquel se formait ensuite la spore. LIPA (1968) a confirmé cette observation pour le cycle de N. weiseri. Cette différence majeure dans l'évolution des espèces N. whitei et N. weiseri par rapport au cycle décrit chez les espèces Nosema excluait toute possibilité d'identité avec l'une de ces deux espèces.

S'agissant de N. oryzaephili on notera que le cycle évolutif observé sur son hôte, O. surinamensis, présentait de fortes similitudes avec celui de la microsporidie qui nous intéresse (BURGES et al., 1971). Autres éléments concordants: le rapport nucléaire, ainsi que l'affinité pour le corps adipeux de l'hôte. Cette dernière propriété ne constitue pas une caractéristique spécifique du fait qu'elle représente un phénomène très courent chez les microsporidies.

Les microsporidies détectées par PURRINI (communication interne) sur P. truncatus en Tanzanie n'ont pas pu être intégrées à la comparaison des cycles évolutifs du fait que leur propre cycle n'avait fait l'objet d'aucune étude, d'où l'absence d'un élément de comparaison important. Eu égard aux fortes divergences dans les dimensions des spores chez deux des isolats provenant de Tanzanie, il est probable qu'il ne s'agit pas des mêmes que ceux découverts au Togo. Seul l'un des types de spores présentait de par ses dimensions de fortes analogies avec les spores togolaises. On ne peut par conséquent pas exclure que l'espèce Nosema togolaise soit identique à cet isolat de spores originaire de Tanzanie. Outre les microsporidies tanzaniennes, on a isolé au Costa Rica sur P. truncatus. un agent pathogène Nosema (PURRINI, communication interne). La comparaison n'était pas possible vu que ce protozoaire n'a pas été décrit avec précision. Nous constaterons pour terminer que la microsporidie qui nous occupe peut être rattachée au genre Nosema.

Au total, onze espèces de protozoaires ont été identifiées sur le ravageur du maïs P. truncatus (BURDE, 1988; LELIVELDT et al., 1988; LIPA & WOHLGEMUTH, 1986; PURRINI, communication interne; PURRINI & KEIL, 1989).

Parmi ces espèces, on trouve dans chaque pays où l'on a recherche sur le Grand Capucin du Maïs des agents pathogènes du moins une microsporidie et une néogrégarine. En l'absence de description précise, il n'est malheureusement pas possible d'établir des comparaisons. Il serait donc fort utile de procéder a posteriori à de tels examens sur les agents pathogènes isolés au Costa Rica et en Tanzanie afin de pouvoir éventuellement en déterminer l'identité.

Dans le but de cerner le spectre de leurs hôtes, on a inocule des spores de Nosema et de Mattesia à six espèces de coléoptères parasites du maïs, du sorgho et du manioc au Togo. Il s'agissait en l'occurrence de bastryches d'espèces voisines : R. dominica et D. bifoveolatus, ainsi que de C. dimidiatus, T. castaneum, P. subdepressus et S. zeamais. Les espèces de coléoptères testées se sont toutes avérées prédisposées envers l'espèce Nosema. Les essais réalisés avec la néogrégarine se sont soldes par des résultats similaires. A l'exception de T. castaneum, qui n'a pas été infecte par Mattesia 53., ce protozoaire a provoque une infection chez les cinq autres ravageurs des stocks. On peut par conséquent écarter pour les deux protozoaires l'hypothèse d'une spécificité parasitaire vis-à-vis de P. truncatus.

L'élargissement du spectre parasitaire, tel qu'il a été constaté au cours de la présente étude pour Nosema sp. et Mattesia sp., a déjà fait l'objet de diverses communications relatives à d'autres protozoaires entomopathogènes. On a ainsi observe que N. whitei infectait non seulement ses deux principaux hôtes, T. castaneum et T. confusum, mais également T. anaphe, T. destructor, T. brevicornis, T. madens et O. surinamensis (MILNER, 1973b). Outre son hôte primaire, O. surinamensis, N. oryzaephili a infeste cinq autres espèces de coléoptères' dont T. castaneum et trois espèces de teignes (BURGES et al., 1971). KHAN & SELMAN (1989) supposaient qu'un bon nombre des espèces Nosema déjà décrites possèdent un spectre d'hôtes beaucoup plus large qu'on ne le pensait jusqu'à présent.

On a par ailleurs établi la contagiosité te de quelques-unes des espèces Mattesia sur diverses espèces d'insectes. C'est ainsi que les recherches entreprises par la suite (BURKHOLDER & DICKE, 1964; HALL et al., 1971) ont permis de montrer que M. trogodermae, qui avait été isole à l'origine sur T. granarium, le dermeste des grains (CANNING, 1964), parasitait (gaiement six autres espèces Trogoderma, y compris T. glabrum. De la même façon, on a identifie dans le corps adipeux de deux teignes parasites des stocks, Ephestia kühniella (NAVILLE, 1930) et PIodia interpunctella (MUSGRAVE & MACKINNON, 1938), la néogrégarine M. dispora. Cette espèce a été de plus identifiée par FINLAYSON (1950) sur les cucujidés Laemophloeus minutus et L. ferrugineus.

4.2 Pathogénicité

La présence de Nosema sp. et de Mattesia sp. sur P. truncatus dans les différents pays où le ravageur s'est propagé nous a incites à nous pencher sur les effets pathogènes de ces deux protozoaires sur l'anobie. La contagiosité des agents pathogènes détectés du Togo sur P. truncatus fait donc dans la présente étude l'objet d'une analyse approfondie.

Les trois stades larvaires de P. truncatus témoignent d'une prédisposition plus ou moins marquée envers les protozoaires considérés. Alors que les stades L1 et L2 étaient infectes pratiquement dans tous les cas à 100 % par Nosema sp. et Mattesia sp., les taux d'infestation constatés sur L3 sont demeures minimes. Ces résultats permettent de conclure que la prédisposition des larves diminue avec d'âge. Les recherches menées par LELIVELDT (19901 sur Mattesia sp. ont confirme un tel comportement chez les larves de P. truncatus. La faible prédisposition observée chez les sujets L3 pourrait être due du fait que les sujets parvenus au stade de la nymphose restreignent considérablement leur alimentation et, de là, n'absorbent probablement des spores que parement.

Sur les L1 on a constate un ralentissement de l'évolution en présence d'une infection par Nosema pendant que le taux de mortalité des L2 également infestes par Nosema augmentait. Les L1 infectes par Mattesia sp. ont réagi par une mortalité élevée et présentaient par ailleurs une inhibition de le développement larvaire. Ce ralentissement du développement larvaire s'est également manifesté chez les L2 infestés par Mattesia sp. Ces résultats nous amènent à la conclusion que Nosema sp. et Mattesia sp. sont doues tous deux a effets pathogènes sur les deux premiers stades larvaires de l'anobie. On peut distinguer pour les deux agents pathogènes d'une part des effets mortels, d'autre part une action inhibitrice sur le développement des larves de P. truncatus Dans le cas de la néogrégarine, les deux effets ont été observes sur les L1. LELIVELDT (1990) a également note chez des L1 et L2 infectes par Mattesia une inhibition de le développement larvaire qui ne s'est pas manifestée chez les L3.

Il a été très difficile, dans le cadre de cette étude. de parvenir à une infection des adultes de P. truncatus par les deux protozoaires. La prédisposition moindre des imagos par rapport aux larves a été observée pour toute une série d'autres espèces de protozoaires entomopathogènes. On peut citer à ce propos aussi bien des néogrégarines comme M. trogodermae sur le ravageur T. glabrum (SCHWALBE et al., 1973), que des espèces Nosema notamment N. plodiae et N. heterosporum sur P. interpunctella (KELLEN & LINDEGREN, 1974), ainsi que N. whitei sur T. castaneum (MILNER, 1973a).

La divergence des résultats d'infection obtenus lors des essais que nous avons réalisés sur les adultes et les larves de l'anobie s'explique en partie par les conditions d'essai. Les larves du ravageur se trouvaient dans les verres à essai en contact direct avec une quantité de spores relativement importante du fait que les stades infectieux ont été appliques directement sur les individus. Lors de l'inoculation des adultes, au contraire, la poudre aux spores (tait repartie dans le grain qui servait de substrat. Le degré de probabilité d'une ingestion des spores par les larves était donc infiniment plus élevé que chez les adultes, ce qui explique que les larves ont été vraisemblablement plus nombreuses à s'infecter que les imagos.

En outre, l'infestation par les protozoaires observée de manière générale sur les anobies adultes est demeurée faible, alors que les larves présentaient dans tous les cas une très forte infestation par les agents pathogènes. Il est permis de supposer que l'absorption inégale de spores n'a provoqué chez les adultes qu'une infection limitée, alors qu'elle s'est manifestée chez les larves par une infestation plus accentuée au niveau individuel, ce qui expliquerait également que le taux de mortalité était plus élevé chez les larves que chez les adultes.

Les femelles de P. truncatus atteintes d'une infection par Mattesia sp. ont pondu nettement moins d'oeufs que les femelles saines. On a constaté chez les femelles infectées un recul de la fécondité, qui tendit à un écourtement de la longévité des mâles et femelles infectés par Mattesia, La maladie avait chez les femelles une plus grande influence sur la ponte que chez les mâles infectes par Mattesia. Comme cause générale à l'origine de cet effet, on peut indiquer ici la propagation du micro-organisme dans les tissus de l'hôte, laquelle entraîne à plus ou moins bref délai une colonisation des organes reproducteurs, de sorte que la reproduction des sujets malades peut être inhibée, voire à la fin totalement paralysée. Certains rapports font également état d'une diminution de fécondité chez des femelles de T, castaneum infectées par N. whitei (MILNER, 1972b), de même que chez Listronotus bonariensis en présence d'une infection par Microsporidium itiiti (MALONE, 1987). Dans le cas du dernier ravageur cité, les effets pathogènes ont été attribués à une diminution de la ponte active (MALONE, 1987).

La longévité des imagos de P. truncatus fortement infestes par Mattesia, était de 20 jours post infectionem. Les coléoptères survivants présentaient un gonflement très net de l'abdomen. Ce symptôme limitait fortement leur mobilité, et leur comportement indiquait qu'ils étaient déjà moribonds. L'examen ultérieur de ces insectes a révélé une colonisation dense des tissus abdominaux par l'agent pathogène. C'est probablement la multiplication massive des Mattesia sp. qui a été à l'origine de la mort précoce des coléoptères SCHWALBE et al,. (1973) expliquent une mort aussi précoce des organismes hôtes par le fait que les schizogrégarines (appelées également néogrégarines) possèdent la faculté de passer, dans le corps de l'animal hôte, par deux cycles reproductifs asexués, la schizogonie dite micronucléaire et celle dite macronucléaire. Ces différents cycles ont été mis en évidence et décrits avec une grande clarté par LELIVELDT (1990) au sujet de l'espèce Mattesia, sur P. truncatus

Concernant l'apparition de symptômes dus à une infection de protozoaires sur des insectes, il faut noter que l'infection ne semble se manifester que très rarement. Les modifications de caractéristiques décrites au sujet des adultes de P. truncatus de même que les changements morphologiques constates par MILNER (1972b) cher des papes de T. castaneum infectées par Nosema peuvent être considérées comme des exceptions. MILNER (1972b) a observé dans des cas isolés une déformation du corps, ainsi qu'un retard dans le développement des ailes et des membres chez les pupes du ravageur. Des déformations similaires sont apparues au cours de nos propres recherches sur certaines pupes de P. truncatus Des symptômes n'apparaissent toutefois que très rarement, ce qui s'explique vraisemblablement par le fait que dans bien des cas les protozoaires provoquent chez l'insecte une infection chronique (ARBDGAST, 1984; KHAN & SELMAN, 1989; MERCER & WIGLEY, 1987; WEISER & NOVOTNY, 1987). Etant donne la faiblesse de l'infection chez l'animal hôte, il est fréquent que l'on ne décèle aucun symptôme extérieur

La croissance des populations de P. truncatus infestées naturellement et celle des sujets sains ont été inhibées par le traitement à la préparation mixte aux spores, composée de spores de Nosema et de spores de Mattesia. On a assiste, au sein de la deuxième génération filiale, mais plus nettement encore au sein de la troisième, à un recul des imagos survivants. Le taux de mortalité, en général significativement plus élevé chez les adultes traites que chez les animaux non traités, a pu être attribué à le maladie causée par les protozoaires, puisque aussi bien 60 à 80 % des animaux morts étaient infestes LELIVELDT (1990) a observe au sein de la première génération filiale de P. truncatus parasites par Mattesia une mortalité élevée. Se référent du taux d'infection élevé chez les adultes morts dont s'accompagnait ce phénomène, elle en a conclu de même aux effets mortels du protozoaire.

Les résultats exposés ici montrent clairement que l'efficacité des pathogènes était subordonnée à la densité de population de l'animal hôte. Le développement d'une population d'hôtes extrêmement dense, auquel on assiste par, exemple lorsque l'insecte se reproduit dans un espace vital limite (en l'occurrence le conteneur à essais), se traduit par un contact plus intense entre les hôtes infectes et non infectes et les spores virulentes, ce qui augmente la probabilité a 'infection (FUXA, 1987). Ce phénomène de dépendance de la densité est plus accentué chez les agents pathogènes à transmission horizontale que chez ceux à transmission verticale (ANDREADIS, 1987).

Pour ce qui est de la transmission d'un hôte à l'autre, il est important de noter qu'en plus de la transmission par décomposition de cadavres d'insectes chez certaines microsporidies infestant l'intestin de l'hôte, des spores ont été également décelées dans les matières fécales (FOX & WEISER, 1959; ISHIHARA 6 FUJIWARA, 1965; LIPA, 1974; POINAR a THOMAS, 1978; WEISER, 1961). On a donc été amené à examiner le question de l'évacuation éventuelle, dans les excréments de P. truncatus infectes' de spores de Nosema et de Mattesia.

S'agissant de la microsporidie, les matières fécales des coléoptères infectes n'ont pas révélé la présence de spores. Du fait que Nosema sp., comme on l'a constaté dans la présente étude, infecte prioritairement le corps adipeux de son hôte, il est tout à fait improbable qu'il y ait évacuation de spores par l'intestin. Le phénomène n'a d'ailleurs pas été observé ici.

L'espèce Mattesia fait partie des néogrégarines et infecte à ce titre elle aussi le corps adipeux de l'animal hôte (WEISER, 1961). Il s'ensuit logiquement que les spores de cette espèce ne sont pas non plus évacuées avec les matières fécales. En cas d'infestation très avancée, cependant, comme celle qui affectait ici les animaux expérimentaux, l'intestin peut également être atteint. Ceci explique que si l'on a effectivement décelé des spores de Mattesia, dans les matières fécales de certains animaux, la présence de ces spores peut être considérée comme négligeable en raison de leur faible quantité. On peut donc affirmer dans l'ensemble que la contagion par des excréments contenant des spores ne s'est avérée significative ni chez Nosema sp., ni chez Mattesia sp.

L'essai effectué sur des couples de P. truncatus isoles a permis d'exclure l'hypothèse d'une contamination transovarienne de la descendance par les parents, puisque aussi bien aucun des L1 fraîchement éclos ne présentait d'infection. Une série d'essais, dans lesquels Mattesia sp. a permis d'obtenir sur P. truncatus un degré d'infection plus élevé qu'avec Nosema sp., et cela malgré une densité de spores inférieure dans la préparation utilisée attestait pourtant l'extraordinaire faculté de propagation de la néogrégarine.

L'espèce Nosema en revanche, est fondamentalement capable de se transmettre par contagion transovarienne. La littérature spécialisée nous enseigne en effet que certaines espèces de microsporidies possèdent cette faculté (KHAN à SELMAN, 1989; WEISER, 1961). Dans la mesure ou l'infection par Nosema était très élevée dans tous les essais réalisés en conteneur sur le ravageur P. truncatus on peut en déduire que la microsporidie était elle aussi en mesure de se propager assez fortement au sein de la population de l'hôte. Notons toutefois que l'application combinée de spores des deux protozoaires s'est soldée au cours de la plupart des essais par un taux d'infection supérieur du à Mattesia la sp. par rapport à Nosema sp. On ne peut donc pas exclure qu'il y ait eu dans les verres à essai un phénomène de concurrence entre les deux agents pathogènes.

Pour résumer le complexe de la pathogénicité des protozoaires concernes, on peut dire que les deux espèces ont 'ait la preuve de leur efficacité contre les premier et second stades larvaires de P. truncatus Les agents pathogènes n'ont eu en revanche que des effets limites sur les imagos Toutefois, dans les cas d'infection réussie, les femelles du ravageur ont réagi par une fécondité nettement diminuée, consécutive à l'abrègement de leur longévité. Une comparaison entre les deux espèces de protozoaires du point de vue de leur propagation au sein de la population de l'hôte a révélé que la néogrégarine était en général davantage en mesure de coloniser les populations de P. truncatus. Il semble qu'il existe en l'occurrence certains rapports de concurrence entre Mattesia sp. et Nosema sp.

4.3 Application pratique

Nous allons examiner dans la suite les possibilités de mise en oeuvre pratique des protozoaires dans les entrepôts de stockage Le problème de le conservation des spores constitue à ce niveau un point essentiel (tant donne que les stades virulents de l'agent pathogènes, qui servirent ultérieurement à la fabrication de la préparation biologique doivent, entre autres propriétés, être conservables.

Dans le cadre de nos propres essais, les spores de Nosema et de Mattesia avaient perdu toute capacité infectieuse sur les larves de P. truncatus au bout de 8 mois de stockage à l'état congelé. On a néanmoins obtenu à partir de spores des deux protozoaires âgées de 3 à 9 mois des taux d'infection relativement élevés sur les larves de l'anobie, les spores ayant été ici conservées dans des cadavres d'animaux à des températures voisines de 28 ºC. Le stockage dans des cadavres d'insectes à des températures ambiantes assez élevées s'est donc révélé une forme de stockage plus fiable que la conservation de la préparation aux spores à l'état congelé.

WEISER (1961) a également constaté les effets négatifs lies à la congélation de spores de protozoaires. KRAMER (1970) supposait que les spores de certaines espèces demeuraient viables une ou plusieurs années lorsqu'elles étaient conservées à température ambiante dans des matières fécales ou dans des cadavres d'animaux. Du point de vue de l'application pratique, les résultats des recherches sur la conservation des spores montrent que le matériel à inoculer pourrait être stocké sans aucune difficulté par les paysans togolais, vu que les conditions climatiques régnant dans le sud du Togo, autrement dit la zone potentielle de mise en oeuvre de la préparation aux spores, peuvent être considérées comme idéales pour le stockage des spores.

Autre aspect examiné en vue de l'utilisation concrète de spores de protozoaires était la réaction du Grand Capucin du Maïs, P. truncatus vis-à-vis de l' "Actellic", un insecticide couramment employé dans la protection des stocks, lorsque ce produit est applique en combinaison avec des spores. A la suite d'un emploi combine de spores et de la matière active "pirimiphos-méthyle", on a observé une évolution plus favorable de la population de l'anobie c'est-3-dire une progression du nombre des individus - que dans le cas de traitements mettant en oeuvre l'insecticide seul à des concentrations de matière active équivalentes. Dans la mesure où les effets insecticides sur le ravageur ont été de toute évidence moindres dans les variantes combinées, et cela malgré une quantité égale de matière active, il se pourrait qu'il y ait eu antagonisme entre l'insecticide et les spores de protozoaires. Cette hypothèse a été renforcée par l'observation selon laquelle l'application des seules spores a provoqué au sein de la population de l'hôte des taux d'infection plus élevés que ceux obtenus au moyen des variantes combinées.

Sur la base de données quantitatives, KHAN et SELMAN (1988) ont effectue une recherche similaire sur 7. castaneum avec des spores de N. whitei et du pirimiphos-méthyle. Le recul de la mortalité des adultes constaté en l'occurrence résultait des traitements suivants :

Agent pathogène > insecticide > insecticide + agent pathogène > témoin (KHAN & SELMAN,1988).

A l'instar de ce qu'ont révélé nos propres résultats, les diverses préparations simples ont eu sur le ravageur des stocks des effets plus probants que l'application combinée de spores et de pirimiphos-méthyle.

La littérature spécialisée fait cependant état de recherches au cours desquelles on a pu observer une efficacité renforcée des insecticides sur les ravageurs lorsque ceux-ci (talent infestes par des protozoaires. Voulant étudier plus en détail l'influence du protozoaire M grandis sur la toxicité des insecticides utilises contre A. grandis, l'anthonome du cotonnier, BELL et McLAUGHLIN (1970) ont démontré que les effets des insecticides étaient non seulement plus intenses, mais également plus durables sur des coléoptères infestés. L'essai faisait intervenir du malathion, de l'azinphosméthyle, du DDT et du carbaryl (BELL et McLAUGHLIN, 1970). La recherche de RABINORA et al,. (1988) traitait de l'influence sur la toxicité du malathion, du chlorpyriphos et des pyréthroïdes synthétiques "Fenvalerat'" et "Cypermethrin", d'une infection de larves de T. castaneum par Farinocystis tribolii. L'infection par le protozoaire a effectivement augmenté la sensibilité des larves aux quatre insecticides mentionnés (RABINDRA et al, 1988). .

A l'inverse, LUBLINKHOF et al. (1979), testant du carbaryl et du carbofuran en association avec des spores de N. pyrausta sur des larves de l'anobie européenne O. nubilalis, sont parvenus à la conclusion que les deux composants agissaient à la fois indépendamment l'un de I'autre et de manière additionnelle sur la population de larves. MUSSGNUG & HENRY (1979) font également état d'effets additionnels, observes lors de traitements combines au malathion associe à des spores de N. locustae contre le criquet migrateur M. sanguinipes. La mise en oeuvre de microsporidies associées à du dimethoat n'a pas permis d'observer d'élévation de la mortalité chez des nymphes du criquet (MORRIS, 1985).

S'agissant de la stabilité des insecticides dans les champs, COUCH et IGNOFFO (1981) ont constate que le rayonnement solaire constituait vraisemblablement un facteur important du fait qu'il amoindrit la persistance de certains agents pathogènes microbiens. Des stades infectieux de virus, de bactéries et de champignons ont été exposes à une gemme d'ondes déterminée du rayonnement ultraviolet (IGNOFFO et al., 1977). B. thuringiensis a réagi de façon très sensible à ce traitement en réduisant fortement l'activité de ses spores. Ce sont toutefois les virus entomopathogènes qui présentaient la plus haute sensibilité aux ultraviolets.

Au cours des essais menés par nous dans des conditions proches de la réalité, la préparation aux spores a été appliquée dans des greniers à mais. Ces greniers étant recouverts d'une toiture spéciale, on pouvait postuler qu'ils offraient aux spores une protection suffisante contre les rayonnements ultraviolets.

D'une manière générale, COUCH et IGNOFFO (1981) situent l'écart de température maximal pour la survie des spores de protozoaires entre 10 et 50°C. Etant donné que les températures relevées dans les greniers expérimentaux, qui étaient de conception pratiquement identique à ceux des paysans, se situaient a l'intérieur de cet écart, on peut partir du principe que les spores appliquées dans le grenier à mais avaient survécu sans perdre de leur pathogénicité.

Dans le cadre de la lutte contre le Grand Capucin du Mais par l'emploi de spores de protozoaires dans les greniers est apparu un problème fondamental. La préparation aux spores a été appliquée sur les spathes des épis de maïs. Les P. truncatus adultes parviennent toutefois à percer assez rapidement les spathes et à pénétrer dans l'épi, ou ils séjournent jusqu'à ce que la nourriture commence à manquer. Ce comportement rend plus improbable l'absorption des spores de protozoaires, qui n'ont été appliquées qu'extérieurement. En confirmation de cette thèse, les essais menés dans des conditions proches de la réalité ont permis de constater des taux d'infection très faibles sur les coléoptères.

A l'inverse des essais en conteneur, pour lesquels on avait utilisé comme substrat nutritif des grains de mais en vrac, les ravageurs vivant dans le grenier à mais ont pu en général éviter plus facilement le contact des spores du fait que leur nourriture était renfermée dans l'épi et, de la, très éloignée de la poudre aux spores. De plus, la densité des populations de l'anobie qui se sont développées dans les greniers est demeurée à proportion faible, alors que l'on a observé régulièrement en conteneur une très forte densité des populations d'animaux hôtes. Les conditions de propagation des protozoaires étaient donc beaucoup plus favorables sur les populations de ravageurs élevées en conteneur que sur celles rencontrées dans les greniers a mais, ce qui a d'ailleurs été confirmé par les taux d infection élevés constates chez les individus.

Il est nécessaire de réfléchir à une meilleure technique d'application qui permettrait d'optimiser l'absorption dans les greniers à maïs des spores de protozoaires par l'organisme cible P. truncatus. La littérature spécialisée nous fournit des exemples qui montrent de quelle manière on peut renforcer l'infection d'un ravageur par des protozoaires. C'est ainsi que McLAUGHLIN (1967) a présenté un système d'appâts destine à la lutte contre A. grandis, l'anthonome du cotonnier. Dans le cadre d'essais réalisés sur le terrain, dans des cages, on a teste sur le coléoptère un stimulateur d'ingestion, associe à des spores de M. grandis On a pu démontrer en l'occurrence que ce traitement permettait de réduire la population du ravageur du coton.

Le succès obtenu à la suite de l'application de tels appâts alimentaires a toutefois été relativisé par SHAPAS et al (1977). S'il s'agit-là en effet d'un moyen d'appliquer directement des agents pathogènes, cette méthode constitue néanmoins une mesure peu spécifique. Il faudrait par ailleurs que l'appât soit conçu de manière à être plus attrayant encore que le produit Stocké, ce qui est considéré comme assez improbable. A la suite de ces réflexions, on a propose pour améliorer la propagation des agents pathogènes la mise en oeuvre d'appâts aux phéromones.

Au cours de leurs recherches, SHAPAS et al,. (1977) ont employé une phéromone sexuelle femelle de T. glabrum contaminée par des spores de M. trogodermae. Apres contamination des mâles attirés, les spores ont été transmises aux femelles lors de copulations ultérieures, ces me es femelles ayant ensuite infecte leur descendance. Forts des résultats obtenus, les chercheurs ont alors décidé d'utiliser des appâts à phéromones de ce type contre les nuisibles forestiers ou d'autres insectes nuisibles attaquant les plantes cultivées dont la période de végétation dure plus d'un an. Chez ces populations de ravageurs, les maladies présentent fréquemment un caractère épizootique offrant des conditions idéales pour la mise en oeuvre d'agents pathogènes.

Il est certain que ces systèmes d'appâts présentent également un intérêt réel pour la lutte contre le Grand Capucin du Maïs, une constatation que vient d'ailleurs confirmer un autre facteur. L'efficacité des protozoaires était principalement fonction de la concentration des spores dans la préparation. Pour traiter un grenier expérimental contenant 30 kg de maïs stocke, il avait fallu réduire en poudre quelque 60 000 coléoptères

Ainsi qu'en témoignaient les résultats, la concentration de spores existant dans la préparation, qui était de 109 pour les spores de Nosema et de 107 pour les spores de Mattesia, s'est avérée insuffisante pour provoquer des effets pathogènes au sein des populations de ravageurs. Si la quantité de spores mises en évidence au cours de cette étude dans des produits résiduels moulus provenant d'une saison de stockage a donne une importante concentration de spores dans la poudre préparée, la quantité de poudre obtenue serait toutefois loin d'être suffisante pour permettre de réaliser un traitement de la même ampleur que celui mentionné plus haut.

De manière à augmenter la densité des spores dans la préparation, on pourrait recourir à une multiplication massive des protozoaires (IGNOFFO & HINK, 1971). Cependant, vu que les deux agents pathogènes sont des parasites obligatoires dépendant des cellules vivantes de l'hôte (WEISER, 1961), la seule possibilité consisterait ici à pratiquer un élevage massif de l'hôte, c savoir P. truncatus, ou encore d'un animal hôte plus grand et offrant par conséquent un meilleur rendement. En raison des coûts considérables liés à un tel élevage la multiplication massive des protozoaires entomopathogènes demeure exclue dans la plupart des cas. La seule alternative réaliste reste donc la technique des appâts aux phéromones, dont le développement et la mise en oeuvre dans la lutte contre le Grand Capucin du Maïs permettraient d'exploiter utilement les résultats de recherche exposés ici.

La présente étude aura finalement permis d'établir que les deux agents pathogènes microbiens n'étaient visiblement pas en mesure d'infester le prédateur T. nigrescens, un antagoniste naturel de l'anobie, que l'on a entre-temps lâché au Togo. Eu égard au concept de la lutte intégrée contre P. truncatus, la mise en oeuvre concrète des spores de protozoaires continue donc de présenter un intérêt certain.


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