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Entreprises patronnées par l'Etat

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On examinera ici divers types d'entreprises qui, en vertu d'une décision gouvernementale, ont été créées pour entreprendre des activités de commercialisation ou en ont été chargées expressément. Il s'agit de coopératives publiques, d'offices de commercialisation, de sociétés commerciales d'Etat, d'offices des cultures se livrant au commerce et d'autres organisations para étatiques de commercialisation.

Les objectifs assignés a ces organisations peuvent etre d'ordre général ou spécifique. C'est ainsi qu'il leur incombe notamment:

A premiere vue, ce sont la des objectifs qui peuvent sembler séduisants, mais ils présentent divers écueils. Uniformiser les prix payés aux agriculteurs sur une vaste partie du territoire n'est pas une solution économique si cette mesure a pour résultat d'encourager a produire dans des zones éloignées des grands centres de distribution plutôt que dans d'autres plus proches, car ainsi le cout global du transport des marchandises et des intrants s'en trouve accru. Cette regle est valable quel que soit le systeme d'économie politique. Il en va de meme lorsqu'une organisation de commercialisation monopoliste, créée pour garantir aux agriculteurs de justes prix, s'octroie de telles marges qu'en réalité ceux-ci sont sous-payés.

Quand on envisage des objectifs fondamentaux de ce genre, il faut d'abord s'assurer qu'ils sont rationnels sur le plan économique et en examiner l'incidence a long terme sur le producteur et le consommateur. On doit ensuite voir s'ils sont réalisables, économiquement et administrativement, compte tenu des conditions du pays et des ressources financieres et humaines disponibles. Il faut a ce stade considérer en premier lieu des moyens propres a inciter les entreprises en place a mobiliser des ressources qui ne coutent rien a l'Etat. On peut faire beaucoup dans ce sens au moyen du crédit et d'autres politiques d'incitation, de mesures de réglementation, du contrôle a l'importation et a l'exportation, etc., sans avoir a mettre sur pied une entreprise publique de commercialisation. Les nouvelles techniques de transformation et de commercialisation peuvent etre démontrées par une entreprise publique ou coopérative pilote pour servir d'exemple aux entreprises autochtones. La ou les exploitants aspirent vraiment a une coopérative pour commercialiser leur production, on peut leur dispenser une assistance totale sans pour autant donner a la coopérative un monopole qui prive les agriculteurs n'en faisant pas partie d'un débouché ou d'une autre source d'approvisionnement. Dans les pays en développement, la mise en ouvre de programmes de stabilisation des prix et de politiques d'incitation requiert parfois qu'un organisme public constitue des centres d'achat et des stocks régulateurs. Rien ne l'empeche d'opérer ainsi en parallele avec les commerçants indépendants déja installés, comme on l'a vu au chapitre 4. Il n'est pas nécessaire qu'il ait le monopole du produit concerné.

Les entreprises de commercialisation publiques ont souvent du mal a trouver et a garder du personnel ayant la compétence voulue pour mener a bien les opérations. Dans certains pays, elles se heurtent a la concurrence de sociétés commerciales qui offrent des salaires beaucoup plus élevés. Si elles proposent a leur personnel les memes salaires et les memes possibilités de promotion que ceux réservés aux fonctionnaires des services publics, elles ne peuvent qu'en pâtir. Il importe aussi que leurs cadres soient suffisamment bien payés pour qu'ils n'aillent pas chercher ailleurs un appoint a leur salaire.

On reproche souvent aux entreprises publiques d'avoir trop d'effectifs par rapport a celles qui font le meme travail dans le secteur privé. Il faudrait qu'a leurs conseils d'administration siegent des directeurs qui soient capables de bien gérer une entreprise commerciale et de freiner la tendance a affecter aux différents services un personnel trop nombreux. Il est recommandé de faire périodiquement appel a des consultants spécialisés et de prévoir des cours de recyclage de temps a autre.

Pour améliorer le rendement et éviter les malversations, il convient plus particulierement:

La Commission kényenne de la viande (KMC). Cette entreprise semi-publique de traitement et de commercialisation de la viande en gros a été créée en vertu d'un décret parlementaire de 1950 qui lui conférait l'exclusivité de l'approvisionnement des marchés urbains et a l'exportation. Face a l'accroissement de la demande de viande bon marché au cours des années 70, des licences furent plus facilement octroyées aux bouchers privés utilisant les abattoirs municipaux, de telle sorte que la KMC se retrouva avec des frais généraux d'équipement fixes et de salaires trop élevés pour le bétail qu'elle gérait. Elle devint une charge pour l'économie du secteur national de l'élevage. La baisse de son débit continua de faire monter ses couts unitaires, au point qu'en 1979 elle accusait un déficit de 15 millons de dollars. Incapable de payer ponctuellement les producteurs, elle eut de plus en plus de mal a se procurer des animaux de qualité. Les avis sur ce qu'il convenait de faire étaient partagés; pour certains, il fallait abolir la Commission et en vendre ou en louer les installations; pour d'autres, le mieux était de la maintenir en tant qu'organisme de stabilisation des prix subventionné par l'Etat, qui serait chargé d'acheter le bétail et de traiter la viande lorsque la sécheresse dans les régions a pâturages entraînerait une pléthore sur le marché.

Un consultation d'experts convoquée en 1980 par le gouvernement recommanda:

  1. comptes financiers (opérations journalieres: écritures, prévisions de cashflow, contrôle du crédit);
  2. comptes de gestion (établissement des prix de revient, analyse financiere, traitement des données de gestion et élaboration du budget).

Chaque département devrait etre tenu de présenter un bilan réaliste, nul manquement a cette regle n'étant admis, pour quelque raison que ce soit.

Les experts ont, en fait, montré comment la KMC pouvait réduire ses couts en tirant meilleur parti de son personnel et augmenter ses revenus en favorisant des marchés différenciés et en n'intervenant comme acheteur de dernier ressort que contre compensation.

Ces experts ont aussi conseillé au gouvernement de consentir a la fermeture de ses fabriques si, au bout de quatre a cinq ans, les perspectives n'étaient pas meilleures.

La National Milling Corporation, République-Unie de Tanzanie. En 1978, le Gouvernement tanzanien a autorisé une enquete sur l'état des finances et les couts des organismes relevant de son autorité, responsables des diverses cultures. Conçue au départ comme entreprise de meunerie, la National Milling Corporation (NMC) fut chargée en 1968 de l'achat et de la distribution, au niveau national, des céréales de base et autres cultures vivrieres. Entre 1973/74 et 1977/78, ses pertes se sont accrues de 67 pour cent par an, les dépenses d'achat et de fonctionnement augmentant plus vite que les ventes. Les couts administratifs subissaient une hausse de 29 pour cent par an, tandis que les agios sur le découvert et autres intérets aggravaient encore le probleme. Au total, les pertes cumulées atteignaient 30 millions de dollars. Ce chiffre surestimait sans doute les stocks et sous-estimait les créances; les pertes pouvaient donc en réalité etre beaucoup plus importantes.

Cela tenait, expliquait-on, a ce que le rôle de cet organisme, en tant que principal fournisseur de vivres pour le pays, était, avant tout, de veiller a ce que tout le monde ait de quoi se nourrir, les autres préoccupations passant au second plan. En réalité, la NMC couvrait normalement 5 pour cent des besoins alimentaires du pays, et surtout ceux de la population urbaine. La question était donc de savoir si le cout de son fonctionnement, avec une perte de 13,5 millions de dollars par an, était justifié ou s'il était possible de remanier le systeme de commercialisation alimentaire de maniere a desservir ce secteur de la communauté a moindres frais.

Les mesures de redressement jugées nécessaires furent les suivantes:

  1. la fixation des prix a l'échelle nationale. Le mais cultivé a l'autre bout du pays était payé le meme prix que celui qui poussait pres de Dar-es-Salaam, et y était transporté a perte;
  2. les mauvaises créances dues a l'obligation d'acheter moyennant avances aux producteurs;
  3. les pertes matérielles ainsi que les couts financiers et d'entreposage consécutifs a la consigne selon laquelle il fallait reporter les stocks plus pour assurer la sécurité alimentaire que par intéret commercial. Les pertes de stocks étaient de l'ordre de 16 a 30 pour cent. En période d'abondance, le solde déficitaire était élevé. En période de pénurie, une grande partie du stock était utilisée;
  4. les pertes résultant de l'exportation de denrées excédentaires du programme de sécurité alimentaire.

Les couts expressément entraînés par ces politiques devraient etre couverts par des subventions annuelles.

Comme le Bureau national de commercialisation qui avait entrepris cette étude était parti de l'hypothese que le Gouvernement tanzanien entendait garder la haute main sur le commerce alimentaire de gros, ses recommandations visaient surtout a réduire les couts.

Corabastos. Entre 1950 et 1970, la population de Bogota a quadruplé. D'apres des études menées en 1970, les circuits commerciaux alimentaires de cette ville, notamment ceux qui desservaient les consommateurs a faibles et moyens revenus, évoluaient lentement et fonctionnaient mal. Corabastos, organisme semi-public, fut créé en 1970 pour apporter des innovations dans le systeme de commercialisation alimentaire, grâce notamment a la construction et a l'exploitation d'un nouveau marché de gros central, a la mise en place, dans le voisinage, de chaînes de magasins et d'une bourse de commerce ainsi qu'a la diffusion de meilleures informations sur le marché.

Pour évaluer ce programme, on a utilisé des études de cas approfondies effectuées avec le concours des dirigeants de Corabastos et des fonctionnaires du gouvernement, et on a examiné les archives et états financiers de Corabastos. Pour en estimer l'incidence, on a enqueté aupres des producteurs et des détaillants opérant dans la zone d'influence de Bogota.

Le directeur de Corabastos était particulierement bien placé pour jouer un rôle novateur dans la commercialisation alimentaire. Il était en rapport étroit avec le commerce de gros, avait reçu une formation a la commercialisation a la Michigan State University, était influent au sein du parti politique qui occupait alors la premiere place et connaissait personnellement le Président. Grâce a ces relations et a l'appui du parti politique, Corabastos réunit les ressources nécessaires aux programmes et exécuta ces derniers avec une facilité étonnante. De nombreuses initiatives furent prises pour favoriser la participation d'opérateurs de la commercialisation (commerçants, gérants d'entrepôts, syndicats d'ouvriers du commerce, etc.).

Ce travail novateur de groupe déclencha un processus de changement. Les médias furent largement utilisés. Les grossistes desservant des chaînes volontaires reconnurent qu'ils vendaient mieux lorsque leurs emballages portaient l'étiquette Corabastos. Au bout de deux ans, Corabastos s'était fait une réputation nationale et était connu de tous. Devant le succes de ces programmes, d'autres sources de crédit devinrent accessibles et, en 1973,1'organisation pouvait obtenir des prets pour la plupart des programmes qu'elle proposait. Ses actionnaires étaient des institutions gouvernementales qui relevaient directement du Président, lequel discutait personnellement les politiques et décisions avec le directeur général de Corabastos.

Grâce a l'initiative de Corabastos, le systeme de commercialisation alimentaire de Bogota était, en 1976, mieux coordonné. Les grossistes polyvalents et spécialisés avaient élargi leurs opérations et acquis du pouvoir et se muaient en chefs de file de circuits commerciaux. L'oligopsone subsistait encore un peu, mais la concurrence et l'innovation progressaient et l'efficience s'était accrue. Les chaînes pilotes de magasins de gros dans le voisinage de Corabastos attestaient l'existence d'immenses possibilités qui s'offraient pour rehausser, innover et créer une puissance qui fasse contrepoids. Les couts et les revenus des programmes de réforme lancés par Corabastos semblaient sur le point de s'équilibrer, alors qu'on notait déja d'importants avantages sociaux.

C'est a ce moment-la que les pressions politiques amenerent Corabastos a intervenir directement en subventionnant les prix. Sa tentative pour stabiliser le marché du bétail et de la viande lui couta beaucoup d'argent. La presse fut alertée et il fallut nommer une commission d'enquete.

Cet exemple montre qu'une entreprise publique, conduite par un leader dynamique et nanti de relations, peut faire beaucoup en peu de temps. Il montre aussi qu'une trop grande dépendance vis-a-vis d'un seul homme comporte des dangers. En l'occurrence, le directeur est devenu trop ambitieux et a pris des risques dans un domaine dont il n'avait pas l'expérience. Devant un tel succes et une telle autorité, son conseil d'administration se cantonnait dans une attitude passive, exécutant a la lettre les ordres émanant du Président. Quand, juste avant la prise de pouvoir d'un nouveau président appartenant a l'opposition, cet homme se démit de ses fonctions, le conseil d'administration découvrit combien était précaire la situation financiere de Corabastos. L'ancien président étant remplacé, les institutions gouvernementales ne se sentirent plus tenues d'aider l'entreprise.

 

Enseignements tirés

Marchés. On peut se servir de la liste de questions ci-apres pour évaluer l'adéquation des marchés ruraux et, en l'adaptant, celle des marchés de gros. Elle peut également etre utile pour préparer des programmes d'amélioration.

  1. Plan du marché: est-il fonctionnel? Dresser un schéma montrant les emplacements de vente en plein air et couverts, ainsi que les aires de stationnement et de déchargement. Quelles améliorations suggérez-vous? A quels prix? Qui les paiera et comment seront-ils recouvrés?
  2. Bâtiments: sont-ils de taille adéquate, protegent-ils bien du soleil et de la pluie? Y accede-t-on facilement? Quelles améliorations seraient justifiées économiquement?
  3. Alimentation en eau: y a-t-il assez de fontaines ou autres points d'eau?
  4. Routes d'acces et de desserte: sont-elles carrossables en temps normal? Dans la négative, qui pourrait les améliorer?
  5. Entreposage: existe-t-il une demande non satisfaite? Si oui, comment y répondre au mieux?
  6. Equipement commercial: y a-t-il de bons instruments de pesée et de mesure du taux d'humidité?

Qui est propriétaire du marché et qui est responsable de son fonctionnement?

L'expérience brésilienne montre que, pour choisir l'emplacement d'un marché de groupage et arreter toutes décisions y afférentes, il convient de tenir compte des observations suivantes:

  1. il y a prédominance d'agriculteurs produisant telle ou telle denrée en quantité suffisante pour en justifier le transport direct vers un marché de gros secondaire;
  2. existent de bonnes routes et de nombreux moyens de transport car, alors, passer par le marché de producteurs ne fait qu'entraîner un surcroît de manutention;
  3. on les construit en prévision de nouveaux développements dans la production. Bien souvent, le commerce escompté ne se matérialise pas ou a plus d'intéret a passer par d'autres circuits.

On sait maintenant que les marchés ruraux traditionnels ont des criteres de quantité et de qualité bien établis, meme si ceux-ci sont subjectifs. En général, ils conviennent aux habitués du marché, en particulier aux consommateurs. Il est inutile d'insister sur l'utilisation de poids, de conteneurs, etc., normalisés, si cela doit occasionner de grosses dépenses. Toutefois, la nécessité d'examiner chaque lot limite l'échelle des opérations. On peut donc faire pression, moyennant réglementation du marché, crédits pour l'achat d'instruments de mesure, d'appareils de détermination de l'humidité, de conteneurs standard, etc., pour faciliter le commerce par description.

Des l'instant ou de grosses sommes sont mises en circulation pour agrandir des marchés, on tend a en édifier de nouveaux a d'autres fins. Ceux-ci risquent de faire surgir toute une série de problemes différents-transfert de pratiques indésirables d'un site a un autre, renforcement d'intérets établis, etc. Il est plus facile d'adapter le marché a l'évolution des besoins quand les installations matérielles sont souples. Il importe avant tout que la gestion soit aux mains d'un personnel loyal décidé a garantir un environnement commercial favorable aux divers utilisateurs du marché.

On néglige souvent le rôle que peuvent jouer les marchés dans le développement en tant que pôles de services. Ce rôle suppose la mobilisation, sur la place du marché, d'institutions pour l'approvisionnement en intrants, la vulgarisation et le crédit qui souvent se trouvent ailleurs. Il est bon, en toutes circonstances, que l'administrateur du marché assume aussi la fonction de coordonnateur des ventes et des services. Si l'on veut qu'il continue a exercer ce rôle dans la pratiqué il est indispensable de lui prodiguer les incitations voulues.

Des études sur la réaction de petits et gros exploitants a la multiplication de marchés réglementés en Inde ont fait apparaître qu'au bout de deux ans la production avait augmenté de 2 a 4 pour cent, progres du exclusivement aux petits agriculteurs. Calculé sur la base des investissements moyens dans les nouveaux marchés, y compris l'amélioration des routes d'acces a raison de 400000 dollars, le taux de rentabilité interne s'établissait a 40 pour cent environ.

Entrepreneurs. Ce que peuvent faire de mieux les gouvernements pour favoriser la création de bonnes entreprises privées de commercialisation est souvent de ne pas intervenir. Parmi un groupe de gens sur lesquels on a fait une enquete, certains avaient hérité de leur entreprise, mais la plupart s'étaient mis a leur compte parce qu'aucun autre emploi acceptable ne s'offrait a eux. Ils étaient disposés a risquer toutes leurs économies dans l'espoir de se forger un avenir qui en vaille la peine. Ils étaient poussés non pas tant par le désir de venir en aide a leurs amis ou au pays que par le besoin de s'aider eux-memes. En se créant une occupation, ils fournissent du meme coup du travail a autrui et rendent service a des centaines d'agriculteurs et de consommateurs. Mais l'initiative et l'effort ne venaient que d'une seule personne qui avait saisi l'occasion qui était a sa portée.

Il faut, partout ou on le peut, encourager la concurrence dans la commercialisation des produits agricoles et l'approvisionnement en intrants. L'intervention du gouvernement doit la favoriser et non la contrecarrer. Cela vaut non seulement pour les offices de commercialisation et les sociétés publiques, mais aussi pour les coopératives ou autres institutions privilégiées qui jouissent de pouvoirs spéciaux pour acheter ou vendre tel ou tel produit. La qualité du service rendu par une entreprise de commercialisation ou d'approvisionnement en facteurs de production ne se reconnaît vraiment qu'au fait que les agriculteurs s'y adressent volontiers pour vendre ou acheter. Si des directeurs d'entreprise sont privés de cet indicateur de succes ou d'échec, parce que les agriculteurs n'ont pas d'autre choix, ils perdent le plus précieux de leurs moyens de gestion.

En général, les commerçants individuels ont une bonne connaissance de certains segments ou aspects donnés d'une séquence de commercialisation d'un produit et ont la capacité d'agir et de réagir vite, indispensable au succes des opérations. Il faut trouver la façon d'exploiter ces qualités et d'obtenir la participation de ces entrepreneurs aux programmes d'amélioration générale.

Entreposes publiques. Une mission importante leur échoit, a savoir, faire la démonstration de nouvelles techniques ou d'opérations de commercialisation et de transformation a plus grande échelle capables, par la suite, d'etre adoptées par d'autres entreprises. Ainsi, la Commission kényenne de la viande visait au départ a commercialiser, dans de bonnes conditions d'hygiene, la viande de qualité supérieure du bétail amélioré provenant d'éle vages modernes. Qu'elle recoure a des techniques de commercialisation propres a différencier les produits de cette qualité est le conseil qui lui est maintenant donné et qui va dans le sens de son objectif premier.

Il importe, lorsqu'une affaire n'est pas rentable, de pouvoir la liquider. Le rôle d'une entreprise d'Etat est d'assumer des fonctions de grand intéret public. La manutention des récoltes d'importance secondaire, la satisfaction des besoins de groupes minoritaires de consommateurs, la collecte des approvisionnements aux quatre coins du pays sont des tâches qui peuvent etre laissces a l'initiative locale et aux entreprises en mesure de les exécuter a moindre cout. Les Asiatiques qui, avant l'intervention du gouvernement, commercialisaient les denrées alimentaires en République-Unie de Tanzanie ont été accusés d'exploiter les petits agriculteurs, alors qu'en réalité ils percevaient une marge inférieure de moitié a celle que préleve actuellement le systeme office/coopérative de commercialisation mis sur pied pour les remplacer.

La ou l'on juge utile d'instituer une organisation publique de commercialisation, il importe d'en définir clairement la position financiere, la contribution qu'elle est censée apporter au public et a la société, ainsi que les subventions qu'elle recevra. Tous ces éléments doivent etre rendus publics dans des rapports périodiques. Rien n'est plus contraire a une bonne gestion et comptabilité que de masquer les recettes et les dépenses, car de la sorte il est impossible d'avoir une idée bien nette de l'efficacité avec laquelle est exploitée l'entreprise.

Il est indispensable que les offices de stabilisation des prix s'en tiennent a des politiques financieres réalistes. Il vaut mieux prévoir a part les crédits budgétaires nécessaires pour appliquer un prix standard aux agriculteurs éloignés du marché, ravitailler a des prix de faveur des groupes économiquement faibles en aliments de base et mettre en ouvre d'autres programmes de commercialisation a but social. En insistant pour que ces opérations se fassent avant tout sur une base commerciale, on risque fort de nuire a l'intégrité des organisations intéressées. Le gouvernement doit bien comprendre l'enjeu et la nécessité d'octroyer les fonds nécessaires.

Dans beaucoup de pays, le personnel des entreprises publiques se laisse soudoyer pour délivrer des licences et favoriser l'obtention de contrats, anticiper des informations, accorder de bons criteres qualitatifs, etc. Il est enclin a abuser de son pouvoir et a faire fi des intérets et des sentiments des producteurs et des consommateurs qu'il est censé servir. Le favoritisme a l'égard des amis et des parents va parfois tres loin. Ce qu'il faut savoir avant tout, c'est si, dans telle ou telle circonstance, le dommage ainsi causé est d'ordre a ôter toute utilité a une organisation monopolistique et ce que l'on peut faire pour circonscrire le népotisme, la spéculation et l'exploitation dans des limites qui ne nuisent pas aux opérations.

Pour éviter que se perpétuent des structures qui risquent d'etre néfastes, il serait bon que tous les monopoles officiels de commercialisation n'exercent leur mandat que pendant un certain nombre d'années. Une action spécifique du gouvernement serait requise pour le reconduire. Une autre bonne mesure de sauvegarde est l'obligation, pour le gouvernement, de solliciter et de publier, disons tous les cinq ans, les avis d'une commission habilitée a mener une enquete approfondie. Feraient partie de cette commission des représentants des divers intérets en cause ainsi que des spécialistes éclairés venant d'autres pays.

On voit parfois d'un bon oil les entreprises publiques de commercialisation parce qu'elles pratiquent de justes prix et traitent honnetement leurs clients. Il ne faut pas oublier cependant leurs marges élevées ni le capital et les subventions qu'elles reçoivent, lesquels doivent etre payés par le biais des impôts. Les efforts déployés par les commerçants privés pour gagner un peu plus sur leurs transactions dénotent a quel point la concurrence est serrée. « Dans ce métier, on ne se fait pas de cadeau », comme l'a dit le président de Cargill Inc., la plus grosse société internationale de commercialisation de céréales, lorsqu'un concurrent fut pénalisé pour avoir « trafiqué » ses balances de maniere a ne livrer que 99 pour cent du poids de marchandises stipulé dans le contrat. Il n'en reste pas moins que, dans l'ensemble, les marges de commercialisation de ces entreprises reviennent bien moins cher a l'agriculteur et au consommateur que celles des monopoles d'Etat.


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