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Dans la zone visitée, le problème des rongeurs préoccupe à tel point les paysans qu'ils semblent ignorer ou mésestimer les pertes dues aux insectes, en l'absence de tout produit de préservation. Le grenier traditionnel en matériaux végétaux est en effet d'un accès très facile pour les rongeurs qui y trouvent souvent refuge et y font leurs nids.
Malgré quelques tentatives, les paysans n'ont pas encore trouvé la solution qui réglerait leur problème. Pourtant, le Bountoung étant un grenier très surélevé (plate-forme à 1,50 m de haut), il est relativement facile d'y adapter un système de protection contre les rongeurs (rat-guard) (cf. figures E.3 et E.4) à mi-hauteur, sur chacun des poteaux de support. Cela empêcherait les rongeurs d'avoir accès aux produits stockés dans le grenier.
Figure E.3: Système de protection contre les rongeurs disposé sur chaque poteau de support.
Figure E.4: La pose du système de protection des greniers contre les rongeurs.
Durement touché par la sécheresse depuis de nombreuses années, le Mali connaît de forts courants migratoires tant vers la capitale et les villes de l'intérieur que vers les pays côtiers du sud ainsi que vers l'Europe. Dans certaines régions, celle de Kayes en particulier, cette émigration atteint jusqu'à 40 à 50% des hommes adultes de la population rurale. Un tel exode se répercute inévitablement sur l'économie de ces zones essentiellement agricoles.
Le mil et le sorgho, céréales traditionnelles auxquelles s'ajoute le fonio, constituent la base de l'alimentation. Sur un total de 1 150 000 t environ en 1983-84, 90% de leur production proviennent des régions de Koulikoro, de Ségou, de Mopti et de Sikasso.
Le riz et le mais sont les deux autres produits vivriers. Le riz est cultivé dans la vallée du fleuve Niger, essentiellement dans les régions de Ségou et de Mopti, qui fournissent environ 80% de la production. Quant au mais, il est cultivé principalement dans la région de Sikasso, au sud, qui est aussi une grande zone cotonnière, encadrée par la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT).
Compte tenu de l'étendue du territoire et du temps disponible, le projet n'a pu visiter que la partie sud-est du pays, où vivent principalement les ethnies Dogon, Bo (Bwa) et Minianka. Il s'agit des cercles de Mopti, de Tominian, de San et de Koutiala.
1.1 Récolte et séchage
1.1.1 Pays Dogon
Le pays Dogon n'est pas une zone au relief uniforme, mais comprend trois parties distinctes: la plaine, la falaise et le plateau, où les techniques post-récolte varient sensiblement.
Les nombreuses denrées cultivées par les paysans: fonio, pois de terre, arachide, oseille ou dã, haricot et mil, arrivent à maturité presque à la même époque. Aussi, bien que le mil puisse être coupé dès la mi-octobre, sa récolte est retardée jusqu'à la mi-décembre. En effet, le fonio, une fois séché, s'égrène facilement, entraînant des pertes considérables. C'est pourquoi il doit être récolté le premier, ce qu'exprime à sa manière un proverbe dogon: "Quand le fonio arrive à maturité, la daba est terminée", autrement dit, il faut suspendre tous les travaux agricoles pour récolter le fonio.
Le fonio est fauché dès la maturité, mis en tas, les épis étant dirigés vers le haut. Le battage est réalisé dès le lendemain et fait l'objet d'une cérémonie où la première récolte est consommée, le soir, dans le souvenir des ancêtres: c'est le nya kanda ou nouvelle récolte. Sur la falaise, le battage des épis, disposés face a face sur un rocher, est effectué à l'aide de fléaux en bois. Dans la plaine, en revanche, le battage est fait sur une aire simplement balayée.
Malgré cette récolte précoce, des pertes sensibles par égrenage, évaluées à 5% par les villageois, sont à déplorer. Les termites et les fourmis causent également des pertes non négligeables lors du séchage sur pied.
Le mil est récolté après tous les autres produits. Les six semaines d'attente qui précèdent entraînent des pertes causées principalement par les oiseaux et les animaux sauvages. On commence par coucher les tiges de mil à la pioche. Suivant la taille du champ, cette opération peut durer trois à sept jours. Les épis sont ensuite coupés à l'aide d'un petit couteau spécial, semblable à celui qu'utilisent les Haoussa du Niger, et: mis en petits tas. Ces tas seront regroupés en une grosse meule que l'on entourera de branches d'épineux pour la protéger des animaux d'élevage.
Selon que le village est situé dans la plaine ou sur la falaise, la récolte, dans le premier cas, est transportée par les femmes en épis au village où les hommes la mettent dans le grenier; dans le second cas, elle est transportée en grains sur la falaise, à dos d'âne, les épis ayant été battus au préalable dans la plaine.
Cultivé en association avec le mil, le niébé, après un séchage sur pied de un à deux mois, est récolté en décembre gousse par gousse par les femmes, tandis que les hommes coupent le mil. Lorsque la récolte est importante, c'est-à-dire de l'ordre de plus de 100 kg de grain, le battage est fait au champ, à l'aide d'un fléau, avant le transport. En revanche, lorsqu'il s'agit de petites quantités, on transporte toutes les gousses au village où l'égrenage est fait au mortier.
1.1.2 Pays Bo (Bwa) ou Bobo
Aussitôt après la coupe du mil et du sorgho, les paysans mettent à part les épis les meilleurs en vue de garder leurs semences. Le reste de la récolte est mis en tas et regroupé dans le champ pour le transport. Autrefois, on laissait ainsi la récolte pendant deux à quatre semaines avant de la rentrer. Nais, à cause des risques accrus de vols et de dégâts pouvant être causés par les animaux d'élevage, les paysans transportent maintenant les épis au village aussitôt après la moisson.
1.1.3 Pays Minianka
Le pays Minianka fait partie des zones encadrées par la CMDT pour la culture cotonnière. Outre cette culture de rente, les principales productions vivrières sont le sorgho et le mais qui bénéficient parfois des fertilisations destinées avant tout au coton. On y cultive aussi du mil et du niébé.
Tous les membres de la famille participent à la récolte du sorgho. Les enfants couchent les tiges sur le sol, les hommes coupent: les épis et les entassent sous les arbres, les vieillards les mettent: en bottes et les femmes les transportent au village. L'essentiel du séchage ayant déjà eu lieu sur pied au cours des deux ou trois semaines précédant la récolte, les épis peuvent être directement stockés dans les greniers.
1.2 Stockage
1.2.1 Pays Dogon
1.2.1.1 Types de greniers
Chez les Dogon de la falaise, la récolte principale de mil est stockée en grain dans le Gwa-ala, c'est-à-dire le "grenier mâle". Ce dernier est toujours divisé en quatre compartiments pour permettre la conservation de différents produits, mais aussi pour diminuer la pression latérale du grain sur les parois. A entendre les explications des villageois, on comprend que le Gwa-ala, qui est construit de père en fils, toujours suivant les mêmes dimensions, est celui qui contient les objets fétiches de la famille. C'est pour cela sans doute que son accès est interdit aux femmes et aux enfants non circoncis.
Dans la plaine, en revanche, où l'opération de transport des récoltes est moins pénible, le mil est stocké en épis dans un grenier non compartimenté, appelé Gwe-ana. Comme le Gwa-ala, ce dernier contient le stock commun destiné à la consommation familiale.
Il existe aussi des greniers individuels: le Gwa-în, grenier particulier des femmes, et le Gwa-ya, grenier des hommes, où l'on conserve surtout le fonio, les légumineuses et autres denrées secondaires.
1.2.1.2 Techniques de construction
Normalement, dans chaque famille Dogon, un des membres est capable de construire les greniers selon la tradition. La plate-forme carrée, faite de poutres et de poutrelles en bois, repose sur des pierres empilées servant de supports. Elle soutient le corps du grenier qui, sur la falaise, est bâti de la façon suivante: la partie inférieure des murs, jusqu'à hauteur de l'ouverture, est constituée de couches de petites pierres taillées, unies par un mortier de banco fermenté. La construction de cette première partie, dont l'épaisseur est de 5 à ó cm, dure deux à cinq jours. Les reste des murs, d'une épaisseur de 3 à 4 cm et d'une hauteur moyenne de 1 m, est monté en couches de mottes de banco mélangé à de la paille de fonio et se termine en forme de coupole. La construction de cette dernière partie, beaucoup plus longue à effectuer, nécessite un mois en moyenne, à raison de deux couches de banco par jour. Les villageois estiment que, ainsi construit, le grenier peut avoir une longévité allant jusqu'à 100 ans. Il est protégé par un toit fait de paille provenant d'une plante appelée dodjou que l'on trouve tant dans la plaine que sur le plateau. Cependant, face à la raréfaction de cette plante que les animaux apprécient comme fourrage, les cultivateurs évitent de l'éliminer des champs lors des sarclages.
En revanche, dans la plaine comme sur le plateau, le grenier est bâti uniquement en mottes de banco et la structure, qui comporte deux ou trois ouvertures latérales au lieu d'une, se termine par une terrasse. De nos jours, on voit apparaître des greniers faits non plus en mottes, mais en briques de banco, moins durables.
1.2.1.3 Techniques de conservation
Sur la falaise, le mil stocké en grain est entreposé par couches, alternativement avec de la cendre. Pour demeurer compact, ce mélange sera tassé par piétinement:, après chaque prélèvement, au moins une fois par semaine. Ainsi stocké, le mi] peut rester deux ans sans infestations visibles d'insectes.
Dans la plaine et sur le plateau, le mil est stocké en épis sans addition d'ingrédients.
Quel que soit le mode de stockage utilisé, les plus beaux épis de mil sont triés dès la récolte et mis à part, sans être battus, en vue de la semence.
Même si les rongeurs arrivent parfois à pénétrer à l'intérieur des greniers, un colmatage rapide de leurs trous permet de limiter les dégâts. Ce sont plutôt les termites qui causent beaucoup de soucis aux villageois et, selon eux, s'il y avait une amélioration technique à faire, elle devrait porter avant tout sur la plate-forme du grenier.
Quant aux légumineuses, niébé et voandzou, elles sont stockées en graines mélangées avec du sable. Grâce à cette méthode, les pertes sont très faibles, disent encore les paysans.
1.2.2 Pays Bo (Bwa) ou Bobo
1.2.2.1 Techniques de construction
Chez les Bwa, ou Bobo du Mali, les céréales sont conservées en épis dans les greniers extérieurs, appelés Nanou, et en grain dans les petits greniers intérieurs, appelés Daboro ou Nazo.
Le Nanou, ou grenier collectif extérieur, qui a une forme trapézoïdale (cf. figure F.1), est installé sur une plate-forme faite de branchages, comme le grenier Dogon. Cette plate-forme est soutenue par six ou neuf grosses pierres. Le corps du grenier, d'une capacité moyenne de 10 m3, est monté en mortes de banco disposées en couches, qui s'imbriquent les unes dans les autres.
La toiture recouvrant le grenier, qui est faite aujourd'hui d'une paille moins solide, ne résiste pas plus de trois ans alors qu'autrefois, avec la paille d'une graminée appelée hera, elle pouvait durer jusqu'à six ans. Cette dernière contrainte explique l'apparition croissante de terrasses en banco ou même, dans certains cas, de toitures en tôle ondulée (cf. figure F.2).
Des entretoises de bois, reliant les parois contiguës, assurent une plus grande rigidité à la structure tout en servant de points d'appui pour fixer la toiture.
Le grenier est toujours pourvu d'une ouverture carrée (50 x 50 cm), placée du côté opposé aux vents dominants, à 1,50 m environ du sol.
Le Daboro, ou petit grenier intérieur, qui a la forme d'une grande jarre ou d'un canari, a une capacité moyenne de 100 kg de grain. Il sert à stocker les semences et les graines de légumineuses ou de fonio.
1.2.2.2 Techniques de conservation
Selon les villageois interrogés, le sorgho stocké en épis peut être conservé en bon état pendant plusieurs années, même dix ans, disent certains.
En revanche, le mi] en épis ne peut être conservé plus d'un an sous peine de dégâts sérieux occasionnés par les insectes. De l'avis des paysans, le niébé, stocké en mélange avec de la cendre froide ou du sable tamisé dans une structure étanche (canari scellé, par exemple), pourra se conserver plusieurs années sans être attaqué par les insectes.
Cependant, on peut observer dès le mois d'avril, soit au bout de cinq mois de stockage, la présence d'insectes sur le mil. Quant- au niébé, il est infesté au champ même.
La présence des rongeurs dans les greniers est quasi permanente, mais les paysans n'arrivent pas à avoir une idée précise des dégâts ainsi occasionnés.
Outre la cendre et le sable utilisés pour la conservation des légumineuses, les paysana recouraient à certaines plantes locales, notamment Hyptis spicigera, appelé Zampo, dont- les feuilles brûlées dans le grenier, ou pilées et mélangées au stock, servaient à éloigner les insectes. Cette dernière pratique tend à disparaître, au profit- de l'utilisation des pesticides chimiques. Ainsi, dans les zones encadrées par la CMDT, c'est surtout le Lindane à 1% en poudre qui est employé. Cet- insecticide, du type organochloré, est- fabriqué par le Service de la protection des végétaux et distribué par la CMDT.
Un autre produit pesticide, le Sijolan, normalement destiné à la protection des semences, ainsi que d'autres poudres insecticides (HCH, etc.), disponibles sur les marchés locaux, sont également employés dans les greniers.
1.2.3 Pays Minianka
La récolte laissée au champ étant de plus en plus fréquemment soumise à des vols, les agriculteurs se hâtent- de la transporter au village pour la stocker en greniers. Il faut- dire que cette opération est facilitée aujourd'hui par l'utilisation croissante des charrettes attelées.
1.2.3.1 Techniques de construction
Le grenier Minianka, appelé Ngou, de forme cylindrique et d'une hauteur moyenne de 1,75 à 2 m, a une capacité d'environ 8 m3 (cf. figure F.4). Il sert au stockage de la récolte principale de sorgho, de mil ou de mais, toujours conservée en épis. Ce grenier est constitué d'une plate-forme circulaire, faite de branchages et reposant sur des pierres (15 cm de diamètre), disposées en forme de cercle. Autrefois, une couche de paille d'une plante répulsive pour les insectes était installée sur la plate-forme. Cette plante, appelée Niampémé est maintenant introuvable.
La paroi en banco est faite de mottes d'argile mélangée à de la paille. L'ouverture, de forme carrée (40 x 40 cm), est placée à 150 cm du sol environ, toujours du côté opposé à celui d'où viennent les pluies.
Le grenier est recouvert d'un toit conique en paille, qui peut durer cinq à six ans quand il s'agit de paille d'Andropogon giganteus, appelé Waagni chez les Minianka. Malheureusement, cette graminée se raréfie elle aussi et est souvent remplacée par des plantes de moindre qualité, voire même par des tôles.
Un grenier traditionnel en mottes de banco, bien construit, peut durer dix à 15 ans selon les villageois. Mais, de plus en plus, on voit apparaître des greniers en briques de banco, beaucoup moins solides.
1.2.3.2 Techniques de conservation
Selon les paysans, le sorgho stocké en épis et non traité peut se conserver jusqu'à un an sans infestation visible d'insectes. Aussi disent-ils que les dégâts sont minimes, et qu'il faut bien observer les épis pour s'en rendre compte: sans traitement, les pertes dues aux insectes seraient de 5% pour un an de conservation, alors qu'avec un traitement d'insecticides chimiques, elles ne seraient que de 1 à 1,5%. Les deux principales espèces d'insectes identifiées sur le sorgho ont été Rhizopertha dominica et Corcyra cephalonica.
En revanche, sur le mais stocké en épis, l'infestation est déjà grave au cours de l'hivernage (sept à huit mois de conservation). Quant au niébé, même mélangé avec de la cendre, à laquelle on ajoute parfois une poudre insecticide chimique, il ne peut être conservé en bon état plus de cinq mois.
Différents insecticides chimiques en poudre, achetés auprès des Services d'encadrement ou bien sur les marchés locaux, sont utilisés pour la protection des denrées stockées. On citera entre autres le Lindane à 1%, produit organochloré distribué aux producteurs dans les zones encadrées par la CMDT.
Il faut noter que l'introduction récente, dans ces mêmes zones, d'une vingtaine de batteuses (Bamba) motorisées, pour le mil et- le sorgho, même si elles dispensent les femmes du battage au pilon qui est quotidien, risque de provoquer une modification sensible dans le mode de stockage des céréales.
Enfin, la présence des rongeurs, des souris principalement, qui estfréquente à l'intérieur des greniers, semble naturelle aux yeux des paysans.
2.1 Récolte et séchage
Qu'il s'agisse des Dogon, des Bwa ou des Minianka, la récolte du mil et du sorgho est toujours effectuée après celle des autres productions: fonio, pois de terre, arachide, haricot, oseille, auxquelles s'ajoute le coton chez les Minianka. L'essentiel du séchage du mil et: du sorgho est fait sur pied et dure quatre à six semaines après maturité des grains.
Autrefois, après la coupe, les épis pouvaient rester plusieurs semaines dans le champ, protégés simplement par des branches d'épineux. De nos jours, la récolte est- presque partout transportée aussitôt au village et mise en grenier, par crainte de vols et de dégâts par les troupeaux d'élevage. Seuls les Dogon qui vivent sur la falaise où se trouvent- leurs greniers, battent d'abord les épis dans les champs de la plaine ou du plateau, avant de transporter le grain à dos d'âne jusqu'au village.
Dans toutes ces régions, aussitôt: après la récolte, les meilleurs épis sont triés et stockés séparément.
2.2 Stockage
2.2.1 Techniques de construction des greniers
Dans les trois zones ethniques étudiées ici, la récolte principale de mil, de sorgho ou de mais est stockée en épis dans des greniers faits normalement en mottes de banco. Il s'agit de structures dont la forme est trapézoïdale chez les Dogon et les Bwa ou cylindrique chez les Minianka. Ces greniers aux murs construits en mot-tes et couches de banco, s'imbriquant parfaitement les unes dans les autres, peuvent durer des dizaines d'années, aux dires des paysans. La paille de fonio, toujours utilisée comme stabilisant pour le mortier d'argile, contribue certainement à cette longévité.
Toutefois, ce mode de construction traditionnel, qui nécessite une réelle maîtrise technique, requiert: plusieurs semaines. C'est: pourquoi, faute de temps et de main-d'oeuvre suffisante, les paysans se tournent actuellement de plus en plus vers les greniers en briques de banco, beaucoup moins résistants.
Tous les greniers sont pourvus, du côté opposé aux pluies, d'une ou plusieurs ouvertures latérales pour le remplissage et les prélèvements. Il sont toujours recouverts d'une toiture en paille qui les protège des intempéries. Cette toiture pouvait durer plus de cinq ans lorsqu'elle était faite des meilleures graminées, telles que Andropogon giganteus. La disparition de ces plantes, suite à la sécheresse prolongée, aux feux de brousse et à l'extension des surfaces cultivées, a eu pour conséquence des modifications sensibles dans la construction des toitures, parfois même dans celle des greniers:
Les diverses structures décrites ci-dessus concernent- les greniers collectifs, bâtis à l'extérieur. On trouve aussi, à l'intérieur des habitations, des greniers en argile, en forme de jarre et appartenant généralement aux femmes. Ces petits greniers sont destinés à la conservation des grains de légumineuses et de fonio.
2.2.2 Techniques de conservation
Partout, les paysans préfèrent stocker les céréales en épis plutôt qu'en grain. Cette préférence s'explique par des raisons d'économie (moins de gaspillage), mais aussi, de meilleure protection contre les insectes. Ce n'est que chez les Dogon de la falaise que le stockage est fait en grain battu pour alléger la tâche du transport au grenier. Toutefois, même ces derniers font appel à une technique spéciale pour bien conserver les céréales en grain, technique qui consiste à entreposer le mil par couches, alternativement avec de la cendre. Pour demeurer compact, ce mélange est tassé régulièrement au pied, après chaque prélèvement. Ainsi stocké, le grain peut se conserver deux ans sans infestations d'insectes.
Tous les autres paysans de ces régions ont tendance à abandonner les techniques traditionnelles de conservation utilisant des ingrédients naturels, pour les remplacer par l'emploi d'insecticides chimiques en poudre, tels le Lindane, le Sijolan et autres produits disponibles sur le marché.
La présence des rongeurs, des souris notamment, qui est quasi permanente dans les greniers, ne semble pas inquiéter outre mesure les villageois interrogés. Leur principale préoccupation, en particulier chez les Dogon et les Bwa, vient plutôt des termites qui s'attaquent- aux poutres et poutrelles de la plate-forme, qui sont maintenant faites avec des bois moins résistants que ceux utilisés autrefois.
D'autre part, l'introduction récente par la CMDT d'une vingtaine de batteuses motorisées pour le mil et le sorgho risque de modifier profondément le mode traditionnel de stockage en épis.
3.1 Amélioration des structures traditionnelles de stockage
Les structures traditionnelles en mottes de banco utilisant les bois résistants aux termites pouvaient durer une dizaine d'années et assuraient une bonne conservation des grains. La disparition ou la raréfaction de ces matériaux entraîne des modifications qui risquent d'avoir des conséquences néfastes sur la qualité du stockage.
Il est recommandé de mettre au point des techniques de construction appropriées, notamment pour la confection des plates-formes et des toitures des greniers.
Ce travail de conception et d'expérimentation devra privilégier les matériaux disponibles localement (pierre, argile et ingrédients de stabilisation du banco) et- s'inspirer des techniques traditionnelles déjà éprouvées (coupole et terrasse des greniers Dogon, par exemple).
3.2 Evaluation du nouveau stockage en grain
L'introduction croissante du battage mécanisé pour les céréales est en train de modifier le mode de stockage traditionnel en épis au profit du stockage en grain.
En conséquence, il est nécessaire d'évaluer l'efficacité du stockage en grain dans les greniers traditionnels existants en vue de déterminer et d'apporter les améliorations qui s'imposent.
3.3 Remplacement du Lindane par un insecticide organophosphoré
De nombreux agriculteurs, tant dans la zone visitée que dans les autres régions du pays, emploient le Lindane fabriqué par l'usine de la Protection des végétaux et distribué par les Opérations de développement rural. Il est vivement recommandé à la Direct-ion de la protection des végétaux, d'arrêter la production du Lindane, produit organochloré dont l'utilisation sur les denrées vivrières est déconseillée, et de le remplacer par un insecticide organophosphoré, moins toxique.
3.4 Sensibilisation et information des villageois
Outre le Lindane mentionné ci-dessus, les villageois utilisent le Sijolan, normalement destiné à la protection des semences, ainsi que d'autres poudres insecticides, en vente libre sur les marchés locaux.
Il est recommandé aux Services agricoles compétents d'entreprendre une campagne nationale de sensibilisation et: d'information des paysans sur l'emploi des pesticides chimiques et sur les dangers que présente une mauvaise utilisation de ces produits.
3.5 Nécessité d'une législation en matière phytosanitaire
L'absence d'une véritable législation sur les produits phytopharmaceutiques dans le pays prive les autorités de moyens de contrôle de la distribution et de l'utilisation de ces produits.
Il est donc recommandé aux pouvoirs publics de définir et de faire appliquer une législation adéquate, de façon à permettre le contrôle efficace de la composition et de la distribution des produits phytopharmaceutiques.
Figure F.1: Grenier traditionnel Bwaba appelé Nanou.
Figure F.4: Grenier traditionnel Minianka (Ngou).