Back to Home Page of CD3WD Project or Back to list of CD3WD Publications

Mise en place d'un office de commercialisation des céréales en Somalie

Table des matières - Précédente - Suivante

Le sorgho, principale céréale de la Somalie, y est produit en culture seche. Les rendements varient beaucoup d'une campagne a l'autre. Apres des années de fortes fluctuations de l'offre et des prix, le gouvernement décida de mettre en place en priorité un mécanisme de stabilisation du marché. Il obtint en 1967 une aide de la FAO/PNUD pour la construction de dépôts d'une capacité de 20 000 tonnes, pour l'acquisition de sept gros camions et l'engagement d'un mécanicien pour leur entretien, et pour des conseillers spécialisés et des bourses de perfectionnement. Ces moyens peuvent sembler minces. Mais l'acquisition d'une puissance manifeste dans le domaine des transports, si important dans un pays comme la Somalie ou les distances sont grandes et les ressources limitées, donna confiance au gouvernement pour aller de l'avant.

Il y eut des problemes. Le ministre responsable du projet confondait les intérets du pays avec les siens propres. Il avait besoin de véhicules pour sa campagne électorale; pourquoi ne pas utiliser ceux du projet? Il lui fallait du ciment pour se construire une nouvelle maison. Or, on importait, hors taxe, de l'excellent ciment pour la construction des réservoirs a grain; pourquoi ne pas en emprunter un peu? On pourrait le rendre plus tard.

Figure 4.3 Décisions arbitraires.

Figure 4.4 Arrivée du responsable des achats officiels obligatoires.

Pour appliquer un prix plancher garanti aux producteurs, le nouvel office de commercialisation avait besoin d'un fonds de roulement. Les recettes fiscales du gouvernement suffisaient a peine aux dépenses immédiates. Les fonds empruntés a la Banque pour le développement étaient déja engagés. On pouvait envisager de solliciter le Programme alimentaire mondial puisque la constitution de réserves en vue de pénuries anormales faisait partie de ses attributions. Si ces réserves pouvaient etre confiées au tout récent office de stabilisation des céréales, elles rempliraient une double fonction. On pourrait les vendre pour pallier la pénurie momentanée de céréales alimentaires et le produit de ces ventes constituerait alors le capital permettant a l'office d'acheter par la suite aux agriculteurs somaliens. Le Conseil d'administration du PAM approuva l'idée. Mais apparut une complication: la céréale alimentaire de base en Somalie était le sorgho, le riz d'importation étant l'aliment des populations urbaines. Le PAM ne disposait que de blé et de mais jaune. Serait-il vraiment utile de remplir les magasins de ces céréales? Leur vente paraissait difficile.

Le nouvel office trouva un financement; il lui tardait de se lancer dans l'achat, le transport et l'emmagasinage des céréales. Mais cela se passait a une époque ou les récoltes étaient relativement peu abondantes. Sur le marché libre, les agriculteurs trouvaient déja des prix bien plus élevés que le prix minimal garanti. Des que l'office commençait a acheter, les prix du marché libre montaient; c'était aller au devant de pertes sérieuses au moment de la vente. Dans ce cas, la bonne marche a suivre aurait été de louer magasins et véhicules aux négociants et de prendre des options sur les disponibilités a importer en cas de besoin. Mais vint la révolution.

Deux ans plus tard, un nouveau gouvernement relança le projet de commercialisation des céréales. Cette fois, pas de combinaison. L'armée s'en chargerait. L'office jouirait d'un monopole légal, toute autre transaction de céréales sur le marché de gros étant interdite. Grâce a l'appui total du gouvernement, l'office put faire ses preuves en tant qu'organisation efficace pour l'achat, l'emmagasinage et la vente. Il constitua un des leviers les plus puissants du gouvernement, et fut désigné par la suite pour assurer a la fois la distribution des engrais et la gestion du crédit agricole.

En 1981, la Société pour le développement agricole (Agricultural Development Corporation, ADC) était toujours le seul acheteur autorisé pour le sorgho et le mais de production nationale. Elle avait également la responsabilité des importations. Elle vendait a des administrations locales, qui assuraient la distribution par l'intermédiaire de comptoirs officiels et de détaillants patentés. Les producteurs étaient autorisés a conserver 100 kg par membre de la famille et devaient vendre leur excédent a l'ADC. En fait, l'ADC achetait environ 30 pour cent de la production totale. Quarante pour cent de ses achats étaient constitués de céréales importées a des fins de stabilisation. Ses achats annuels de céréales d'origine nationale ont varié de 98 000 tonnes en 1972 a 22 000 tonnes les années de sécheresse; en 1979, ils s'élevaient a 67 000 tonnes.

Avec 82 entrepôts en surface et 16 sous terre, ses possibilités totales d'emmagasinage atteignaient 167 000 tonnes. Ces entrepôts étaient situés dans 35 dépôts ou l'ADC se tenait prete a acheter aux exploitants agricoles. Pendant la moisson, elle installait des centres provisoires d'achat dans les zones de production. Un véhicule était fourni pour chaque région; les autres moyens de transport étaient loués pour la saison a des loueurs privés.

Le tableau 4.1 présente les marges commerciales de 1'ADC pour le sorgho telles qu'elles ont été publiées. On remarquera que ces chiffres ne concernent que les principaux couts directs des opérations de l'ADC. Il n'y a pas de provision pour l'amortissement des installations d'emmagasinage et du matériel, ni pour les pertes quantitatives ou qualitatives de sorgho. Il n'est pas non plus prévu d'intérets sur le capital fixe ou sur le capital de roulement.

TABLEAU 4.1 Marges de commercialisation du sorgho de la Société pour le développement agricole, Somalie, 1978

 

  Marge Prix
(on dollars U.S. par tonne)
Prix payé aux producteurs   120,00
Impôt municipal 3,20  
Impôt d'Etat 11,20  
Intéret bancaire 2,40  
Sacs 4,80  
Frais postaux 0,80  
Main-d'ouvre, manutention 3,20  
Transport jusqu'a l'entrepôt 8,00  
Transport jusqu'a la région de consommation 25,00  
Frais d'emmagasinage 0,80  
Fumigation 0,80  
Administration 4,80  
Marge totale 65,00  
Prix facturé aux distributeurs   185,00

 

Les producteurs étaient payés a la livraison, et peu d'attention était accordée, semble-t-il, aux variétés, a la pureté et a la teneur en humidité. Les prix étaient ajustés de temps a autre, sans toutefois rattraper l'inflation. Les prix de l'ADC et son contrôle sur le mouvement des céréales étaient considérés, en 1981, comme des facteurs décourageant la production.

 

Office de commercialisation agricole du Botswana

Ce pays, du fait de précipitations extremement variables, connaît alternativement la pléthore ou la pénurie de ses céréales de base, le sorgho et le mais. Traditionnellement, des agents de sociétés domiciliées en Afrique du Sud achetaient toutes les céréales en sus des quantités autoconsommées. Ces céréales sortaient du Botswana aux bas prix en vigueur apres la moisson. Une partie revenait plus tard dans l'année, avec une majoration de prix profitant a d'autres. En période de pléthore, les producteurs recevaient des prix tres bas. Mais que vienne la pénurie, il fallait acheter en Afrique du Sud a des prix élevés. C'était un cas typique ou la création d'un office national de stabilisation était indiquée.

Il convenait en premier lieu de préparer la législation nécessaire, ce qui fut achevé en 1974. Un office de commercialisation était créé pour:

Le conseil d'administration de l'office était désigné par le ministre de l'agriculture, qui pouvait lui indiquer la politique a appliquer dans l'intéret public. L'office disposerait de fonds propres et aurait la faculté d'emprunter; il serait tenu de présenter chaque année des comptes soumis a une vérification extérieure. Le cadre le plus élevé serait le directeur général. Il devait assurer les fonctions suivantes, dont il était responsable devant le conseil d'administration:

Le plan d'exploitation de l'office prévoyait l'achat annuel de quelque 12 000 a 15 000 tonnes de denrées estimées a environ 500 000 dollars U.S. Il disposerait de six dépôts d'une capacité de 2 000 tonnes chacun. Il hérita d'un capital provenant d'une taxe préexistante sur l'importation du mais, auquel vinrent s'ajouter plus tard 200 000 dollars. Par la suite, pour les financements a long terme consentis par le gouvernement, il était tenu de verser un intéret annuel de 8 pour cent. Pour des prets a court terme, il pouvait emprunter aux banques au taux commercial.

En fait, le volume et l'étendue des ses activités dépasserent de loin les prévisions. A la liste des produits que l'office était habilité a contrôler vinrent s'ajouter les graines oléagineuses et les intrants agricoles. A cause des prix garantis pour la récolte de 1977, l'office dut acheter la totalité de la production nationale mise en vente. On lui confia ensuite la responsabilité d'un stock stratégique de réserve, soit 6 000 tonnes de céréales. En y associant les achats et les ventes, on assurerait la rotation périodique du stock.

Le tableau 4.2 présente un compte d'exploitation simplifié pour une année. Apres abattement pour modification des stocks, le bénéfice commercial brut était de 703 000 dollars. Les principales dépenses étaient les traitements et salaires (175 000 dollars), l'amortissement des magasins et du matériel (145 000 dollars) et les intérets (114 000 dollars). D'apres ces chiffres, l'office aurait réalisé un bénéfice net, mais quelques cadres supérieurs émargeaient au budget de la FAO ou a d'autres budgets. Son capital consistait en 1 850 000 dollars fournis par le gouvernement et en un pret de l'Etat de 2 450 000 dollars a 8 pour cent.

L'office disposait ainsi des moyens et du personnel qualifié nécessaires pour porter au niveau des normes internationales les opérations de nettoyage, de négoce et de fumigation des produits. Il se trouvait ainsi a meme d'exporter les excédents vers des marchés étrangers plus rémunérateurs, et de rapporter au pays des recettes en devises. Ces opérations d'exportation amenaient a affréter des navires, a contracter des assurances maritimes, a synchroniser les expéditions par chemin de fer avec le chargement de navires a quelque 1 500 km de la, a établir des documents douaniers, a négocier des documents sous couvert de lettres de crédit, a effectuer des opérations en devises, etc. Cela n'avait jamais été fait au Botswana.

TABLEAU 4.2 Compte d'exploitation, profits et pertes de l'office de commercialisation agricole du Botswana (Exercice prenant fin au 31 mars 1979)

 

Sorgho

Maia

Légumes secs

Oléagineux

(en milliers de dollars)

Engrais

Sacs

Divers

Total

Total 1978

Produit des ventes

506

1531

1301

1318

182

247

84

5169

2511

Passif

Stock en début d'exercice

123

421

115

138

79

260

74

1210

263

Achats

363

1102

1007

1040

103

311

97

4023

3183

Transport et manutention

7

25

-

7

-

-

1

40

27

Bénéfice sur stock a prix coutant

-

5

3

42

7

-

5

62

(55)

Consommation de produits et fournitures

-

-

-

-

-

(39)

(1)

(40)

(17)

Total partiel

493

1553

1125

1227

189

532

176

5295

3401

Stock en fin d'exercice

63

193

34

52

30

349

108

829

1211

Total passif

430

1360

1091

1175

159

183

68

4 466

2190

Bénéfice commercial brut

76

171

210

143

23

64

16

703

321

L'application de mesures de lutte phytosanitaire ramena a moins de 0,5 pour cent les détériorations des marchandises emmagasinées. L'office jeta également les bases d'entreprises la mouture du sorgho, la fabrication d'aliments composés pour le bétail et le nettoyage des semences. Ainsi, non seulement il remplit son rôle premier de stabilisateur du marché des céréales, mais encore il permit d'appliquer des technologies nouvelles dans plusieurs secteurs connexes.

Les premieres années, l'office bénéficia d'un appui substantiel de l'Etat. Le soutien le plus efficace venait souvent des dirigeants politiques du Botswana. Le ministre de l'agriculture en personne dégagea l'office des pressions parlementaires visant a rendre moins séveres les distinctions qualitatives lors de l'achat au producteur. Agriculteur lui-meme, il se déclarait pret a accepter le premier tout abaissement justifié.

Tropiques humides

Sur les côtes d'Afrique de l'Ouest, aux Caraibes et dans les régions d'Asie au climat similaire, il est rare que l'approvisionnement en denrées alimentaires de base dépende d'une seule et unique céréale. Les ignames, le manioc et d'autres tubercules constituent des sources énergétiques de remplacement. Ils peuvent etre cultivés et récoltés a différentes saisons. Le manioc se conserve en restant simplement dans la terre. Dans ces conditions, si un aliment vient a manquer, le consommateur peut se tourner vers d'autres; il est donc moins nécessaire d'entretenir des stocks régulateurs. De plus, cette pratique reviendrait vraisemblablement plus cher qu'ailleurs. Le climat humide augmente les risques de pertes dues aux insectes, aux moisissures, etc.

Toutefois, a mesure que dans ces zones climatiques la population s'urbanise et que les revenus augmentent, la préférence du consommateur pour les céréales, plutôt que pour les tubercules, s'accentue. En période de prix élevés, le gouvernement est soumis a des pressions pour qu'il intervienne. L'existence d'un office de commercialisation qui annonce a l'avance les prix aux producteurs pour un produit destiné a l'exportation constitue un précédent incitant a faire de meme pour d'autres denrées.

C'est ce qui s'est passé au Ghana. Lors des pénuries de 1965, le ministre de l'agriculture annonça que le gouvernement allait créer un office de commercialisation des denrées alimentaires. Quelques années plus tard, la Société de distribution des denrées alimentaires-née du fusionnement de la Société ghanéenne de commercialisation des denrées alimentaires et de l'Equipe spéciale pour la distribution des denrées alimentaires-assurait la vente en gros et au détail de nombreux produits alimentaires d'origine nationale. Cette société employait 800 personnes et était censée garantir aux agriculteurs des prix minimaux pour le mais et le riz. L'Office pour le développement des céréales et des légumineuses avait de son côté la responsabilité d'assurer des prix minimaux pour les denrées de son ressort. Employant 80 personnes dans son service de commercialisation, cet office établit un réseau de centres d'achat et de magasins.

Un rapport au ministere de l'agriculture sur la commercialisation des céréales au milieu des années 70 met l'accent sur les insuffisances du systeme commercial indigene. Il montre aussi les difficultés rencontrées par les organismes officiels de stabilisation créés pour améliorer ce systeme.

Les fluctuations de prix en cours d'année sont particulierement fortes pendant les années de mauvaise récolte. Ainsi, en 1972, le prix du mais augmenta de 125 pour cent; l'écart fut plus modéré lors des deux campagnes suivantes. Les différences de prix d'une région a l'autre sont marquées. En juillet 1975, le sac de mais, au prix de gros, valait $25 a Atebuba, $39 a Kumasi, $47 a Accra et $63 a Ho. Ces différences montrent clairement les carences en matiere de transport et de communication. Il faut aussi compter avec le fait que les intermédiaires manquaient de moyens matériels et financiers pour acheter et emmagasiner des quantités de quelque importance et pour transporter de grosses quantités entre régions excédentaires et zones de pénurie. Quelques négociants répugnaient a faire des affaires dans les régions « étrangeres » a cause des risques et des inconvénients que cela comportait. Ils préféraient traiter dans l'environnement qui leur était familier, se fiant pendant de nombreuses années aux memes fournisseurs et négociant avec des clients qu'ils connaissaient depuis longtemps. Les seuls grossistes d'envergure nationale a disposer de capitaux et de moyens de transport suffisants pour tirer profit des différences géographiques de prix sont quelques « Nordistes ». Des membres de leurs familles font office d'acheteurs dans les régions de production, et de grossistes sur les marchés importants. Ils utilisent également le télégraphe. Cependant, ils rencontrent des problemes du fait que, souvent, ils ne sont pas Ghanéens.

Ainsi, les négociants locaux se heurtaient a des difficultés a la fois sociales et matérielles dans leurs efforts pour assurer, au plan national, une bonne répartition des disponibilités dans le temps et dans l'espace.

Le rapport continue:

Au cours des campagnes d'achat de 1972/73 et 1973/74, les achats en mais de l'office s'élevaient respectivement a 5 600 et 16 000 tonnes. Mais, en 1974, surgirent des problemes de vente. Ses possibilités d'emmagasinage et son capital de roulement s'en trouverent immobilisés. Apres la bonne récolte de 1974, il ne put honorer ses engagements d'acheteur assurant la stabilisation. De nombreux exploitants furent obligés de vendre a des négociants a des prix inférieurs au minimum garanti et l'office perdit leur confiance. Il se vit également confronté a de graves problemes de transport et d'emmagasinage. Ses installations de séchage n'avaient pas suffi a traiter les énormes quantités de mais humide qui lui avaient été livrées. Il n'était pas en mesure de vérifier efficacement l'utilisation de ses fonds dans les centres d'achat. De 1971 a 1974, l'office subit une perte cumulée d'environ 2 millions de dollars.

La Société de distribution des denrées alimentaires connut elle aussi de sérieuses difficultés. Elle vendait aux consommateurs, a bas prix, par l'intermédiaire d'environ 150 kiosques qu'elle gérait directement dans les villes principales. Ces points de vente eurent a souffrir d'irrégularités dans les approvisionnements et de problemes de contrôle financier. Les 80 camions sept tonnes et les 36 semi-remorques de la société tombaient souvent en panne et les pieces de rechange manquaient. Les normes commerciales d'efficacité ne pouvaient etre atteintes faute de personnel expérimenté et qualifié.


Table des matières - Précédente - Suivante