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2. Mise sur pied de services publics de soutien

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La façon d'améliorer la commercialisation est avant tout de faire mieux comprendre dans les spheres influentes en quoi elle consiste, qui y intervient et comment elle fonctionne.

 

Décisions prises par des profanes

Si de nombreux programmes de développement agricole n'atteignent pas leurs objectifs, c'est surtout parce que les dirigeants n'en saisissent pas le lien avec la commercialisation.

Leur idée de la commercialisation tend a se limiter au groupage de la production sur les marchés ruraux et a l'exportation. Ils ignorent tout du secteur stratégique du commerce de gros, méconnaissent le rôle joué par la commercialisation en tant que stimulant de la production, et en apprécient rarement l'effet multiplicateur sur le développement.

Les décideurs et les chercheurs nationaux ont, en la matiere, des notions souvent fondées sur des informations inexactes ou des demi-vérités reçues sans discussion. Parmi les chercheurs et conseillers internationaux, il en est meme qui commettent l'erreur de les admettre aveuglément.

Les attitudes du public a l'égard des intermédiaires et des coopératives sont révélatrices. On est souvent frappé par l'animosité dont sont l'objet les intermédiaires qui, en réalité, assument des tâches et des services de commercialisation indispensables. Il s'attache au terme d'« intermédiaire » des vertus si négatives qu'on pourrait presque parler de comportement antisocial. Il suffit de le mentionner pour que, dans certains milieux, on se refuse a discuter du systeme de commercialisation. Ce sentiment reflete l'attitude, vis-a-vis du commerce en général, des hautes couches sociales dans quelques pays développés comme dans les pays en développement. La prédominance traditionnelle des étrangers dans ce secteur, par exemple les Chinois en Asie du Sud-Est, les Asiatiques en Afrique de l'Est et les Juifs dans certains pays, a encore exacerbé cette réaction passionnelle.

Dire que les intermédiaires achetent leur production aux agriculteurs a un prix inférieur a sa valeur réelle n'est que supposition, car la notion de valeur est rarement définie Les agriculteurs sont parfois peu payés, mais c'est loin d'etre toujours le cas. Par ailleurs, il arrive que ce soit l'intermédiaire qui amene le producteur a l'économie monétaire, car ii est souvent le seul a offrir un débouché Grâce a ce travail de pionnier, les services qu'il rend devraient lui rapporter davantage, mais ces gains attirent la concurrence et peu d'intermédiaires peuvent se permettre de payer l'agriculteur a bas prix, meme au niveau du village Ils doivent rivaliser avec d'autres pour s'approvisionner et se montrer compétitifs au plan non seulement des prix mais aussi des services dispensés aux agriculteurs. Au nombre de ces services figurent notamment ceux qui visent a s'assurer la fidélité des producteurs et a en attirer de nouveaux: informations sur les prix, facilités de paiement aupres des magasins locaux, gîte et couvert gratuits, etc On part aussi de l'hypothese que les intermédiaires disposent ou peuvent toujours disposer de fonds quasi illimités. En réalité, ils connaissent, en particulier ceux qui operent dans les villages, les memes difficultés que les producteurs, notamment le manque d'argent pour financer toute la gamme des opérations commerciales, dont l'entreposage.

On reproche également aux intermédiaires leur prétendue tendance a « accaparer » les stocks pour faire monter les prix a la consommation, mais on oublie qu'acheter les approvisionnements en période de post-récolte et les conserver jusqu'au moment ou ils se font relativement rares avantage a la fois le consommateur et le producteur En intensifiant leurs achats juste apres la récolte? les commerçants font monter les prix, favorisant ainsi les producteurs. En débloquant les stocks au moment ou les prix sont élevés, plus tard dans la saison, les intermédiaires grossissent les disponibilités et font de la sorte baisser les prix a la consommation.

Les intermédiaires sont souvent accusés de collusion entre eux. Pourtant, leur multiplicité est déja en soi un facteur qui n'est guere propice a la collusion. Celle-ci risque davantage de se produire aux points du circuit de commercialisation ou ne se trouvent que quelques gros négociants. Il est intéressant de noter qu'a ce stade l'intermédiaire change tout a coup de nom, pour prendre le titre respectable d'« exportateur », « commerçant » ou « négociant ». De telles critiques sont rarement corroborées par des études empiriques Ainsi, l'examen d'un gros marché de blé au Penjab (Inde) a montré que ce dernier était tres concurrentiel et extremement utile aux producteurs en tant qu'indicateur de prix. Ceux-ci reflétaient tres bien les conditions de l'offre et de la demande dans les régions non soumises aux reglements officiels de zonage alimentaire. Cet examen tendait a contredire la plupart des idées préconçues sur le rôle des intermédiaires dans la commercialisation des céréales vivrieres en Inde. Malheureusement, les études empiriques sont encore trop peu nombreuses ou trop peu connues pour en finir avec les fausses prémisses sur lesquelles on se fonde pour critiquer les intermédiaires.

Figure 2.1 L `intermédiaire, vu par les autres.

Figure 2.2 L'intermédiaire, vu par lui-meme.

La situation particuliere des coopératives ajoute encore a la confusion des esprits pour ce qui est de la commercialisation. Elles sont fréquemment considérées comme des institutions distinctes et sacro-saintes. Cependant, il faut en évaluer le rôle sans parti pris, de la meme maniere qu'on évalue celui des entreprises publiques, privées ou mixtes. L'énergie apportée par certaines spheres gouvernementales a pousser les coopératives malgré un fort taux d'échec dénote leur méconnaissance de l'importance que revet la commercialisation. Cela vient aussi du fait qu'on se refuse a s'incliner devant des faits qui ne cadrent pas avec les idées des hauts fonctionnaires et/ou contredisent la politique officielle.

L'incompréhension des gouvernements a l'égard de la commercialisation des produits agricoles se manifeste aussi dans le manque de coordination des responsabilités, dans leur dilution entre différents ministeres, et dans le gaspillage d'efforts qui en résulte.

Nécessité de bons services officiels de commercialisation. La ténacité de ces concepts erronés sur la commercialisation agricole dans l'esprit des dirigeants montre a quel point il est nécessaire d'instaurer de meilleurs services pour l'élaboration des politiques de commercialisation. Il faut prévoir, au sein du gouvernement, une unité dotée de cadres formés a cette discipline, qui soient capables de rassembler systématiquement les informations, de les analyser et de recommander a l'organe directeur responsable des mesures judicieuses. La continuité est indispensable. De la sorte, on pourra, lorsqu'on envisagera une loi ou une intervention de tout autre type, se reporter a l'expérience passée et en prévoir les conséquences pratiques.

Une unité compétente de développement de la commercialisation s'impose aussi pour planifier les moyens et les services qui permettent une expansion de la production agricole a la mesure de la croissance démographique. Il faut également amplifier les services de transport, étoffer et améliorer les installations d'entreposage, de séchage et de transformation, allouer des fonds supplémentaires pour la commercialisation, étudier les réactions du consommateur a de nouvelles variétés, de nouvelles institution de commercialisation, s'adapter a l'évolution des structures agricoles mondiales et nationales, et mener des enquetes sur le terrain en contact direct avec les entreprises de production et de commercialisation et la population.

Pour aider un systeme de commercialisation a bien fonctionner, la plupart des gouvernements jugeront aussi utile de dispenser certains services, entre autres:

Les contrôles de la commercialisation exercés par des gouvernements prévoyants visent d'abord a donner un cadre juridique aux achats et aux ventes. Ultérieurement, on peut les développer de maniere a protéger les producteurs et les consommateurs contre les pratiques frauduleuses et nuisibles, et a sauvegarder la réputation du produit sur certains marchés. Vient ensuite l'établisssement d'une série uniforme de poids et mesures, de normes et degrés de qualité du produit, et de spécifications pour l'emballage, les conteneurs et l'étiquetage Pour de nombreux produits et marchés, ces spécifications peuvent etre publiées comme orientation aux fins d'adoption volontaire 11 est recommandé de leur donner force de loi chaque fois qu'il apparaît indéniablement avantageux de procéder ainsi, que les moyens de les faire respecter existent et que le cout en est acceptable pour les intéressés et pour le gouvernement

 

Enquetes préalables a l'action en Inde

Le Bureau du conseiller en commercialisation agricole aupres du Gouvernement indien, créé en 1934, a été le premier du genre Une commission agricole spéciale en avait recommandé la mise sur pied apres avoir interrogé en 1927 et 1928 des centaines de personnalités de l'agriculture, du commerce, de la banque et de l'Etat La commission avait remarqué que les petits exploitants indiens avaient beaucoup de mal a écouler leur production, et qu'ils ne recevaient aucune assistance du gouvernement, lequel « considérait jusquela que les problemes de commercialisation n'étaient pas de sa compétence ».

Au siege, le personnel se composait de trois fonctionnaires principaux, chacun secondé par un assistant, et de quatre adjoints. Ils étaient responsables des cultures de plein champ et des marchés a terme, du bétail et des produits de l'élevage, et des produits horticoles, y compris entreposage et transport frigorifique. Ils étaient également secondés par des offices provinciaux de commercialisation. Ils devaient, pour commencer, mener des études détaillées qui serviraient de base a un programme d'amélioration, tandis qu'entre-temps seraient formulées des normes de qualité applicables a toute l'Inde pour les produits d'exportation.

Le profil des candidats a ces postes était le suivant: bonne connaissance de la théorie économique doublée d'une expérience pratique de la production et de la vente du produit, et aptitude a tirer des conclusions des faits tels que constatés par eux-memes et a se défier de tout préjugé dans leur interprétation.

Le bureau avait pour tâche d'étudier une seule catégorie de produit a la fois sur l'ensemble du circuit de commercialisation, et notamment:

Ces enquetes ont fait apparaître publiquement toute une série de malversations et de taxes commerciales faisant double emploi; elles ont aussi mené a:

  1. la date de ratification du marché
  2. les modalités de vente, par exemple prise en charge du produit par l'acheteur ou livraison (c.a.f.) en un lieu déterminé
  3. le prix, avec indication des couts qui y sont inclus -les normes de qualité applicables
  4. éventuellement les marges de tolérance pour ce qui est de la qualité ainsi que des pertes et dommages durant le transport
  5. parfois une période de livraison standard, ainsi que les conséquences de retard ou de non-livraison
  6. le moment, le lieu et la forme du paiement, ainsi que les conséquences d'un retard de paiement ou d'un non-paiement
  7. les procédures de contrôle de la qualité et d'arbitrage en cas de différend

 

 

Initiatives pratiques en Sierra Leone

Dans ce pays, le Ministere de l'agriculture avait pour regle d'envoyer ses cadres pendant environ 25 jours hors de leur lieu d'affectation afin qu'ils gardent le contact avec les agriculteurs et les commerçants, et se familiarisent avec les conditions des zones rurales. On trouvera donc décrit ci-apres le travail, mené vers 1950, d'un spécialiste du développement de la commercialisation en poste au Gouvernement de la Sierra Leone; l'accent est mis sur l'activité créative au niveau pratique. Sa premiere tâche fut d'aider a relever la qualité des produits traditionnels d'exportation.

A l'époque, la Sierra Leone venait en tete des exportateurs de piassava, fibre rigide de 60 a 90 centimetres de long, extraite des feuilles du palmier a raphia. Une série d'expériences furent effectuées, entre autres la sélection de feuilles d'âge et de taille variables et de différentes especes de palmier a raphia; on tenta aussi de voir si des solutions acides accéléreraient le rouissage et donneraient des fibres plus propres sans les abîmer et si, avec un séchage artificiel, il serait possible de procéder au traitement en période d'ensoleillement insuffisant. La conclusion fut que, pour obtenir la meilleure qualité de fibre, il fallait s'en tenir a de bonnes méthodes traditionnelles, sans moyens artificiels.

Ce spécialiste fut alors envoyé au Nigéria pour y étudier les innovations en matiere de transformation et de commercialisation des produits de l'huile de palme, et en faire le rapport. Le Pioneer Oil Mill avait été conçu avec la coopération de la United Africa Company. Il s'agissait d'un dispositif simple faisant appel a une cuve de cuisson de l'amande, a un autoclave pour l'extraction de l'huile de palme et a une décortiqueuse. Ces trois éléments étaient actionnés par un petit moteur a vapeur fonctionnant avec des coquilles d'amandes et de la fibre comme combustible. L'intéret du Pioncer Oil Mill était qu'il permettait d'extraire 85 pour cent de l'huile, contre moins de 50 pour cent avec les méthodes manuelles. La deuxieme étape consista a identifier les zones de la Sierra Leone assez riches en peuplements naturels de palmiers a huile pour alimenter un Pioneer Mill. Avec le concours des agronomes responsables, 12 sites furent choisis et un programme échelonné d'installation de ces moulins et de construction de routes pour la collecte des amandes fut inscrit au premier plan décennal de développement de la Sierra Leone.

Une tâche importante incombait aux spécialistes de la commercialisation, a savoir, étudier et appliquer les reglements en matiere d'inspection de la qualité des principaux produits d'exportation-amandes de palmier, gingembre séché, arachides, sésame indien, café, cacao et piassava. Sur le plan de la qualité, le plus difficile était de savoir comment sécher le produit proprement-au-dessus du sol et a l'abri des déjections des chevres et des volailles. La loi américaine « Pure Food » était a ce sujet implacable. Au moindre risque de contamination, tout le lot serait trié a la main par un personnel américain couteux, et ce aux frais de l'exportateur. Selon la pratique traditionnelle « agréée », les amandes de palmier, les feves de cacao, etc., étaient étalées sur des nattes de bambou suspendues a des pieux a environ 1 metre du sol. Dans le cadre de la campagne, les spécialistes étaient censés rendre visite aux villages des régions productrices pour s'assurer l'appui des chefs locaux. L'inspecteur de la production assignait en justice les marchands qui ne respectaient pas les normes. En vertu des reglements d'inspection de la production, tout commerçant qui achetait des produits inférieurs aux normes était pénalisé. Les producteurs, quant a eux, ne pouvaient etre poursuivis que s'ils avaient vendu un produit délibérément frelaté.

Faire respecter ces reglements exigeait de la part des cadres une vigilance constante afin d'éviter l'abaissement des normes. Quelques commerçants achetaient a bas prix des produits de qualité inférieure a des producteurs ayant un besoin pressant d'argent. S'ils étaient pris, ils essayaient de corrompre l'inspecteur. Toutefois, il est bon de faire preuve d'une certaine souplesse en cas de fortes fluctuations saisonnieres dans les disponibilités. En période de pénurie, les commerçants réclament d'ordinaire un assouplissement des normes, de maniere qu'il leur reste assez a exporter pour honorer leurs contrats. Des l'instant ou la production réagit a des prix avantageux et ou les quantités exportables sont importantes, les acheteurs étrangers se plaignent du manque de qualité et réclament un arbitrage. La politique consistait a exiger le maintien des normes de qualité prescrites, tout en autorisant l'exportation de petits lots de produits inférieurs a la norme sous couvert de contrats spécifiques le précisant bien. Il fallait donc en passer par la pour conserver la position sur le marché a l'exportation et éviter que les acheteurs se tournent vers d'autres sources d'approvisionnement, notamment les fibres synthétiques.

Les poids et mesures utilisés dans les transactions commerciales étaient inspectés. Pour la vente des produits destinés a la consommation locale, on se servait généralement de boites en fer ou de tasses empilées. Des détaillants sans scrupules déployaient des trésors d'ingéniosité pour réduire la capacité des instruments de mesure, par exemple en mettant des doubles fonds, de sorte que la fraude était difficile a déceler. Les balances étaient trop couteuses pour que tout le monde puisse en avoir et la tentative d'introduire des récipients standard indiquant clairement la quantité fut vaine.

En ce qui concerne la commercialisation intérieure, le gouvernement se préoccupait avant tout de la distribution du riz, lequel était devenu l'aliment principal du régime de la population et constituait un facteur délicat au plan politique. La production nationale variait fortement d'une année sur l'autre. Les périodes de disponibilités abondantes a bas prix alternaient avec les périodes de mauvaises récoltes, de pénuries et de prix élevés. Tous les ans revenait, avant que les cultures précoces arrivent a maturité, une saison maigre pendant laquelle les ruraux étaient a court de nourriture. Traditionnellement, il incombait au chef supreme la tâche importante d'entreposer des stocks de riz pour les distribuer pendant cette saison. Mais, a partir de 1900, le rôle commercial des chefs indigenes s'effrita a mesure que s'intensifiaient les activités des commerçants libanais. Ce sont leurs magasins qui furent pillés lorsque, en 1954/55, le riz se raréfia et atteignit des prix élevés. Face a la vive réaction des autochtones, le Ministere du commerce et de l'industrie entreprit d'importer du riz et d'en organiser la distribution par l'intermédiaire de détaillants africains. Ces importations pouvant généralement etre obtenues a bas prix, le ministere accumulait des bénéfices qui lui servaient a développer la production intérieure de riz et sa commercialisation. Ces opérations étaient menées avec le concours de la Commission des politiques rizicoles et l'Association des vendeurs de riz représentant les détaillants.

Le gouvernement intervint énergiquement une deuxieme fois en créant l'Office de commercialisation des produits de la Sierra Leone. Ce dernier avait pour mission de garantir des prix minimaux aux exploitants pour les produits destinés a l'exportation, de les vendre au meilleur prix et d'entretenir un fonds de réserve pour atténuer l'effet de variations brutales dans les cours mondiaux. Cependant, nombreux étaient ceux qui, au sein du gouvernement, y voyaient un moyen de favoriser la mise en ouvre de leurs politiques de développement. Ils avaient tendance a payer a bas prix les cultivateurs, meme si les prix a l'exportation étaient élevés, de façon a disposer de fonds pour d'autres fins.

En Sierra Leone, la commercialisation agricole est aux mains du Ministere du commerce et de l'industrie, lequel a pris la releve du Ministere des ressources naturelles au niveau de l'exploitation agricole. Il est chargé notamment de contrôler les importations et d'octroyer les permis, de réglementer le commerce et les marchés intérieurs, d'inspecter la qualité, les poids et les mesures, de s'occuper de la transformation, de diriger une vaste opération de commercialisation, d'usinage et d'entreposage du riz, et de promouvoir l'exportation. Le développement des coopératives lui incombe également. On encourage ces dernieres en leur confiant le soin d'acheter pour le compte de l'Office de commercialisation et en les aidant a classer les produits par qualité.

Le personnel de commercialisation, spécialement celui qui est affecté a l'inspection des produits, a du recevoir une formation pratique tres poussée et etre recyclé. Il était indispensable qu'il fut tout aussi versé dans chaque aspect de la manutention des produits que les commerçants eux-memes et leurs employés. Une part importante de son travail consiste a préconiser et a démontrer de bonnes méthodes de manutention, par exemple comment bien fermer les sacs (avec des pattes d'attache pour les amandes de palmier, sans pattes d'attache pour le cacao), les empiler, lutter contre l'infestation, etc. Au cours des années, beaucoup de commerçants ont montré combien ils appréciaient ces services.

 

 

Elaboration des politiques en Afrique de l'est

On a vu précédemment comment fonctionnait un service public de commercialisation dans un pays doté d'entreprises autochtones de commercialisation déja bien implantées, et dans un autre pays ou celles-ci opéraient encore a une échelle modeste. Nous verrons maintenant ce qu'il convient de faire dans les pays ou le gouvernement intervient déja largement dans la commercialisation et l'exportation des produits, et fixe les prix de la plupart des denrées agricoles.

République-Unie de Tanzanie. Le Marketing Development Bureau (MDB) a été créé en 1970 au sein du Ministere de l'agriculture tanzanien avec l'assistance de la FAO et du PNUD. Ultérieurement? il a reçu des fonds de la Banque mondiale. A partir de 1961, date de son accession a l'indépendance, la République-Unie de Tanzanie a adopté une politique de socialisme et d'autodépendance qui axait la commercialisation agricole sur les institutions semipubliques et/ou les coopératives. D'ou une lourde tâche pour le Ministere de l'agriculture responsable de la commercialisation, lequel siégait au conseil d'administration de chaque office semi-public de commercialisation, s'occupait de tres pres des politiques de prix et était également chargé des coopératives. Avec les effectifs dont il disposait, sa charge de travail était tout juste supportable.

Le programme de travail du MDB comportait:

Il devait en outre suivre la situation de l'offre alimentaire. Par ailleurs, il a entrepris des études de sécurité alimentaire qui ont débouché sur un programme international de construction d'entrepôts et la constitution de stocks de réserve initiaux.

A mesure que se multipliaient les contraintes et les déficits dans le secteur semi-public, les travaux du MDB, axés sur la solution des problemes, gagnaient en ampleur et en complexité. La gestion comptable et financiere prenait une importance cruciale, et ce d'autant plus que de gros investissements allaient aux organismes chargés des diverses cultures. Avec l'abolition des sociétés coopératives en 1976 et l'obligation pour les offices responsables des différents produits agricoles d'acheter directement dans les villages, le contrôle a exercer par le MDB s'alourdit encore.

Promouvoir efficacement la commercialisation dans une telle économie est difficile, car on ne peut apprécier les résultats des organismes semi-publics en fonction de ceux d'entreprises qui sont motivées par les forces du marché et ont autant de chances qu'eux de survivre. Faute de libre initiative pour insuffler des idées nouvelles, le seul moyen d'action possible est de modifier le systeme existant. On ne voit d'autre efficacité que l'efficacité relative.

Des 1976, le MDB entreprenait une étude annuelle complete des prix agricoles dans laquelle il analysait 'de maniere assez fouillée tous les facteurs a retenir par le gouvernement pour décider des prix a la production. C'était la premiere fois que l'on essayait de présenter des propositions de prix dans une optique globale au lieu de décisions isolées pour chaque culture.

Dans les conseils qu'il donnait au gouvernement pour arreter les prix, le MDB incitait a tenir compte de l'incidence de ces décisions sur les organisations de commercialisation intéressées et faisait prendre vivement conscience des effets de l'inflation. C'est ce dont témoignent les deux extraits ci-apres.

Plus grave est la décision du gouvernement de ne pas faire ce qu'avait recommandé le MDB, c'est-a-dire distinguer le sorgho blanc, qui se prete bien a la consommation humaine, du sorgho rouge qui, en raison de sa forte teneur en tannins et de son gout amer, convient surtout comme ingrédient de brasserie dans les secteurs traditionnels et modernes, et comme aliment pour animaux. Le prix de 130 c/kg avec une prime de 30 c/kg était recommandé pour le sorgho blanc a Mwanza, Mara et Shinyanga, celui du sorgho rouge devant rester inchangé, en termes monétaires, a 100 c/kg. Bien que la National Milling Corporation (NMC) ne tienne pas de statistiques séparées pour les deux types de sorgho, il y a lieu de penser qu'elle achete surtout du sorgho rouge, a rendement plus élevé et a risque moindre. Il est probable que le prix du sorgho annoncé pour 1982183 incitera a acheter des quantités de sorgho rouge tres supérieures aux besoins du marché intérieur. La NMC verra sans doute sa capacité d'entreposage bloquée par ce produit et risque fort, comme en 1978/79, d'essuyer de lourdes pertes financieres en raison d'une détérioration des stocks et du manque a gagner a l'exportation.

Il avait été recommandé que le prix de détail des haricots soit relevé de 350 a 480 c/kg (premiere qualité) et de 275 a 380 c/kg (deuxieme qualité) pour maintenir le revenu réel de la production de cette denrée aux alentours de son niveau actuel. A rappeler le prix a la production des haricots est resté inchangé depuis 1977178, époque a laquelle il avait probablement été fixé a un niveau exagérément en faveur du producteur. La baisse d'environ 30 pour cent dans la valeur réelle que suppose le prix inchangé des haricots fera diminuer sensiblement les achats de la NMC. Il est donc vraisemblable que les quantités de haricots a vendre par la NMC en 1982183 seront inférieures a la demande, sous l'effet de laquelle en 1980/81 elle en avait commercialisé 25 000 tonnes.

C'est aussi vers cette époque qu'on commença a se soucier d'un facteur capital, a savoir le cout du carburant. Plus de la moitié des recettes tanzaniennes a l'exportation allait aux importations d'énergie. Les prix et les quantités de produits agricoles exportés n'évoluaient guere ou baissaient, les besoins en transport devenaient critiques, tandis que la possibilité de continuer a fixer les prix au niveau panterritorial, conformément aux principes socialistes, devenait de plus en plus douteuse.

Kenya. Pour bien conseiller un gouvernement, il est capital de lui présenter des exposés qui fassent clairement apparaître:

Faute d'exposés clairs de ce genre, il n'a pas été tenu compte d'études tres poussées de problemes de commercialisation pour l'élaboration des politiques. Tel a été le cas pendant un moment pour le Centre de développement de la commercialisation créé au Kenya avec l'aide de la FAO et du PNUD. On y mena de solides études de commercialisation, mais celles-ci tenant plus de la these universitaire que de l'exposé ministériel, les décideurs concernés ne les lisaient pas et le centre n'avait guere d'influence. Des que ce dernier se mit a rédiger des exposés clairs étayés uniquement sur les données justificatives et fondamentales indispensables, il acquit tout de suite du poids et son rôle consultatif ne cessa de grandir. Les extraits ci-apres d'une déclaration gouvernementale a propos du projet de politique alimentaire nationale, dressé par le centre de commercialisation et adopté par le Cabinet, illustrent la démarche suivie.

L'expansion rapide de la production alimentaire et l'intensification des mouvements interrégionaux des zones excédentaires vers les zones déficitaires qui devraient intervenir dans les 10 prochaines années exigeront beaucoup des systemes de commercialisation et de distribution. L'augmentation des moyens requis sera plus étroitement liée a la croissance escomptée de 9,6 pour cent par an dans la population urbaine qu'a la croissance démographique globale de 4 pour cent par an. Un programme détaillé visant a développer les moyens de commercialisation et a remanier certaines politiques sera mis en ouvre de maniere que le systeme puisse mieux répondre a ces besoins.

Les restrictions actuelles sur les mouvements, entre districts et entre régions, du mais et d'autres produits en empechent la bonne distribution au plan national par les commerçants privés et accroissent les couts de commercialisation et les prix a la consommation. Pénuries et surabondances sévissent en meme temps dans différentes régions du pays, tandis que les restrictions sont tres peu respectées. L'objectif a long terme, tel que le définit le plan de développement actuel, est de simplifier le systeme de commercialisation moyennant élimination de ces restrictions artificielles aux mouvements et recours, en dernier ressort, a l'Office national des céréales et autres produits (NCPB) pour les achats et les ventes.

A mesure que s'amélioreront les disponibilités de mais, que se reconstitueront les stocks commerciaux du NCPB et que sera créée une réserve stratégique nationale de céréales, les restrictions au commerce intérieur seront levées peu a peu. Celles-ci seront supprimées dans le cas de certains produits secondaires, dont le NCPB n'a qu'une petite part du marché total.

A l'heure actuelle, exploitants et commerçants sont mal renseignés sur les prix pratiqués par d'autres marchés et ne connaissent que le prix d'achat du NCPB, annoncé tous les ans. Cette ignorance expose les agriculteurs a l'exploitation; elle augmente aussi les risques des commerçants et, par conséquent, la marge qu'ils exigent. Pour surmonter ce probleme, le Ministere de l'agriculture a entrepris de relever chaque jour les prix des céréales et des produits horticoles sur les marchés de Mombasa, Kisumu, Nakuru, Limuru, Thika, Eldoret, Byeri, Karatina et Machakos, et de les diffuser par radio quotidiennement pour les produits de l'horticulture et hebdomadairement pour les céréales.

Les bulletins généraux du Centre de développement de la commercialisation pour l'examen des prix agricoles de 1981/82 par produit se présentent comme suit:

 

Mais

Le mais que ne garde pas l'exploitation est vendu aux commerçants du « secteur libre », aux coopératives, directement aux consommateurs, ou écoulé par l'intermédiaire du NCPB ou de ses agents. Le NCPB a augmenté son prix d'achat pour le mais au cours des quatre dernieres campagnes, et a entrepris un programme de renforcement des dispositifs de commercialisation qui consiste a créer un certain nombre de centres d'achat dans les principales régions productrices de mais. Comme ses achats et ses ventes de mais accuseront sans doute un déficit de 170000 tonnes en 1982, il faudra, pour combler ce dernier et ramener les stocks au niveau opérationnel de 190 000 tonnes, importer 240 000 tonnes. Au cours mondial actuel, soit environ 170 dollars c. et f. Mombasa, le cout devrait etre de l'ordre de 415 millions de ShK, si ces achats sont effectués a titre commercial.

Au moment ou ce bulletin a été établi, le Centre de développement de la commercialisation préparait en moyenne un document ministériel par semaine et était consulté a peu pres tous les jours par divers secrétaires permanents et hauts fonctionnaires.

 


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