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8. Marchés et entreprises de commercialisation

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Dans les précédents chapitres, on a surtout étudié la commercialisation de produits spécifiques, mais l'amélioration peut aussi porter sur les marchés et les entreprises qui manutentionnent des produits de différente nature. Un premier moyen pour cela consiste a promouvoir le développement de marchés ou est groupée la production et ou les acheteurs trouvent ce qu'ils souhaitent. Un deuxieme moyen consiste a rechercher la façon d'aider les entreprises directement responsables du groupage, de l'entreposage ainsi que de la distribution des denrées alimentaires et agricoles. Le présent chapitre traite des programmes d'amélioration destinés aux marchés ruraux de groupage, de gros, et aux diverses entreprises de commercialisation, que ce soit au niveau individuel, familial ou de la société étatique.

 

Marchés ruraux de groupage

Ils ont pour rôle de rassembler les productions relativement modestes que peuvent écouler a tel ou tel moment bon nombre de petits exploitants. Le marché attire les commerçants, car il leur offre de grandes quantités de marchandises et leur évite par conséquent d'avoir a localiser les agriculteurs et a aller jusqu'a eux. Grâce a ce gain de temps et parce qu'ils ont plus de chance de trouver des acheteurs sur le marché, les exploitants, de leur côté, obtiennent de meilleurs prix.

Dans beaucoup de pays d'Afrique et d'Asie, les marchés ruraux occupent une grande place. En Inde, on dénombre environ 22 000 marchés primaires réguliers et 4 500 marchés ruraux de groupage réglementés, qui desservent quelque 60 millions de familles agricoles. Le Ghana compte un millier de marchés sur chacun desquels operent une cinquantaine de vendeurs au moins. Leurs jours d'ouverture figurent au calendrier. Rares sont les pays qui, comme l'Indonésie et la Malaisie, ont peu de marchés ruraux se tenant périodiquement et ou les agriculteurs vendent surtout a la ferme et sur le bord des routes.

Comme, pour de nombreux exploitants, la place du marché rural est le premier point de contact avec le circuit de commercialisation, leurs revenus et leur incitation a produire dépendent directement de son efficience. Malgré cela, la plupart des gouvernements ne pretent que peu d'attention aux problemes pratiques des marchés ruraux, et rares sont ceux qui ont des politiques bien arretées pour leur développement.

Ces marchés ne perdent rien de leur importance meme lorsque les gouvernements créent des organismes publics pour acheter a des prix minimaux annoncés au préalable ou pour fournir les intrants. En effet, les agriculteurs ont quand meme besoin de débouchés pour les produits qui ne bénéficient pas d'une telle protection. Souvent, les stations d'achat pratiquant des prix garantis sont hors de portée de beaucoup de petits agriculteurs. Par ailleurs, le marché libre leur offre parfois des prix plus intéressants que le minimum assuré, en raison soit de la demande au détail dans le voisinage immédiat, soit de la préférence du consommateur pour des qualités ou types donnés. Il y a aussi des époques pendant lesquelles les prix globaux du marché libre sont supérieurs au minimum garanti par le gouvernement. De fait, il est avantageux que les points de vente et d'achat officiels de produits a prix réglementés se situent sur ces marchés ou a proximité, car, les agriculteurs devant souvent se rendre dans les uns comme dans les autres, ils le feront d'autant plus aisément et fréquemment s'ils sont rapprochés. Des l'instant ou ils peuvent choisir entre les deux, ils risquent moins d'etre mal servis par l'un ou par l'autre.

Le tableau 8.1 montre comment 45 pour cent des petits exploitants kényens ont écoulé leur mais sur un marché rural malgré les prix offerts par les agents de l'Office du mais. Seuls quelques producteurs passaient par les services d'un marché local pour vendre leur lait, lequel était ramassé sur le bord de la route ou emporté vers un centre de ramassage.

En général, les marchés ruraux assurent les trois opérations primaires de commercialisation, a savoir vente des produits locaux dans la région, distribution des produits d'autres provenances et groupage des produits locaux destinés a etre vendus dans d'autres régions. Plus le volume des ventes par exploitant s'accroît, moins le marché primaire devient intéressant; le commerce en dehors de ce dernier prend plus d'importance parce que le négociant peut acheter directement a la ferme en plus grosses quantités et a un moindre cout unitaire. Le marché n'en garde pas moins un rôle stratégique en tant qu'indicateur de prix et pour cela reçoit souvent la visite des agriculteurs. L'amélioration des marchés ruraux se traduit en avantages perçus immédiatement par leurs multiples utilisateurs.

La plupart des marchés ruraux naissent spontanément aux endroits qui se pretent aux échanges locaux, notamment:

TABLEAU 8.1 Ventes de la part des petits exploitants par site au Kenya

 

 

A la ferme

Au marche rural

Au bord de la route

A l'usine de transformation, au centre de ramassage du lait, etc.

..........................en pourcentage du total.........................

Mals

26

45

8

21

Feves

22

57

11

10

Mil chandelle et sorgho

6

90

4

-

Canne a sucre

39

55

3

3

Pommes de terre

47

51

2

-

Choux

44

48

7

1

Tomates

5

86

8

1

Bananes

32

64

4

-

Poulets

37

48

5

10

Outs

14

71

10

5

Lait

21

7

28

44

Ovins

49

50

-

1

Caprins

39

61

-

-

Bovins

46

43

3

8

Source: Integrated Rural Survey, 1975.

  1. au cour d'une région productrice;
  2. a proximité d'une riviere ou d'un point d'eau;
  3. sur un site ombragé;
  4. a une croisée de chemins.

Le plus souvent, on se rend aux marchés primaires a pied ou en char a boufs. Ces moyens de transport conviennent pour des distances allant jusqu'a 12 km. C'est donc ce rayon que doit avoir la zone de desserte des marchés, la distance maximale entre chacun d'eux devant etre d'environ 25 km. L'efficacité d'un marché est liée au volume de ses transactions. C'est pourquoi les foires et les marchés ruraux saisonniers se tiennent une fois par semaine ou par mois. Dans certaines parties du Togo ou, par tradition, la semaine est de six jours, c'est cet intervalle que l'on observe entre chaque marché. En République de Corée, ils ont lieu tous les cinq ou dix jours. Les dates sont en général arretées de maniere que les marchés des alentours se tiennent a des jours différents.

Criteres de bon fonctionnement des marchés ruraux de groupage:

Il ne faut pas laisser passer l'occasion qu'offre le marché de communiquer avec des populations rurales dispersées.

Amélioration des marchés ruraux. Leur plan, leur structure et leurs installations doivent répondre aux besoins des agriculteurs et des commerçants qui les utilisent et varient selon les produits vendus et les pratiques locales.

Il faut avant tout disposer d'un espace libre, de préférence abrité sous un toit, fait de matériaux locaux par exemple. En général, commerçants et agriculteursnégociants n'ont besoin que d'une toiture rudimentaire de stands entierement ou partiellement fermés sur les côtés. Les grainetiers préferent des locaux fermés car ils gardent généralement des stocks qui doivent etre a l'abri de la pluie. Les marchands de fruits et légumes se contentent souvent, pour leur part, d'un toit car ainsi leurs produits sont au frais, tout en étant protégés du soleil, ce qui est important. Pour les bouchers, il faut des locaux munis de protections contre les mouches, conformément aux reglements de la santé publique (figure 8.1). On doit prévoir de la place pour le chargement et le déchargement des camions et pour les camionnettes équipées de comptoirs de vente. La ou un tres grand nombre d'agriculteurs viennent vendre leurs produits, des emplacements leur sont généralement réservés, en face des stands permanents installés sur un ou plusieurs côtés du marché. Dans les zones rurales, l'amélioration du marché proprement dit est surtout fonction du revetement du sol, de l'aménagement d'un systeme d'égouts, de la fourniture d'eau potable et des installations sanitaires, ainsi que du bon entretien des voies d'acces aux stands. Les marchés sont parfois clôturés pour faciliter la perception des redevances, mais cela entraîné souvent des retards, congestionne les entrées et les sorties et empeche l'agrandissement de la surface.

Les taxes destinées a financer les services commerciaux sont prélevées soit au titre de l'utilisation des emplacements ouverts ou couverts, soit en fonction de la valeur du produit vendu. En 1980, le marché d'Asesura, au Ghana, tirait 80 pour cent de ses recettes des taxes perçues sur les produits et les utilisateurs du marché, 14 pour cent de la location d'échoppes couvertes et 6 pour cent des droits de stationnement des véhicules. En Inde, les comités de marché taxent les stands de 5 a 30 cents par jour et prélevent entre 0,5 et 3 pour cent de la valeur du produit vendu.

La gestion du marché est souvent cédée a bail a un particulier. A condition que le bail précise bien les services a fournir, il est plus économique, pour les pouvoirs locaux, de procéder ainsi que d'avoir leurs propres agents qui effectuent la collecte des taxes de maniere plus ou moins efficace. De telles dispositions incitent peu les administrateurs du marché a agir énergiquement pour punir les abus, diffuser des informations et concourir au succes des transactions. C'est pour cette raison que le Gouvernement indien, avec sa loi sur les marchés réglementés, a ouvert la voie a une gestion assurée par des comités de marché élus composés de représentants municipaux, de commerçants et de producteurs. En République de Corée, de nombreux marchés sont gérés par des coopératives.

Figure 8.1 Protection peu couteuse contre les mouches sur les marchés ruraux.

Les administrateurs sont chargés essentiellement de maintenir le marché en bon état, d'attribuer les emplacements, de fournir des stands et autres installations loués par les habitués, de veiller a l'intégrité des ventes et de diffuser des informations sur les prix ainsi que sur les politiques et reglements officiels pertinents.

Marchés de producteurs au Brésil. A la fin des années 70, 20 marchés modeles de ce type ont été mis en place par la société étatique brésilienne COBAL, afin de relier les agriculteurs opérant dans des régions qui offraient peu de débouchés a leurs produits au systeme de commercialisation. Ces marchés se caractérisaient par une plate-forme surélevée a l'abri du soleil et des intempéries, et par un local clos a l'usage des services. On trouvera a la figure 8.2 un croquis de base se pretant a agrandissement en fonction du volume de transactions escompté. Le plan est simple et offre de multiples possibilités d'aménagement.

L'expérience brésilienne a fait ressortir un certain nombre de points dignes d'attention lors de la construction d'un marché:

Figure 8.2 Plans de marchés de gros.

  1. a bien orienter, seconder et former les gestionnaires et le personnel responsables;
  2. a mobiliser le soutien local en s'assurant la participation de toutes les autorités en mesure de faciliter le fonctionnement du marché;
  3. a prendre toutes les dispositions propres a garantir que la communauté commerçante s'approvisionne au marché;
  4. a renforcer la confiance du producteur dans le marché en lui fournissant des informations et des services fiables.

Ces marchés se sont révélés de puissants auxiliaires du développement. Voies d'acces et communications ont été améliorées tandis que des succursales de banques, des institutions de crédit rural, des services de vulgarisation et des magasins d'approvisionnement en facteurs de production agricole ont été ouverts. Ces économies se sont répercutées sur les prix a la consommation.

Le programme brésilien ne s'est pas borné a allouer des fonds et a achever les ouvrages; il a aussi fourni des informations périodiques, fiables et a jour émanant des principaux débouchés de la zone de production, permettant ainsi aux producteurs de discuter les prix avec les acheteurs et aux utilisateurs de bénéficier de prix plus intéressants.

Les marchés de producteurs n'ont pas été dominés, comme on l'avait craint, par des oligopoles de commerçants et n'en ont donc pas souffert. Dans plusieurs cas, on a réduit les activités intermédiaires et instauré des circuits de commercialisation plus directs, reliés par exemple a des chaînes de supermarchés. Un systeme d'offres régulieres en bonne et due forme a attiré des grossistes qui jusque-la avaient dédaigné ce secteur. Cependant, il faut, a tout moment, veiller a ce que le marché ne soit pas manipulé et chercher a séduire de nouveaux acheteurs.

Marchés réglementés en Inde. Il existe deux grands types de marchés ruraux en Inde, les marchés de village périodiques et les marchés de groupage plus fréquents qui se tiennent dans les centres commerciaux ou a proximité des gares ferroviaires. Dans les premiers, les petits exploitants vendent aux consommateurs du lieu et aux grossistes résidents ou itinérants. Les seconds se caractérisent par la présence d'un commissionnaire résident qui réceptionne la production, l'expose la vend contre commission. Vu le rôle important qu'ils jouent dans la commercialisation, ces marchés ont toujours été suivis de pres par le gouvernement. Des enquetes ayant étalé au grand jour l'existence de taxes faisant double emploi et de pratiques commerciales abusives, il existe désormais dans la plupart des Etats des lois sur la commercialisation des produits agricoles. Elles assujettissent les transactions des commissionnaires a la surveillance d'un comité de marché élu et réglementent les taxes de marché, de pesée, de classement, etc.

Cette démarche a eu un effet fâcheux, en ce sens qu'elle a abouti a la cristallisation d'un systeme particulier de commercialisation groupée, qui a freiné l'expansion de circuits plus directs avec les villes éloignées. Ainsi des exploitants qui pourraient vendre leurs céréales vivrieres directement a la Food Corporation of India (FCI) a un prix garanti, sont encore obligés de passer par un marché réglementé, ou leur production est déchargée, vendue aux encheres par un commissionnaire et frappée de droits commerciaux. En la livrant directement a un dépôt de la FCI, ils en obtiendraient le meme prix a un cout bien moindre. Les marchés de groupage sont devenus une source de recettes a laquelle s'accrochent les gouvernements des Etats.

L'étude ci-apres d'un programme d'édification d'un marché de groupage, financé par un pret de la Banque mondiale, dévoile quelques-unes des distorsions que peut favoriser le financement d'un projet sur une grande échelle. On a procédé, en l'occurrence, selon une méthode stéréotypée, en partant des normes minimales fixées pour le terrain et les installations, sans se préoccuper des différences locales de type et de fréquence des échanges pas plus que des pratiques de commercialisation. Souvent, les arrivages ont été grossierement surestimés, d'ou l'acquisition de plus de terrain qu'il n'était possible d'en utiliser, et le rejet de certains emplacements plus appropriés que ceux qui ont été retenus.

Les estimations des arrivages ont surtout servi a évaluer l'espace nécessaire et les revenus éventuels du marché, alors qu'en fait il aurait fallu les utiliser pour identifier et quantifier:

  1. le rayon d'influence escompté du marché;
  2. la production commercialisable (par saison et forme) de l'arriere-pays;
  3. la demande locale;
  4. les moyens de commercialisation existants dans l'arriere-pays, par exemple autres marchés primaires et secondaires, points de ramassage dans les exploitations et sur le bord des routes, services officiels d'achats, etc.;
  5. les types de commerçants et de transactions;
  6. les agro-industries des alentours, par exemple usines de décorticage du riz paddy, raffineries de sucre, fabriques de jute, et leur influence sur la commercialisation dans la région;
  7. les entrepôts existants et les magasins supplémentaires requis;
  8. les besoins en vue de ventes quotidiennes ou a raison d'une ou deux fois par semaine, ainsi que les méthodes et les normes requises pour le transport, le séchage, le nettoyage et la pesée.

L'approche adoptée a mené a un exces d'installations fixes. Ainsi, on n'a pas réfléchi au fait que, dans le cas des légumes, les plus gros arrivages se situent en saison fraîche et que, par conséquent, une partie de cette production peut etre vendue en plein air tout comme d'ailleurs les céréales, lesqueles, étant livrées en saison chaude, ne risquent pas d'etre endommagées par le soleil. Des entrepôts céréaliers d'une capacité de 100 tonnes ont été mis a la disposition des agriculteurs pour qu'ils puissent stocker leur production en période de prix tres bas. Il était prévu que des certificats d'entreposage leur seraient délivrés en guise de garantie pour obtenir des crédits. Dans la pratique cependant, les exploitants ne s'en sont pas servis. Cela dénote soit qu'on s'est trompé en supposant que ces derniers apprécieraient ce genre d'installations, soit que l'acces au crédit était trop complexe.

Les bureaux du comité de marché étaient bien trop grands et les dortoirs destinés aux agriculteurs n'ont pas été utilisés. Au lieu de servir a la vente de céréales, d'engrais, d'outils, etc., les magasins ont été loués a des détaillants s'adonnant a tout autre type de commerces. Des abris contre le soleil et des abreuvoirs pour le bétail auraient été préférables aux constructions élaborées conçues a son intention. L'emprunt contracté pour couvrir ces investissements devant etre remboursé, exploitants et commerçants ont encouru des frais plus élevés qu'ils n'auraient du l'etre.

Il a donc expressément été recommandé, pour l'édification de tout marché futur, que:

  1. différents secteurs soient établis pour les principaux groupes de produits (céréales alimentaires, pommes de terre et oignons, jute, huiles végétales, fruits et légumes), qui correspondent a autant de secteurs du commerce de gros;
  2. la façade des locaux destinés a la vente soit orientée de maniere a n'etre exposée ni au soleil levant ni au soleil couchant. Par ailleurs, ces bâtiments doivent etre munis de toits en surplomb pour protéger les véhicules des intempéries pendant les opérations de chargement et de déchargement;
  3. un plan soit adopté en faveur d'un site sans limites fixes plutôt que d'une enceinte qui risquerait de freiner l'expansion du marché;
  4. les installations centrales d'entreposage et de services soient situées de maniere a ne pas gener les activités commerciales, mais pas trop a l'écart pour qu'on puisse s'y rendre aisément, et a proximité des grandes voies de circulation;
  5. les marchés primaires et secondaires soient bien séparés;
  6. le tracé des voies de circulation et des aires de stationnement prévoie des entrées et des sorties bien distinctes. Les voies de circulation doivent etre assez larges pour qu'en tous points des camions de 10 tonnes puissent manouvrer sans provoquer d'encombrements;
  7. sur les grands marchés en particulier, les barrieres d'entrée ou de sortie ne débouchent pas sur un grand axe routier;
  8. pour faciliter la manutention, les planchers et les plates-formes extérieures ne se trouvent pas a plus de 300 mm au-dessus du niveau de la voie d'acces, c'est-adire a une hauteur tout juste suffisante pour échapper a une inondation éventuelle, et soient inclinés vers l'extérieur pour permettre l'écoulement des eaux.

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